Saturday, December 19, 2009

Hakim Bey : extrait de L'abeille criminelle

Nietzsche a dit quelque part qu'un esprit libre et vrai ne souhaite pas voir s'abolir les lois du troupeau, de crainte qu'il n'existe plus rien contre quoi lutter, rien à surmonter. Léger danger de cette abolition, pourrait-on penser.

Depuis l'époque de Nietzsche la loi s'est d'une certaine façon transformée, passant d'un outil complexe mais multidimensionnel d'oppression de classe, à l'image-miroir du spectacle, subtile, fatale, imprégnant tout. La loi simule la dictature de la commodité, vouée à ne faire que promettre et vouée à écarter l'utopie de justice.

Nos mythes fondateurs ici aux Etats-Unis , qui ont pu prendre la forme de textes tels que la Déclaration d'Indépendance, ou un Bill of Rights, par exemple, se sont avérés si infiniment flexibles qu'ils ont fini par devenir, pour comme tous mythes, leur contraire. La loi n'apparaît plus comme une limite dialectique, comme c'était le cas pour Nietzsche, mais plutôt un virus multiforme et suintant, qui infecte la fabrique même du langage et de la pensée.

On ne peut plus faire la distinction entre les flics et la culture du flicage. L'hallucination induite par les médias, celle d'une société déterminée par ses flics et avocats. Dix minutes dans un vidéoclub devraient convaincre n'importe quel observateur impartial que nous évoluons dans un contexte de police de la conscience, un état bien plus omniprésent que chez les nazis, ces rudes pionniers des amphétamines, de la TV et de la balistique. Qu'est-ce que penserait, par exemple, un visiteur OVNI extra terrestre d'une planète dont l'image fétiche est celle d'un agent en rage des forces de l'ordre menaçant cet observateur avec un flingue?

Un petit nombre d'esprits pourront se libérer en de brèves occasions, de l'omniprésence vacillante de cette seule véritable image axiomatique de " notre moment dans le temps", ainsi que Nixon appelait le présent. Sans aucun doute commenceront-ils pour une fois à s'interroger sur la possibilité d'outrepasser la loi, à la fois en tant que code social qui catégorise les interdits de nos désirs, et aussi en tant que super ego ectoplasmique, ou flic du paysage intérieur qui nous étouffe avec la peur de nos propres passions.
Le premier pas, pour chaque utopie réelle, c'est de se regarder dans le miroir, et d'exiger de savoir quels sont mes vrais désirs, un action qui présuppose déjà une victoire au moins provisoire sur l'anxiété inconditionnelle, sur la peur que mon daimon puisse apparaître sur le verre ou alors un daimon flic.

Que vois-je alors? La première image qui flotte à la surface de la pierre de voyance ( 'skry stone' ndt), le miroir magique, c'est le criminel: mes désirs sont illégaux. Mes folies sont interdites dans la civilisation. Le code moral qui est ancré dans le code moral voit mes appétits comme blessants.

Fourier et Nietzsche ont tous les deux défini le criminel comme un esprit insurrectionnel par nature, en révolte contre l'oppression étouffante du consensus social. La tragédie du criminel, pourtant, c'est d'être presque l'inverse du flic : une projection en négatif, et donc de la même façon une projection, un piège, une définition imposée au sein même du langage du contrôle. Et en tous cas, plus je regarde profond dans la glace, moins je suis à même de voir des désirs que je qualifierais de 'mauvais', cela selon mon propre code éthique.

Mes désirs sont illégaux. Mes folies sont interdites dans la civilisation.

Pour moi 'mauvais' signifie contreproductif, une misère qu'on s'inflige à soi-même. Je refuse que la réalisation de mes désirs dépende de la misère des autres. Non pas parce qu'un tel acte serait immoral, mais parce que psychiquement cela me nuirait: la misère appelle la misère. Ceux qui se sont pris au piège de vouloir réaliser leurs désirs en faisant du mal aux autres sont tous, d'après mon expérience, dans une misère psychique.

Dans cette acceptation du terme le crime paie; ceci dit il ne paie pas suffisamment! C'est pour des raisons purement égoïstes que je le rejette: pour accomplir mes désirs, il me faut outrepasser ou même violer la loi, mais selon ma vision à moi je ne fais pas le mal, et j'accepterais encore moins d'être catégorisé de criminel.

Cela explique pour quoi le fascisme n'est pas une réponse. Le fascisme est une machine désirante, mais restreinte à une élite amorale qui se crée des ennemis pour les détruire, qui crée et détruit des victimes, comme dans l'oeuvre du Marquis de Sade. Fourier, cependant, affirme que le désir en lui-même demeure du domaine de l'impossible, à moins que ne puisse se réaliser la totalité des désirs. Cette passion engage l'Autre, et définit ainsi la seule vraie société, la seule qui soit possible. C'est cette réalisation qui est la jonction entre fascisme et anarchie.

Plongeant mon regard plus profond encore dans le miroir, je commence à voir en fait qu'ici je ne suis pas seul. Que le Soi implique les autres, que nous sommes co-impliqués dans nos désirs les uns les autres. Ici donc nous atteignons un stade qui est selon la pensée de Nietzsche plus important que la criminalité en elle-même: la société des des libres esprits, ou encore, comme l'a nommé Max Stirner, L'Union des Maîtres de Soi-même.

Le Soi implique les autres, nous sommes co-impliqués dans nos désirs les uns les autres.

Il existe un modèle d'organisation qui échappe à la dialectique meurtrière des institutions, cette contreproductivité des institutions comme Ivan Illitch l'a appelé. Cette forme différente du groupe, on peut la retrouver dans les séries de Fourier, ¤séries qui rassemblent selon les lois de l'attraction passionnelle, l'ensemble d'humain psychiquement reliés qui sont nécessaires à l'expression et à la réalisation d'un but passionnel commun ou partagé. Si de telles associations harmoniques ne parviennent pas à l'existence, insiste Fourier, c'est parce que la civilisation même les en empêche, elle qui se fonde sur la misère des hommes.

Il croyait qu'il faudrait d'abord fonder l'utopie, de façon à ce que les séries se forment par elles-mêmes à partir des différentes passions, pour l'épanouissement sexuel et sensuel, pour un travail intéressant, et pour la totale réalisation physique et psychique de l'individu dans la société. En d'autres termes, à partir de ce dont Stirner et Nietzsche avaient fait une catégorie absolue de l'individu, Fourrier a fait une une catégorie sociale absolue.

Notre tâche n'est de suivre aucune de ces idées, mais de déconstruire, faire la synthèse et puis reconstruire. A partir de ce processus, nous espérons voir se lever non pas simplement une autre idéologie ou un autre non-lieu ( u-topos) _ et c'est bien ce que signifie utopie - quelque subtile ,ou stimulante intellectuellement fût cette idéologie; ce que nous espérons, c'est plutôt créer une praxis, un mode d'action qui permettent aux séries de s'incarner et de manifester cette passion ici et maintenant, ou alors assez proche d'ici et maintenant pour pouvoir en avoir un avant-goût.



[¤Phalanstère: Les groupes principaux sont appelés des séries, constituées de gens réunis passionnément par identité de goût pour quelque fonction. L’intégration dans le groupe est réalisée en toute liberté et par choix réciproque, comme de nos jours se constituerait un orchestre amateur ambitieux. WIKIPEDIA]

Friday, September 25, 2009

Peter Carroll : Sauts de paradigme occultes

Traduction réalisée à l'occasion du dernier changement de saison


Avertissement : pour sorciers uniquement. À ne pas consommer par mes amis physiciens.


À chaque Æon, les Magiciens ont emprunté à leur culture d'origine leurs paradigmes de façon à expliquer comment fonctionne la Magie. Ainsi durant l'Âge du chamanisme, les magiciens ont supposé que d'une façon ou d'une autre ils agissaient en interaction avec les essences animistes intrinsèques aux phénomènes naturels, avec les plantes, les animaux et les humains. Cette idée a peut-être trouvé son développement ultime avec la doctrine classique du platonicisme où toutes les formes extérieures qui se manifestent à nos sens ne font que refléter, parfois de façon imparfaite, certains idéaux qui résident dans une sorte de royaume supérieur. Ainsi, tous les chats observables reflètent, à divers degrés de perfection, une sorte d'essence féline cosmique. Pour la pensée contemporaine cela ressemble plutôt à une sorte de fascination envers les facultés de l'esprit humains à former des concepts abstraits. Quoi qu'il en soit le Platonicisme, comme son épanouissement ultime avec le Néoplatonicisme, a eu une influence profonde sur la pensée religieuse et magique depuis deux mille ans.

Le christianisme des origines a assimilé sans détail les idées néoplatoniciennes, dont les traces persistent dans l'idée orthodoxe du Christ en tant que Logos, ainsi que dans le pouvoir et la sainteté des icônes. Dans l'Église catholique, la doctrine de la transsubstantiation prise au sens littéral et la vénération des reliques restent une influence. Malgré leur vernis philosophique et monothéiste, ces idées remontent à l'animisme, et cela renvoie au fait de manger le cœur des guerriers courageux afin d'acquérir leur pouvoir.

L'alchimie est apparue en tant que quête pour parvenir à l'essence des choses. Il aurait semblé plutôt raisonnable à l'esprit médiéval de tenter de distiller le principe essentiel du Métal à partir du plomb ou du mercure, ou le principe essentiel de génération à partir du sang menstruel. Bien sûr, rien de ceci ne semble être allé bien loin jusqu'à ce que certains alchimistes aient eu l'humilité d'observer le factuel plutôt que l'abstrait ou l'imaginaire - qualités idéalisées de différents types de matière de base.

Le mode de pensée animiste colore toujours la façon dont tous les humains peuvent penser, nous devons toujours évaluer les phénomènes quels qu'ils soient, de l'idée d'un atome à nos propres idées sur une personnes en termes de comparaison, d'analogie et de métaphore, quels sont ses pouvoirs, et à quoi d'autre cela ressemble-t-il. Pour le dire autrement nous voulons savoir ce qu'"est" quelque chose, pour nous en donner une sorte d'appréhension. Concernant l'ambition de manipuler le monde par des moyens physiques, une telle pensée animiste ne fonctionne pas si bien que ça, s'il l'on restreint son vocabulaire d'analogies et d'archétypes à des abstractions comme la terre, l'air, le feu et l'eau. Ajouter l'éther n'est pas d'un grand secours et ajouter les sephiroth de la Kabbale ou les signes zodiacaux ne fait que perturber d'autant plus la lucidité.

Pour manipuler le monde matériel indirectement, il faut quelque chose de bien plus simple et de plus basique que les concepts de terre, air, feu et eau. Il faut quelque chose de si simple qu'on aura peine à le percevoir de le monde réel apparemment complexe. Il faudra une abstraction fondée sur une idée si triviale, bête et méchante, qu'on pourra aisément faire sans. Il faudra les mathématiques, soit pour, intuitivement, jeter une pierre, soit pour, plus difficilement, lancer une fusée sur la Lune.

Pourtant lorsqu'il s'agit d'interagir directement avec le monde ( par la magie), un mode de pensée animiste peut présenter des avantages. Si nous supposons que l'esprit ou les fonctions cérébrales complexes peuvent d'une certaine façon, et jusqu'à un certain point, former un engrenage direct avec le monde pour découvrir les choses ou les influencer, nous rencontrons alors un problème de définition , ou encore ce que les magiciens appellent le problème du lien magique. Comment se peut-il que ce qui se passe dans notre tête puisse présenter une corrélation quelle qu'elle soit avec les phénomènes externes? C'est ce problème qui a ennuyé les philosophes depuis le commencement de leur profession. Nos sens sont imparfaits, mais lorsque nous les améliorons avec des observations attentives ou avec des machines le problème ne fait qu'empirer car nous commençons à apercevoir une incroyable complexité dans les choses les plus simples.

Ainsi nous avons recours inévitablement à une sorte de modélisation analogique consciente des phénomènes dans notre réalité, parce que notre conscience ne peut numériser que les plus simples de nos expériences, quand bien même notre inconscient présente plus de facultés pour cela. L'inconscient emmagasine largement plus d'information que notre conscience les répertorie. Lorsqu'on rencontre un ami de longue date, notre subconscient confirme immédiatement leur identité en confrontant une centaine de leurs caractéristiques qu'il serait impossible de décrire consciemment , et, n'en parlons pas, d'esquisser avec la mémoire consciente.


Le mode de pensée animiste offre ainsi potentiellement un type de compression de données très utile. En supposant qu'untel ne peut pas exercer sa mémoire consciente assez pour un lien magique décent, alors une classification qu'on peut décrire comme une nature terrestre/aquatique avec des influence jupitériennes modérées par le signe du Sagittaire pourraient servir d'un type, sigilistique, de forme abrégée, pour interagir avec l'évènement visé par des moyens psychiques. Cependant pour ce genre de choses sur lesquelles travailler, l'opérateur doit maintenir un système symbolique qui soit plutôt propre et sans équivoque. Ce que les gens modernes font rarement, car ils pensent trop.


Il est rare que les systèmes animiques aient des modèles explicites d' extradimension ou autres, qui soient purement animistes, et par lesquels les pouvoirs inhérents aux phénomènes physiques agissent sur le monde. Là où de telles dimensions animistes existent, elles ont tendance à finir par s'identifier soit avec les états modifiés de conscience induits par le chamanes par différents moyens, soit avec une sorte de royaume des esprits.

L'hypothèse des esprits apparaît de façon naturelle, de la propension humaine à former une 'image de soi' et une ' théorie de l'esprit'. Il nous serait presque impossible de vivre sans une image de soi. Nous devons pour ainsi dire développer un modèle de nous-mêmes, à l'intérieur de nous, de façon à pouvoir séparer les perceptions reliées à la conscience et celles liées au monde extérieur. Lorsque nous nous développons, notre image de soi-même devient plus sophistiquée dès lors que nous y incorporons des concepts abstraits, et nous en sommes de plus en plus dépendants pour structurer nos vies; on ne pourrait imaginer son absence et ainsi, nous en venons à croire qu'une âme immortelle se doit d'exister. On peut "éteindre" cette image de soi avec certaines pratiques mystiques ou des doses importantes d'hallucinogènes, il semble alors que l'on devient chaque chose que l'on perçoit; l'objet placé dans sa main devient une partie du corps, on ne fait plus qu'un avec l'arbre qui se trouve dans le champ de vision, ou encore avec une notion religieuse dans sa pensée. Les personnes dont l'image de soi est sérieusement affaiblie ne peuvent agir de façon efficace en ce monde et ils sont considérés comme fous.

Il nous serait aussi très difficile de faire avec notre monde personnel, si, très jeune nous n'avions pas développé l'hypothèse que les autres ont des intentions et des perceptions très souvent occultées par leur comportement effectif, ou que celui-ci ne révèle que partiellement. Cette faculté semble faire défaut aux autistes, à différents degrés de gravité.

La propension innée que nous avons à former une image de soi et une théorie du mental amène plus ou moins naturellement à l'idée que les âmes et les esprits et les dieux, ou encore les "fées célestes" '(comme les nomment certains athées) existent.

Nous ne pouvons nous concevoir morts, ou imaginer ce qui arrive au soi que l'on attribue aux autres lorsqu'ils meurent; nous percevons le monde naturel comme capricieux et donc peut être possédés par des esprits (des dieux) ou encore peut être un seul grand esprit (Dieu).

La théorie des esprits, ou encore spiritisme, s'est insinuée assez rapidement dans l'animisme pur, et a tenu une position dominante dans la théorie magique jusqu'à ce que les analogies scientifiques se soient imposées. Les anciens païens voyaient une intelligence de toutes parts, et voyaient en les phénomènes naturels personnifiés des divinités. Les dieux du foyers pour les problèmes d'ordre mineurs et les dieux plus importants pour les problèmes plus sérieux comme ceux de l'orage, de la montagne, des océans des villes ou de l'outre vie.

Ayant intégré que partout se trouve l'esprit, les anciens pouvaient au moins essayer de commencer à négocier avec eux. La prière et le sacrifice aux dieux d'ordre supérieur sont ainsi devenues les principales activités religieuses en même temps que la magie offrait une latitude pour tenter de faire plier des dieux inférieur et les commander.

Le monothéisme est apparu au moment où les systèmes païens se sont effondrés sous la cacophonie d'un nombre trop important de dieux et sous le développement du sens de l'image de soi. Les païens n'imputaient absolument pas leurs désirs et impulsions guerrières, par exemple, à leur sens du soi mais ils les imputaient aux dieux ce qui fait qu'ils développaient leur sens de l'organisation et de l'identité en ajoutant toujours plus de dieux à leurs panthéons pour pouvoir s'expliquer à eux-mêmes. Substituer à tout cela une divinité unitaire présentait l'avantage d'élargir l'image de soi, seulement c'était au risque de reléguer une vaste partie des comportements socialement douteux aux royaumes démoniaques. Il est rare par exemple de voir beaucoup de temples de prostitution sacrée dans des institutions monothéistes. Ceci a pourtant en soi amené un dividende politique. Le contrôle social devient plus simple s'il n'y a qu'une seule prêtrise, une seule identité consensuelle, et un seul ensemble de règles.

La magie, avec le spiritisme d'ordre religieux, devient de droit périlleuse. Ce n'est que très rarement que la prêtrise peut tolérer une négociation en freelance avec le royaume des esprits ce qui fait que la magie populaire devient souterraine; seulement les prêtres eux-mêmes développent le plus souvent une forme caractéristique de magie spirite, dont nous voyons des exemples dans la Kabbale, la Goëtie ou encore les Djinns ou génies dans l'Islam. A ce moment là les magiciens commandent les esprits inférieurs en invoquant le pouvoir de Dieu. Comme la plupart des monothéismes (du moins dans leurs jeunes années) ont tendance à conserver un hôte pour les dieux inférieurs qui soit chargé des problèmes mondains, le prêtre/magicien a le pouvoir de conjurer presque n'importe quoi par la double procuration de Dieu et des esprits inférieurs.

Étant donnée la croyance que l'esprit est partout présent, tout cela trouve parfaitement un sens. En termes modernes tout cela compte encore magiquement pas mal de sens, si l'on suppose que sigiliser les phénomènes comme les esprits facilite leur interaction avec le mental. Le paradigme spirite, qui voit l'esprit en toutes choses, influencera probablement pour toujours la pensée humaine ne serait-ce que parce que cette dernière demeure l'outil par lequel nous investiguons, par lequel nous sondons le monde. Le nombre de scientifiques qui se sont exclamés que l'univers est intégralement constitué de pensées ou de choses mentales n'est pas négligeable, mais pour la plupart ils ont dû se surmener dans les calculs et exagérer sur l'oxyde nitrique.

Concernant sa valeur en tant que théorie magique, le paradigme spirite n'a en réalité que très peu de pouvoir en termes d'explication ou de prédiction. Tous nous savons ce que désigne 'le royaume des esprits', et celui-ci ne désigne que ce que le spirite veut qu'il désigne. Pour le dire autrement ses propriétés sont fantastiquement compliquées et plus ou moins variables. Ainsi il ne peut rien nous dire sur des formes de magies qui soient possibles ou impossibles, probables ou improbables.


Le paradigme scientificomatérialiste a généré une foule d'explications néo scientifiques à divers phénomènes parapsychologiques, spirituels, occultes et magiques. Ceux-ci tombent d'une façon plus ou moins nette dans les catégories d'éthers occultes, d'énergies occultes et de paradigmes d'information occultes. Les aethers ou éthers occultes semblent avoir commencé avec Eliphas Lévi, clerc français du dix neuvième siècle ayant trempé dans la magie et dans la Kabbale. Il a proposé la notion de Lumière Astrale, sorte de médium de transmission de la pensée et support de l'esprit. Ensuite sont venues des doctrines relativement plus élaborées, celles des plans éthériques et astraux et de l'ectoplasme, etcaetera, en réponse aux idées scientifiques de l'éther luminifère et des dimensions spatiales qui étaient celles de l'époque. Avant la vulgarisation des idées de Einstein il est apparu que la gravité pouvait opérer de même qu'une influence astrologique, à distance, et que la lumière et les radiations électro magnétiques en général avaient besoin d'une sorte de médium pour traverser l'espace.

C'est à partir d'aussi puissantes conceptions erronées que se sont développés par la suite en occultisme des explicationnismes d'autant plus chétifs.

La science a restreint le concept d'énergie à une stricte définition de ses propriétés ce qui fait que c'est utile. Malheureusement, les 'énergies occultes' souffrent exactement du même problème que le royaume des esprits', celui de pouvoir faire référence à tout ce dont on veut que ça désigne.

Au moment de l'apparition de ce qu'on a appelé âge de l'information, il semble au moins possible de fixer une explication de la magie qui soit irréfutable dans les termes d'un échange caché d'information entre des structures matérielles (physiques), y compris des cerveaux, en supposant en même temps que l'information a le pouvoir de modifier les structures en question, et que la physique quantique permet à l'information de faire son chemin dans l'espace et le temps n'importe où où le magicien le désire.

Ici je dois avouer en avoir été coupable, durant les folles années de ma jeunesse prolongée.

Je suis tombé dans le piège de rendre le paradigme si large qu'il était à même de faire tout ce que je voulais, et ce en dépit du fait que je ne pouvais pas toujours faire tout ce que je voulais par magie.

En relisant aujourd'hui mes livres d'étude de cas et de théorie, je me suis rendu compte à la fois du besoin de limiter et d'élargir mes cadres de référence.

Je soupçonne que la structure du temps est bien plus riche que ce qu'on imagine habituellement, et que dans l'espace tridimensionnel nous sommes entourés d'un plurivers ou Omnium de réalités causé par des phénomènes d'intrication et de superposition quantiques. Dans ce scénario, nous n'avons pas besoin d'informations désincarnées pour concevoir le fonctionnement de l'univers ou les phénomènes de la magie; l'échange de particules ordinaires de matière et d'énergie fera l'affaire, vu les autres degrés de liberté temporelle.

Voir le Quantum Irreality Paper sur ce site, concernant les arguments qui m'ont amené à cela.

Durant la divination, le Magicien interagit principalement avec des versions futures de lui-même; il puise dans ce qu'il pourra connaître à l'avenir. Une singulière circularité existe dans la divination, qui ne semble fonctionner qu'à la condition de pouvoir finalement à un moment donné du futur, connaître le résultat par des moyens ordinaires. ceci explique pourquoi on obtient les meilleurs résultats en divination semblent se produire soit concernant un futur proche à très court terme si l'on veut savoir s'il va se passer quelque chose d'improbable dans les prochaines secondes, soit des évènement hautement déterminants mais peu évidents, dans un futur plus lointain.

Et ceci, Mesdames et Messieurs, magiciennes et magiciens, constitue le départ :

d'un Nouveau Paradigme Magique

Il se peut que pendant un certain temps celui-ci ne changera-t-il pas énormément nos façons de faire en magie, mais plutôt la façon de penser les raisons pour lesquelles ça marche, ce qui finalement pourrait améliorer notre pratique.

Peut-être ce paradigme offre-t-il pour la première fois un modèle qu'on peut potentiellement tester, modèle qu'on peut finalement quantifier dans l'optique de le cadrer mathématiquement.

En y repensant, je devrais peut être ici faire mention encore une fois des idées traditionnelles de l'invocation et de l'évocation. Alors même que j'accepte la valeur psychologique et sigilistique des paradigmes animistes et spirites, pour moi on ne peut juger sans essayer; et il reste bien la qualité divinatoire et incantatoire qui émane de telles activités.

Sunday, April 05, 2009

Robert Anton Wilson - Religions for the hell of it

Á s’en damner
Avez-vous déjà envisagé que Dieu pourrait être une femme démente ? Ou que John Dillinger soit mort pour vous ? Pensez-vous que les Illuminés possèdent une méthode secrète pour substituer l’Etant au Néant ? Que les Martiens connaissent la vraie religion pendant que les Terriens se perdent dans les ténèbres de la superstition ? Une tasse de café peut-elle être un sacrement et, dans la négative, pourquoi pas ? Les mathématiques sexadimensionnelles et la philosophie du solipsisme panthéiste à ego multiples suffisent-elles pour expliquer l’univers ? Si aucun de ces problèmes métaphysiques ne vous a auparavant traversé l’esprit, c’est parce que comme chacun sait, c’est l’Irlande qui a adopté la seule vraie religion ; en Amérique, où existaient avant la Révolution une douzaine de « vraies » religions, la liberté religieuse a été inscrite dans la constitution et à présent il existe véritablement une centaine de vraies religions, toute doctrine possible et imaginable ayant été expérimentée, y compris chacune des alternatives énumérées ci-dessus. Face à cette exubérance typiquement américaine, il ne fait aucun doute que ce pays va dans un futur proche explorer aussi bien l’impossible que l’impensable puisque désormais, la liberté de culte a été complètement intégrée dans sa politique.
Naturellement, même dans un pays comme les États-Unis, cette liberté de culte absolue ne l’est que d’une façon relative. Il y a déjà eu quelques « cas difficiles » au XIXe siècle ; ainsi, l’Eglise de Jésus Christ des Saints modernes ou Mormons a fortement ébranlé cet acquis de la constitution par leur pratique de la polygamie. Le gouvernement décida que c’était une Liberté Religieuse Excessive, et fit appel à l’armée pour arrêter l’ensemble des Mormons, dont la communauté résidait alors à Salt Lake City. De fait, cette pratique était anticonstitutionnelle et se serait sans aucun doute heurtée aux arrêts de la cour suprême, si le leader des Mormons, Brigham Young, après avoir considéré toutes ces baïonnettes et ces armes à feu, n’avait eu une révélation bien pratique : l’ange Moroni, ou peut-être Dieu (car les Mormons avaient accès aux deux) dit à Young que si la polygamie s’était avérée une nécessité lorsque les Saints Modernes construisaient leur communauté, elle ne l’était plus désormais. Une confrontation entre le religieux et le politique put ainsi être évitée.
Dans le même genre, un autre « cas difficile » s’est posé au début du siècle concernant l’Eglise des Indiens Natifs Américains (E.N.A), réservée aux Indiens Peaux-Rouge, ou comme ils se nomment eux-mêmes, les « Natifs Américains ». L’Eglise des Natifs Américains utilise de façon rituelle un cactus aux propriétés psychédéliques, le peyotl. Le gouvernement traîna ces drogués fanatiques devant les tribunaux, mais la Cour Suprême les autorisa à continuer à pratiquer leurs rites religieux — Cette décision a depuis lors été modifiée par les différentes juridictions d’État, suite à un afflux au sein de l’Eglise des Natifs Américains de personnes dont l’origine indienne était pour le moins douteuse. Désormais, pour éviter des problèmes judiciaires, les membres des Eglises Natives Américaines doivent attester qu’au moins un quart de leurs membres est d’origine indienne.
Un autre cas difficile, ou plutôt une multiplication de cas difficiles : les Témoins de Jéhovah qui refusent de servir les forces armées, le salut au drapeau et les transfusions sanguines, pour eux-mêmes comme pour leurs enfants. La Cour Suprême les autorisa à s’abstenir de service militaire ou d’enrôlement civil, mais statua d’abord en faveur du maintien du salut au drapeau, avant de revenir plus tard sur cette décision. La question des transfusions sanguines est toujours à l’origine de conflits dans les juridictions d’état : Le droit pour un hôpital d’état d’intervenir lorsque la vie d’un enfant est clairement en danger, a été maintenu, et ce, même si l’acte va à l’encontre de la religion des parents et, par conséquent, s’arrange quelque peu de la Constitution.
Conclusion : la liberté religieuse aux États-Unis n’est que relativement absolue. Assez cependant pour que chaque secte ou religion bénéficie à égalité de l’attention d’une Cour Suprême que Oliver Wender Holmes a qualifiée de « marché libre américain des idées ».
Il reste cependant une variable permettant de juguler cette anarchie métaphysique : La tendance des juridictions à considérer comme bidon tout groupe religieux dirigé par une personne n’ayant pas, à un moment donné de son parcours, été ordonnée par une académie théologique plus reconnue et plus ancienne. Ce problème émergea lorsqu’on importa une main-d’œuvre orientale peu coûteuse, suivie par des restaurateurs orientaux pas-si-bon-marché, et finalement, par leurs leaders religieux des plus cheaps au plus précieux. Les grandes religions d’Orient, telles que le bouddhisme, l’hindouisme, ou le taoïsme ne sont ni centralisées, ni hiérarchisées. Il suffit d’être considéré comme un chef par un groupe de disciples pour en devenir réellement un. Les tribunaux ont été progressivement contraints d’accepter cette réalité, du moins lorsqu’il s’agissait d’Orientaux. Les seules actions en justice menées à l’encontre des gourous, même des plus controversés, ont consisté en l’incarcération du révérend Sun Myung Moon pour extorsion de fonds et l’arrestation récente de Bhagwan Rajneesh pour entorse aux lois d’immigration. Et puisque la majeure partie de la population américaine considère ces deux hommes saints comme infects et odieux et que la confrontation théologique a soigneusement été évitée, cela nous montre que : Soit cette liberté religieuse absolue relative est toujours de mise, soit (et c’est ce qu’affirment les distingués disciples du Révérend) les cours de justice ont une façon tout à fait sournoise de traiter les cas d’hérésies.

Youpi ! Libres ordinations pour tout un chacun !
Entre temps, un autre pas a pu être franchi, d’une liberté absolue relative vers une liberté réellement absolue, grâce au Révérend Kirby Hensley, un bonhomme espiègle qui a obtenu une ordination d’un séminaire à distance tout à fait légal, bien que peu recommandable. Pour vous donner une idée de sa personnalité, tous ses interlocuteurs ont pu entendre de sa bouche qu’étant illettré, c’était grâce à sa fille, qui lui avait lu les questions et retranscrit ses réponses, qu’il avait pu remplir les conditions d’examen des épreuves théologiques. En insistant sur sa propre ignorance, sur le plan théologique comme dans la plupart des autres domaines, le révérend Hensley affirme que chaque homme, chaque femme et chaque enfant a le libre droit d’être ordonné en tant que membre d’un clergé.
Il est, à cette fin, le fondateur d’une association, pour ainsi dire désintéressée, l’Église de la Vie Universelle, qui gratuitement et sans aucune sélection, initie n’importe qui. Et, pour être en mesure dans ce monde cruel de joindre les deux bouts, il y a ajouté une clause : un peu plus de 20 dollars vous garantissent le grade de Docteur es Divinité de l’Église de la Vie Universelle. Ce diplôme est assez joli ; il les vaut certainement, les vingt dollars : encadré comme il le faut et suspendu au mur, il impressionnera à coup sûr les voisins, à moins bien sûr qu’ils n’aient déjà entendu parler de l’ULC (Universal Life Church, NdT).
Lorsque des journalistes ont révélé que des plaisantins avaient pu obtenir des ordinations pour leurs chiens, leurs chats, et même des animaux plus colorés tels que des perroquets ou des chimpanzés, le révérend Hensley n’a pas été gêné le moins du monde. Le commentaire qu’il fit en guise de réponse fut que chaque créature conçue par Dieu est un être sacré, et il alla même jusqu’à ordonner Madalyn Murray O’ Hair, une des athées les plus véhémentes et les plus controversées de tous les États-Unis.
Quelle validité accorder aux ordinations de l’ULC ? Il se trouve qu’aux États-Unis, tous les états reconnaissent les mariages célébrés par le clergé de l’ULC, et de nombreux « gradés » de l’ULC sont partis pour créer leurs propres sectes ou églises. En raison du grand respect que porte la loi américaine à la liberté religieuse, un pasteur de l’ULC a autant de légitimité que tout autre pasteur, rabbin, prêtre, ou gourou. Le risque réside dans la clause d’exemption fiscale. De jure, les cours de justice n’ont pas encore légiféré sur ce problème ; de facto, le FISC ne s’intéresse qu’aux cas où les circonstances laissent supposer que l’ordination n’a été qu’une combine pour esquiver les impôts. C’est arrivé il y a quelques années lorsque, dans une région de l’état de New York, la totalité des propriétaires fermiers s’est vue ordonnée en masse (1). Les agents du fisc ont considéré cela comme une escroquerie flagrante et un exemple à ne pas suivre ! Ils ont directement ponctionné les comptes en banque des individus concernés. Les membres du clergé de l’ULC, impliqués de façon avérée dans la promotion d’une religion quelle qu’elle soit, sont soumis à la même exemption de taxes que les officiels d’églises moins excentriques.
Le révérend Hensley dit à qui veut l’entendre qu’il souhaite que son gouvernement tente de le soumettre à l’impôt. Il s’est essayé à un procès en appel pour discrimination et exige que le gouvernement, soit décide de taxer les autres instances religieuses, soit laisse tranquille ses ouailles y compris les fermiers de l’État de New York. Voilà au moins quinze ans qu’il répète cela, mais il demeure le seul que le bureau des impôts laisse en paix. On se souviendra de lui, selon moi, comme celui qui a ouvert les vannes et qui a fait passer la liberté religieuse du stade de relativement absolue, à celui d’absolument absolue...

La rencontre de Ronald Reagan et de Mahatma Gandhi
Les Druides Réformés Nord-Américains (RDNA) sont apparus en 1957, dans un institut universitaire de moyenne ampleur ; l’initiative au début n’était guère sérieuse. Ceux qui l’ont eue étaient des étudiants libres penseurs, la plupart d’origine irlandaise, qui voyaient d’un mauvais œil l’obligation d’assister une fois par semaine à la messe. Leur protestation, sur le ton de la parodie, fut d’annoncer que les bosquets et les arbres étaient leurs églises. Mais à l’origine, si les druides de la RDNA se réunissaient dans les bois, c’était surtout pour boire de l’irish whisky et échanger des cours de gaélique !
Cependant, le rituel officiel fut bientôt transcrit et retranscrit à mesure que les étudiants avançaient dans leur maîtrise de la langue et de l’histoire gaélique. Des branches du NéoDruidisme, courants appelés « groves » (bosquets, NdT), se sont rapidement créés dans d’autres universités. Leurs leaders, appelés « Archidruides », sont souvent devenus des maîtres en matière de culture gaélique et purent évoluer en un véritable clergé grâce aux ordinations accordées par ce bon Révérend Hensley. Certains archidruides sont d’ailleurs sérieusement devenus des érudits en ce domaine, par exemple P.E. Isaac Bonewits, l’auteur de Real Magic, œuvre portant sur l’anthropologie et l’occultisme, par ailleurs assez connue. Il fut le premier à obtenir de l’université de Californie un diplôme universitaire dans sa spécialité, le chamanisme.
La RDNA ayant commencé en tant que farce, elle en garde toujours quelque chose. On utilise ainsi l’irish whisky en abondance dans les cérémonies et les hérésies sont non seulement tolérées, mais encouragées par les Archidruides ! Selon ce principe qu’il est toujours bon qu’un maximum de personnes ait l’opportunité de réfléchir aux religions et à ce qui les concerne. La plupart des groves ne promulguent qu’un seul et unique dogme : « Le bien, c’est la nature ».
Le premier courant hérétique à avoir bifurqué de la RDNA a été celui des druides chasidiques, ou CNDA, fondé par le susnommé P.E. Isaac Bonewits. Le druidisme chasidic opère une forme de synthèse entre les pratiques du mysticisme juif (chasidisme) et le culte druidique des forces naturelles, en n’hésitant pas à emprunter à toute autre religion existante (au passage c’est aussi une pratique des Unitaires Américains) et au lieu du « L’an prochain, Jérusalem ! » juif, le toast s’exprima ainsi « L’an prochain, Stonehenge ! ».
La RNADNA, l’Église Réformée Non Aristotélicienne des Druides Nord Américains (2), dont les initiales articulent les sigles ADN et ARN, deux molécules génétiquement nécessaires à la vie, opèrent, quant à eux, la synthèse entre le Druidisme et la philosophie non aristotélicienne du philosophe et mathématicien d’origine polonaise, le comte Alfred Korzybski. Leurs membres se sont soumis à un certain nombre d’interdits linguistique – auxquels ils réfèrent en parlant de « questions d’hygiène sémantique » — par exemple en n’employant pas le verbe être qui présuppose une forme de certitude, or Korzybski considérait qu’après Einstein, l’on se devait de penser en tenant compte de la relativité. Du coup, on a reformulé le dogme druide « Le Bien, c’est la Nature » en « Il semblerait que la nature soit le bien ». Jamais les membres de RDNADNA ne diront « Beethoven, c’est mieux que Mozart » ; ils diront : « Il me semble, au stade actuel de mon éducation musicale, que Beethoven, c’est mieux que Mozart, cet avis ne concerne que moi. » Ils évitent aussi tout ce qui présuppose l’omniscience, ce qui, en même temps, les préserve du racisme, du sexisme, ou du dogmatisme, puisque la pire des choses qu’ils pourraient affirmer au sujet d’un groupe humain ou animal serait : « Au stade actuel de mon évolution, il me semble, mais je parle pour moi, que certains individus de cette espèce sont agressifs. » Ces règles énoncées, les groves de la RDNADNA s’en vont dans les bois, tout comme les druides de la RDNA, pour boire de l’irish whisky et communier avec ce que les autres Druides appellent la « Nature » et qu’eux-mêmes désignent par « réalité non verbale ».
Une troisième hérésie, celle de la sorcellerie druidique, plus tard amalgamée au renouveau wiccan ou sorcier, est née sur l’initiative un anglais excentrique vivant sur l’île de Man (où certains ont pu reconnaître la mythique Avallon, NdT) un dénommé Gerald Gardner. Avec une bonne dose d’hypocrisie, mais surtout en authentique visionnaire, Gardner affirma que la Wicca était la plus ancienne religion en Europe devenue une pratique souterraine à cause des persécutions chrétiennes, et qu’elle lui avait été enseignée par les survivant d’un cercle dont les origines remontaient au premier âge de pierre — chacune de ces affirmations faisant naître un sérieux doute dans l’esprit des érudits s’étant sérieusement penchés sur le sujet. Gardner s’est également proclamé anthropologue, mais au mieux a-t-il été un amateur intelligent et imaginatif dans ce domaine. En substance, la sorcellerie homemade de Gerald Gardner vénère une divinité féminine plutôt que masculine, et à l’instar des druides, opte pour la célébration du culte dans les forêts plutôt que dans une autre forme d’église ; après le décès de Gardner, son mouvement a fortement été influencé par le féminisme ; il s’axe plutôt des covens que des groves, et bien que chaque coven fonctionne sur son propre dogme - la réincarnation, l’Atlantide, ce genre de choses - tous adhèrent à cette idée que la domination masculine et les déités mâles sont responsables de la guerre, de la pollution, de l’intolérance, et de la plupart des problèmes sociaux. Une aube de paix et d’avènement des utopies se lèvera lorsque sera réalisée dans le monde l’égalité des sexes et le retour au culte de la déesse. Étrangement, cette idée que le monde est sur le point de vivre la réapparition du culte de la déesse a été exprimée par d’éminents érudits, comme l’historien Arnold Toynbee, le psychologue Carl Gustav Jung, ou l’anthropologue Joseph Campbell. Les sorcières le savent bien, et elles adorent en référer à ces autorités lorsqu’elles passent à la télé.
Si d’un côté la Wicca s’est mêlée au druidisme, de l’autre elle a fusionné avec la science-fiction ; l’Église de Tous les Mondes (Church of All Worlds, CAW), fondée en 1974, peut se prévaloir d’une certaine originalité, celle d’avoir vu le jour grâce à un roman, Stranger in a Strange World, de Robert A. Heinslein (Étranger dans un monde étrange). Best-seller dans les années soixante et toujours édité à l’heure actuelle, ce roman raconte l’histoire de Michael Valentine Smith, un enfant étant le seul rescapé du crash d’une fusée sur Mars. Smith est élevé par les Martiens, avant d’être retrouvé par un équipage spatial de la Nasa et ramené sur la Terre ; il trouve les humains miséreux, malheureux, belliqueux et entreprend alors de nous transformer en prêchant la religion martienne — dans laquelle on peut retrouver une forme panthéiste et rationaliste du bouddhisme zen. Un fan de ce roman, Timothy Zell — qui travaillait alors dans un hôpital psychiatrique de Saint Louis, a été tellement fasciné qu’il demanda un diplôme au révérend Hensley pour fonder la Church of All Worlds, église qui compte des désormais succursales (dénommées des « nids ») dans les plus grandes villes des États-Unis. Ses membres affirment qu’une religion basée sur un roman de science-fiction n’est certainement pas plus absurde qu’une autre fondée sur les légendes des anciens Hébreux ou sur les révélations d’un ange appelé Moroni.
L’enseignement principal de la CAW se résumait par « Vous êtes Dieu », jusqu’à ce que le mouvement entre en relation avec la Wicca et le féminisme ; désormais la CAW dit « Vous êtes le Dieu » aux membres de sexe masculin, tandis qu’aux membres du sexe opposé, il dit « Vous êtes la Déesse ». Les cérémonies, appelées « partage des eaux » sont assez jolies, et proviennent aussi de l’imagination scientiste de Heinlein. Pour le reste, cette théologie est rationaliste, individualiste, et se situe politiquement entre les libertaires extrémistes et les anarchistes non violents. Vous aurez tout compris si je vous dis que son positionnement politique me fait penser à une rencontre instable et explosive entre Ronald Reagan et Mahatma Gandhi.
Le fondateur Tim Zell, toujours actif dans le monde de la Wicca et dans la CAW, a eu le projet de créer, grâce à une sorte de chirurgie ou par un hocus pocus génétique, un dieu à corne unique qu’il appelle naturellement licorne, exhibé à l’heure actuelle dans des cirques. Lui-même est parti dans le Pacifique Sud, à la recherche d’une sirène. Je l’ai rencontré et je suis certain qu’il nous reviendra avec de quoi nous surprendre et nous amener le sourire.


La cérémonie du café aux États-Unis

Après avoir été, en 1967, congédié de l’Université de Harvard à cause de ses idées non conventionnelles (et avant d’être emprisonné), le psychologue le plus subversif des États-Unis, le docteur Timothy Leary, a publié un pamphlet où il affirmait que chaque foyer devrait être un temple, chaque homme un prêtre, et chaque femme une prêtresse. Ce pamphlet était intitulé « Créez votre propre religion » ; l’Amérique à cette époque étant réceptive à une pareille idée et les ordinations fournies par le Réverend Hensley, les Métathéologies, ou Religions-décoctions-faites-maison connurent un certain essor.
L’Église néoïste américaine, créée par le psychologue Arthut Kleps, ami et ancien associé de Leary, fut structurée selon le modèle de l’Église Native Américaine, si ce n’est qu’elle s’adressait à toutes les races — pas seulement aux Indiens Peaux-Rouges — et qu‘elle remplaçait le peyotl par du LSD lors des sacrements. L’Église néoïste Américaine n’a pas fait long feu : les tribunaux décrétèrent qu’il était légal pour les natifs américains de prendre des drogues dans un cadre religieux, puisque cette pratique était de nature traditionnelle, mais que pour les blancs, la religion n’était plus alors qu’un prétexte pour s’adonner à la drogue. Le fondateur, Kleps, qui se dénomme lui-même le Primate et les autres prêtres les Boo-Hoos, protesta en qualifiant cet acte d’ouvertement raciste, mais cet argument ne sut pas convaincre les juges. L’Église néoïste américaine n’existe désormais plus, ou dissimulée dans des manifestations underground, mais on trouve toujours le catéchisme, écrit pas Kleps lui-même, un livre très drôle, qui combine à la fois des éléments du bouddhisme, de la philosophie solipsiste, et une polémique hilarante, dans la tradition voltairienne, une critique des « chrétiens, juifs et athées » qui se refusent à reconnaître le LSD comme un sacrement.
Fondée dans les Indes occidentales, la secte rastafarienne est représentée dans de nombreuses villes américaines, et elle est réservée aux Noirs. Elle utilise le cannabis en tant que sacrement et voue un culte à l’empereur (du XXe siècle) Haïlé Sélassié, vénéré comme un Dieu. Cette église affirme que le Pape est « l’antéchrist en général, Père de la Mafia, Mage Empereur du Ku Klux Klan. » Ses membres sont souvent arrêtés pour possession de cannabis et contrebande, cependant et malgré son excentricité, l’Église rastafarienne n’est pas illégale.
En référant d’une façon quelque peu suspecte au nom des rosicruciens, les javacruciens ont eux opté pour le sacrement le moins controversé, la caféine. C’est sans doute le groupe religieux ayant le fondement théologique le plus simple, l’idée que la seule chose nécessaire au salut est la cérémonie américaine du café — variante de la tradition japonaise de la cérémonie du thé. On la pratique au lever du jour, tourné vers l’est, face au soleil levant, en élevant la tasse à ses lèvres. A la première gorgée, on doit gémir avec une certaine ferveur et intensité : « Bon dieu, j’en avais besoin ! ». Si cette cérémonie est pratiquée religieusement tous les matins, on devient, selon les javacruciens, à même de faire face à toutes les épreuves de la vie avec l’esprit tranquille et le mental clair.
La SFMB — sigle qui désigne la société de Fred Mertz, boddhisattva — a été créée par le poète finnois Antero Alli, qui maintient que toute la sagesse qui est la sienne provient des répliques du personnage à première vue insignifiant de Fred Mertz, de la série télévisée I love Lucy. En méditant continuellement les propos apparemment triviaux du personnage, du genre « je ne comprends rien de ce qui peut bien se passer ici », ou « je ne comprends absolument rien aux femmes », à ce que prétend cette secte, on trouvera la même illumination que dans la contemplation bouddhiste avec des supports tels que « quel est le son d’une main qui applaudit ? ». Et, tout comme dans le Zen, où les étudiants sont souvent amenés à méditer sur des sons monosyllabiques, tel le Mu, de même ici, la SFMB vous fera-t-elle méditer sur des mertziannismes tels que « Hein ? » ou « Ahhh ! » jusqu’à toucher dans ce qu’il y a de plus banal ce que Joyce a pu désigner sous le terme d’épiphanie.
L’Église de Satan, dont le quartier général se situe à San Francisco (naturellement), a des succursales et sous-succursales dans de nombreuses villes américaines, ainsi qu’une douzaine en Europe. Elle a été fondée par un employé de cirque, du nom de Anton Szandor Lavey. Elle est pourvue d’une bible satanique, écrite par Lavey lui-même (et dédiée à W.C. Fields et P.T. Barnum) et revendique d’invoquer Lucifer, Belzebuth, Astaroth, ainsi qu’un million environ d’autres démons, et de trouver un infini plaisir à foutre une trouille bleue aux pieux chrétiens. Malgré son diabolisme, l’Église de Satan n’a pas de tracas judiciaire (excepté lorsque des voisins se sont plaints que le lion apprivoisé de Lavey les réveillait durant la nuit), ses membres se limitant au blasphème, à la malédiction de leurs ennemis, et à l’expression rituelle de ressentis négatifs et d’interdits — Ce à quoi s’adonnent en fait de nombreux groupes de rencontre en Californie. Aucun de ses membres n’a jamais été arrêté pour de vrais crimes. Je les soupçonne même d’avoir par eux-mêmes lancé la rumeur comme quoi ce serait l’empire Proctor & Gamble (firme qui produit du savon) qui les finance. Des artistes Send Up plutôt peu scrupuleux.
La Croisade universitaire de Cthulhu pointe généralement son nez dans un campus américain lorsqu’y sévit la croisade universitaire pour le Christ ; elle est d’ailleurs surtout vouée à ennuyer cette dernière. Les Cthulhuistes vouent un culte à un monstre évoqué pour la première fois dans les romans de H.P. Lovecraft. Durant un certain temps, j’ai cru que cette secte ne progresserait jamais au-delà du niveau de la parodie et de la satire ; puis l’Église de Satan a incorporé Cthulhu dans son panthéon au même titre que les autres démons. Comme la croisade universitaire pour le Christ édite des autocollants de pare-chocs déclarant « Je l’ai trouvé », les Cthulhuistes éditent des autocollants proclamant « Il m’a trouvé », quand l’Église de tous les mondes affirme, quant à elle : « Vous êtes Dieu ».

Pape, vous pouvez l’être vous aussi
Plus sérieux, ou du moins plus désespéré, la société discordianiste, qui s’incarne aussi sous la forme du Paramétamysticisme de l’Eris Ésotérique (en anglais POEE, NdT), est une secte anarchiste délibérément été scindée en deux sous-groupes s’opposant pour proclamer être (je cite) « la première religion véritable ». Comme les sorciers, les Dicordianistes vénèrent une divinité primordiale féminine, or pour eux celle-ci est démente. Il s’agit d’Eris que les anciens Grecs connaissaient comme déesse du Chaos ; les Dicordianistes l’ont également proclamée déesse de la Confusion, de la Discorde, et de la Bureaucratie. L’orthodoxie discordianiste, dirigée par « Ho Chi Zen » (à savoir Kerry Thornly) aurait été révélée par un chimpanzé miraculeusement doté de parole, et ce à Yorba Linda, en Californie, sur une piste de bowling, en 1957. Affirmation rejetée en bloc par la POEE, qui la qualifie de superstition absurde montée pour duper ; elle donne, elle, cinq preuves de l’existence d’Eris, en réalité cinq aberrations logiques se réduisant à un seul argument : « Si Eris n’existe pas, alors donc, sacredieu d’athées, qui donc a pu foutre tout ce Chaos dans l’univers ? ».
Le Haut prêtre du Grand temple de la POEE est Malaclypse le Jeune, Polypère omnibienveillant de l’Hymen Doré (son vrai nom est Gregory Hill) ; et il a bien sûr fondé son ordre grâce à une ordination du toujours utile Révérend Hensley. La POEE a sa propre bible, écrite par Malaclypse, du nom de Principia Discordia, ou Comment j’ai trouvé la Déesse et ce que je Lui ai fait lorsque je l’ai trouvée ; l’Eglise tient des cabales (et non des églises, ni des groves, ni des covens, ni même des nids) sur l’ensemble des territoires américain, britannique, australien, canadien, et même à Hong Kong. Les chefs de Cabales, appelé Episkopi (le terme grec pour dire pape, NdT) ont des noms étranges, comme Camden Benares (qui a écrit l’ouvrage Le Zen sans les Maîtres Zen) qui dirige la cabale de Los Angeles de l’Eris Ésoterique (POEE, NdT) Onrak L’En Deça, qui dirige l’infiltration de l’Etat du Colorado, ou bien encore Lady L, Putain de Salope Anarchiste, qui mène la Cabale de Berkeley, et dont le titre lui a été, selon elle, donné par Elridge Clever lors d’un débat politique.
Les Discordianistes ont emprunté à Hensley ce qui faisait sa spécificité, à savoir que chaque homme, chaque femme, ou chaque enfant sur cette planète peut être un Pape. Ce qu’ils réalisent concrètement en distribuant en masse des cartes de Pape, sans oublier naturellement d’en envoyer une à l’anti Pape en France ; ou à ce type au Vatican qui pense toujours que c’est lui le seul Pape. Bon gré mal gré, tous les agents du Pentagone sont des Saints Discordiens, qu’ils le veuillent ou non, puisque Malaclypse les a canonisés et incorporés dans un Saint Ordre du nom de « Chevaliers du Château à cinq faces, sous le patronage de Saint Quichotte ». Le Pentagone lui-même est un lieu de culte religieux, dont on dit qu’il incarne la parfaite harmonie entre Chaos et Bureaucratie. Tous ceux qui sont des dissidents au Discordianisme, en tant que blasphémateurs, sont aussi des saints honoraires, affiliés au Foyer du soulèvement MÉLI, tandis que les Discordianistes sont des saints du soulèvement MÉLO.
Le discordianisme n’éclipse aucun dogme, mais il a un catme (jeu de mots intraduisible avec chien, dog, et chat, cat, NdT), l’Affirmation de Syadastan, qui consiste en la déclaration suivante : « Tout affirmation est tout à la fois vraies dans un certain sens, fausses dans un certain sens, insensées dans un certain sens, vraies et fausses dans un certain sens, vraies et insensées dans un certain sens, fausses et insensées dans un certain sens, et enfin à la fois vraies, fausses et insensées dans un certain sens. » C’est ce que les Discordianiste appellent le « Mantra libre » (ou gratuit, NdT) ; contrairement aux transcendantalistes, ils ne demandent pas de frais, mais insistent que le fait que répéter 666 permet d’accéder, dans un certain sens, à une Illumination Spirituelle.
Le Discordianisme a influencé de nombreux écrivains contemporains aux États-Unis, comme on peut le constater en lisant L’agent du Chaos, de Spinrad, ou l’Attraction d’un autre bord de la route, de Tom Robbins, ainsi que la fameuse Trilogie des Illuminati (écrite par l’auteur de cet article, NdT) ; l’obsession discordianiste concernant le nombre 23 apparaît aussi ces derniers temps dans un certain nombre de films hollywoodiens. Margot Adler, petite fille du psychologue Alfred Adler, a sobrement décrit la théologie discordianiste dans son ouvrage Drawing Down the Moon, étude sociologique sérieuse sur le néo paganisme aux États-Unis.
La WITCH, la Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell, (Conspiration internationale Infernale et Terroriste des Femmes) emprunte pour une grande partie à la Wicca et au Discordianisme. Même d’après les critères américains, ce n’est probablement pas une église ; elle se consacre essentiellement au théâtre de rue, soumettant à la satire les monothéismes, la domination masculine, et le pouvoir bureaucrate en général.
L’ordre du Veau d’Or a connu un bref essor, mais semble ne plus exister. Tous ses membres vivaient en Californie, à Berkeley, et possédaient une statue dorée ou en or représentant un veau, qu’ils emmenaient dans les mêmes rues où les autres sectes propageaient leur mouvement. Là ils s’adonnaient à l’adoration du Veau, en distribuant des prospectus décrivant leur idole comme « la première victime du sectarisme des monothéismes » et en pressant les autres « d’éclaircir un minimum leur truc ».
Le NOORDG, autrement dit le Nouvel Ordre Orthodoxe Réformé de la Golden Dawn, dont le sigle se prononce, si on y parvient « nroogd » (en anglais) est la plus grande église païenne de Californie, bien qu’elle commençât en tant que farce et qu’elle fut répudiée par l’un de ses trois cofondateurs, le Docteur Aidan Kelly, qui fut réellement un docteur es Théologie diplômé de l’Union Theological College. La Noordg combine certains rites de la sorcellerie druidique, de l’Église de tous les Mondes, la théologie discordianiste, ainsi que le lourd symbolisme des poèmes de Yeats - qui fut un héros de jeunesse du Dr Kelly. Même sans son ancien barde elle continue de bon gré à tourner, se réunissant dans des parcs publics pour vénérer la déesse, réciter des mantras, chanter, danser et se taper du whisky irlandais, mais aussi des produits bizarres et variés ramenés par les moins conventionnels de ses membres. Le Docteur Kelly, récemment revenu au catholicisme romain, a déclaré : « La nroogd est une métaphore. Le catholicisme en est une autre. À la base, je suis un poète. » Si cela n’est pas assez clair, efforcez-vous, à la manière du mantra libre discordianiste, de vous le répéter 666 fois.
Le Mouvement « John Dillinger est mort pour vous », dirigé par un homme au pseudonyme de « Docteur Horace Naismith » ( supposé être l’éditeur de Playboy le jour, et un maniaque la nuit) reconnaît comme son sauveur John Dillinger, cet homme qui a braqué 23 banques et 3 commissariats de police, avant d’être abattu par des agents du FBI en 1934. Ce mouvement (du sigle de JDDFYS) orne de couronnes de fleurs et de bouquets le parterre du Biograph Theater, lieu où Dillinger a été tué d’un coup de feu, tous les ans à l’anniversaire de sa mort. Leur principal enseignement spirituel vient de Dillinger, qu’ils appellent St John le Martyr, et consiste en cette phrase : « Allongez-vous par terre en gardant votre calme », ce que St John disait aux employés de banque nerveux avant de piller leur tiroir-caisse. Tout membre ayant été ordonné par le Dr Naismith reçoit une carte de membre qui en fait un(e) Assistant(e) Trésorier (ou Trésorière), à qui revient la charge de collecter les dîmes de nouveaux disciples assez naïfs pour rester des disciples sans devenir assistants-trésoriers en en faisant la demande écrite, adressée au Dr Naismith.

Pouvoir ! Sexe ! Succès ! Fric !
J’ai gardé le meilleur — ou peut-être le pire — pour la fin. Située à Dallas, l’Église des Sous Génies a emprunté un peu de tout à tout ce qui a été évoqué et à toute religion existant sur le globe ; elle utilise des techniques commerciales très puissantes dans la lignée des évangélistes chrétiens les plus agressifs, et vous promet, en lettres majuscules de vous enseigner le secret du POUVOIR, du SEXE, du SUCCES, et du FRIC ! Elle établira aussi un contact entre vous et des FORCES SURHUMAINES, en vous sauvant de LA CONSPIRATION, en vous montrant même comment réussir le LESTE, et obtenir quelque chose là où vous n’aviez rien.
On admet communément que cet ordre est élevé, son fondateur, JR Bob Dobbs, n’étant pas un mortel ordinaire. En réalité, il est très improbable que quiconque ait jamais vu « Bob » ; la promotion pour les sous génies consisterait à se rendre à Dobbsville, localité située quelque part en Amérique du Sud, et à survivre à une rencontre avec Bob, par le moyen d’une opération chirurgicale destinée à « ouvrir la troisième narine ». Et même ceci fait, on nous avertit qu’après une telle rencontre, on court toujours le risque de revenir avec une inflammation des yeux, des maux de tête, une amnésie totale ou partielle, et d’autres symptômes typiques des rencontres extraterrestres ; en outre, il y a des chances pour que vous soyez ensuite harcelés par des agents de LA CONSPIRATION, qui viendront sonner à votre porte déguisés en témoins de Jéhovah, et tenteront de s’introduire chez vous pour vous lobotomiser.
A ce qu’on dit, J.R. Bob Dobbs a été un vendeur de fenêtres en aluminium tout à fait ordinaire, et ce jusque 1957, date de sa rencontre avec L. RON Hubbard — à l’origine de la célèbre Église de Scientologie : il a alors reçu le Secret du Pouvoir. « Bob » est désormais fabuleusement riche, peut-être même encore plus riche qu’Hubbard, et se propose de vous enseigner à vous aussi le Secret, grâce à de nombreux livres et pamphlets au prix s’échelonnant de 1 à 25 dollars. On l’admet volontiers, ses travaux métaphysiques peuvent paraître « abscons » ou « absurdes » aux non-illuminés, mais on vous promet qu’en achetant suffisamment de livres, en les stockant et en les consultant régulièrement, vous parviendrez au LESTE et à la compréhension du Secret comme de ses modes d’emploi.
Je pense avoir trouvé le Secret du Pouvoir. Il se trouve dans l’une des publications les moins onéreuses des Sous Génies, Encore plus de mots et de liesse par « Bob », où l’on peut lire « Vous avez une idée de la stupidité moyenne des gens ? Eh bien, par définition, la moitié d’entre eux est encore plus stupide ». On le croise également dans des joyaux de Dobsianna tels que « Ne vous contentez pas de manger un hamburger — nourrissez-vous de l’enfer qui en ressort. », ou bien « S’ils ne rient pas à vos blagues envoyez les se faire voir », ou peut-être même dans la Devise Obscure « God à l’envers se prononce Dog, mais Bob à l’envers se prononce toujours Bob ».
Si rien de tout cela ne vous mène au LESTE, vous pouvez toujours vous offrir un ouvrage plus épais, une publication des Sous-Génies certes plus coûteuse, mais contenant une cosmologie intégrale, philosophique et eschatologique, dans laquelle apparaît Jehovah1, « Dieu cosmique » échappé d’une galaxie où il était prisonnier d’une pochette surprise cinglée, Eris, la déesse du Chaos, empruntée aux Discordianistes, Spider Man, L’Incroyable Hulk, sans oublier la bataille sidérale entre Bob et LA CONSPIRATION, qui implique tous les leaders des sectes et églises rivales, en même temps que les Rockfellers, les Bilderburgers, les Illuminati, les navettes spatiales infernales, les créatures nazies de l’enfer, et les clones communistes. On vous y prévient plusieurs fois que la fin du monde pourrait se produire demain, que cela pourrait durer plus longtemps que vous ne l’imaginiez, et être plus douloureux que quiconque n’est en mesure de se le représenter, mais cela importe peu pour celui qui a le LESTE.
Avoir le LESTE — comme l’illumination dans le mysticisme oriental, ou le ça dans le Séminaire de formation de Erhard, ne peut être décrit avec des mots, ou compris par l’intellect - on ne peut qu’en faire l’expérience. Cela implique de comprendre qu’il existe dans l’univers deux forces opposées radicalement, en même temps que complémentaires, comme le yin et le yan chinois, ou le MELI et MELO discordianiste. Ces deux forces en fait sont l’Étant et le Néant ; et c’est pour cela qu’en effectuant un simple tour d’horizon vous apercevrez toujours le quelque chose à l’arrière-plan du rien. Lorsque vous êtes en harmonie quelque part entre le quelque chose et le rien, vous avez le LESTE, et vous pouvez substituer l’Étant au Néant, et devenir aussi riche que « Bob », que Rajneesh, que Ron Hubbard, ou le Pape. Autrement dit, ainsi que « Bob l’a quelque part résumé, “Bordel, c’est encore plus relatif que Einstein ne l’avait dit ».
Alors que dans le monde profane, Bob reste en retrait et invisible, l’Église des Sous-Génies fait fonctionner une boîte postale (P.O.BOX 140306 à Dallas) où deux agents promotionnels locaux ramassent le courrier pour, je suppose, le refiler à « Bob ». Curieusement, il existe déjà un mouvement « Stamp our Bob », SOB, (« Écrasons notre Bob », jeu de mots avec « sob » qui signifie en anglais « larmoiement » ou « sanglot ») ; ce mouvement distribue de la propagande anti Sous-Génie, en avertissant les populations que ce « culte du mal » n’est qu’un business. On peut leur commander un tas de littérature éducative anti Bob, pour 15 dollars envoyés à SOB, P.O.BOX 140306 à Dallas ; en passant, il semblerait que la boîte postale soit exactement la même que celle de « Bob » - bizarre, non ?
L’Église des Sous-Génies prétend réunir 10 000 000 fidèles, mais pour parler franchement, j’en doute fort. De nombreux membres cependant appartiennent à de hautes sphères d’influence, comme cela s’est vu il y a peu lorsqu’Atari a mis sur le marché son nouveau modèle Jackintosh. En faisant fonctionner un programme normal avec le Jackintosh, brusquement, les utilisateurs pouvaient voir la machine imprimer cent images représentant JR « Bob » Dobbs lui-même. L’entreprise Atari enquête toujours à l’heure actuelle pour savoir qui de leurs employés a pu glisser ce bug dans le logiciel.

La nouvelle religion comme plaisanterie compliquée
En tant que journaliste d’investigation aux États-Unis, j’ai pu rencontrer un grand nombre de ces chefs d’Églises ou gourous. Je les ai trouvé plus intelligents et plus éduqués que la moyenne des gens, et souvent plus jeunes (l’âge moyen est en dessous de la trentaine, même si on en croise de plus de quarante ans) ; ce sont souvent de vrais érudits en matière d’anthropologie, d’histoire des religions, et surtout de science-fiction. Ils se rendent d’ailleurs aux colloques sur le sujet avec plus de dévotion encore qu’aux offices et aux célébrations de leurs Églises. Nombre d’entre eux travaillent dans l’industrie informatique, d’autres dans le domaine des loisirs ou des arts. Ils appartiennent souvent en même temps à deux ou plusieurs de ces mouvements ou sectes, et peuvent s’être impliqués dans certaines mystiques orientales. Une énorme majorité d’entre eux appartient aussi à la Société pour les Anachronismes Créatifs, qui tient des « foires » dans pas mal d’endroits aux États-Unis, et lors desquelles les participants s’habillent et agissent comme des gens du siècle dernier ou du futur, et où chacun crée son tunnel de réalité bien distinct. Souvent, ils sont à la fois pour l’écologie et pour la technologie — « technologie appropriée » est un de leur terme à la mode, suivi par « synergie » et « holisme ». Lorsqu’on leur demande à quel point ils sont sérieux, ils ont pour habitude de répondre que puisque les humains ont besoin d’une religion, ils s’appliquent donc à créer une religion relativiste pour une ère scientifique.
Malaclypse le jeune précise : « Nous n’avons pas élaboré une plaisanterie compliquée déguisée en religion. Nous avons élaboré une religion déguisée en plaisanterie compliquée ».
Quand est-ce que tout cela pourra avoir une influence sur l’Irlande ? Eh bien, ici il y a déjà le culte de Krishna, les gens de Rajneesh, les témoins de Jéhovah, et les religions établies, sans oublier certains sorciers locaux. Quelque frustrant que cela puisse être pour le Révérend Dr Mc Namara, je ne peux pas croire que les Discordianistes, les Sous-Génies ou même les druides réformés puissent être loin derrière.
Le romancier Robert Heinlein, qui a aidé à ce que tout cela démarre avec la religion martienne d’Étranger en Terre Étrange, nous a même fourni un argument tendant à montrer que toutes ces métathéologies peuvent toutes être également vraies, dans un roman paru récemment, le Nombre de la Bête. Avec son imaginaire mathématique, Heinlein postule un continuum espace-temps sexadimensionnel, dans lequel coexistent des univers parallèles du nombre de six puissance six à la puissance six. C’est un nombre puissamment grand (essayez de le calculer) ; Heinlein postule que chaque univers débute en tant que vide et qu’il se remplit à la condition que les humains inventent des choses qui n’existaient pas auparavant. Ainsi, toute idée même la plus absurde, est vraie dans un univers donné, quelque part dans l’espace-temps, et la « réalité » ne peut être décrite que comme un Solipsisme Panthéiste à Ego Multiples ; en d’autres termes, chaque esprit est à l’origine de son propre univers.


notes:
(1) En français dans le texte. (2) Reformed Non-Aristotelician Druids of North Americains.


Titre original : « Religion , For the Hell of It », par Robert Anton Wilson. Première édition : Hot Press - Dublin, Ireland (1986). Ce texte se trouve également l’ouvrage Coincidance de Wilson, New Falcon Press.

Wednesday, February 04, 2009

Timothy Leary : L'éternelle philosophie du chaos

Depuis plusieurs millénaires il est apparu basique que la nature fondamentale de notre univers était d’une extrême complexité, un désordre inexplicable : cette splendeur mystérieusement enchevêtrée communément connue comme le Chaos. Les poètes hindous concevaient l’univers comme la danse de l’illusion dans les songes.

Les Bouddhistes, dans leurs paradoxes et leurs systèmes psycho-logiques, parlaient d’un vide qui est trop complexe ; peut-être un milliard de milliard de fois trop complexe pour être appréhendé par les processeurs alphanumériques (ABC123) de notre fonctionnement mental verbal.

Le poète philosophe Lao Tzu rappelait de façon quelque peu sardonique que le tao est inéluctablement cet enchevêtrement de complexités changeantes à la vitesse de la lumière, inaccessibles et insaisissables pour nos doigts comme pour nos puces qui s’appliquent à typographier des missives sur des claviers alphanumériques et des systèmes opératoires mentaux .

Socrate, ce démocrate Athénien fier et certain de sa valeur, a indécemment laisser s’échapper un dangereux secret lorsqu’il affirme « Le but de la vie humaine est la connaissance de soi-même. » Slogan qui est certainement le T-shirt le plus subversif flanqué par les humanistes sur le dos de l’humanité, ou la plus polémique des vignettes sur le pare-chocs de leur neuro-auto-mobiles

La pensée individuelle est le pêché originel des livres bibliques judéochrétienislamiques, , et des tentatives de sabotages du Chaos par l’autorité pour l’ordonner.

La première règle de tout système de contrôle est la banalisation diabolisation des concepts dangereux qui sont ceux du Soi, des Finalités Individuelles, et de la Connaissance personnelle. C’est une hérésie, une traîtrise, un blasphème que de penser par soi-même. Seuls les diables et les chétanes le font. Exposée la pensée créatrice devient un crime passible de la peine capitale.« Trois coup de lames et c’est bon » : voilà comment cela s’est passé pour des centaines de protestants durant l’inquisition orchestrée par la papauté romaine ; à noter que lorsque les protestants acquirent le contrôle d’une zone de Chaos il ne se sont pas privés de se livrer à des bûchers de sorcières.

Tout était très simple pour les pourvoyeurs de la loi morale. Là-haut sur la voie Olympienne et son parapet communautaire il y a les immortels dieux et déesses. Et puis nous, mortels insignifiants, traînant nos boulets dans nos appartements à loyers modérés.

L’idée d’individus, faits de choix qui constituent leur identité, semblait une pure folie, le cauchemar ultime : et ce, non seulement pour les bureaucrates autoritaires, mais également pour le sens commun libéral. Il faut juguler le Chaos !

Le moyen le plus courant d’apprivoiser et de domestiquer cette complexité qui nous entoure et d’inventer quelques Dieux « mordants », de préférence infantiles et d’établir quelques règles enfantines : « Honore ton père et ta mère etc. »Les règles sont simples et logiques. Obéir passivement. Prier. Travailler. Croire.

Et puis, loués soient les ennuyeux, ne laissons même pas exister l’idée terrifiante qu’il puisse exister dans cet univers de désordre et d’insignifiance des individus qui vont ça et là, en se demandant comment ils vont se constituer eux-mêmes en tant qu’individus.

Chaos engineering
Les premiers maîtres d’œuvre du Chaos ont certainement été les maîtres hindous, qui ont élaboré une méthode opérant sur le cerveau, et qui est le yoga. Pour cela ils ont créé un des grand manuels guide-pratique à cette fin : le livre des morts tibétain. Les taoïstes chinois ont enseigné certaines techniques visant à aller dans le sens des flux ; ne pas se cramponner aux idées-structure, mais changer, et évoluer. S’il y avait un message : restons zen, et ne paniquons pas. Le chaos est bon. Les possibilités qu’il peut créer sont infinies.

L’idée loufoque de Socrate, « Par toi-même c’est mieux », qui est à la base de la démocratie moderne, a été une version insolente, pragmatique et de bon sens des yogas hindous, bouddhistes et taoïstes. Souvenez vous où cela a mené le Tibet, l’Inde et la Chine ? Nulle part !

L’idée qui est dangereuse, c’est cette notion folle et mégalomane de « SAVOIR » qui définit l’humain asservit comme un penseur. Outrageuse outrecuidance. L’esclave est encouragé à devenir un philosophe. Le serf lutte pour le statut de psychologue. En puissance, des maîtres yogis ! C’est cette même hérésie qui explique pourquoi plus tard des évolutionnistes athées comme linnaeus et Darwin ont défini notre espèce de super-chimpanzés évolués comme Femina (voire Homo) Sapiens Sapiens .

Chaos. L’en Dehors

Durant des siècles un tabou des plus fanatiques a sévi à l’encontre du désir de comprendre propre aux sciences. Pourquoi ? A cause de la peur générée par le Chaos. Notre place, apparemment si insignifiante en la danse sidérale… Cette question est un affront tel pour les fanatiques du contrôle qui de façon si zélée, vaillante et sérieuse essayent de donner une direction au chaos, qu’ils en ont prohibé toute tentative intelligente de se cadrer en hors-champs de façon à fouiller cette complexité si éclatante. A un certain point, des dispositifs d’altération de la conscience comme le microscope et le télescope ont été rendus criminels pour le même raison qu’on a rendu criminel l’ingestion de plantes psychoactives quelques années ensuite. Ils rendaient possible d’explorer par l’œil de la pensée des fragments et des zones du Chaos. Galilée a connu la déchéance et Bruno a brûlé sur le bûcher pour avoir démontré que le Soleil ne pouvait pas tourner autour de la Terre. Les chaophobes religieux et politiques aspirent à ce que l’univers, ordonné de façon harmonieuse et agréable, se love autour d’eux. Au cours du siècle dernier la science a mis au point des techniques d’extensions de la sensorialité humaine, qui donnent une idée plus précise des complexités au sein desquelles nous évoluons, et qui sont à proprement parler de nature à faire revenir les morts. L’astronomie stellaire décrit l’univers avec de fascinantes multiplicités. Cent milliards de petits systèmes stellaires dans notre étroite galaxie, cent milliards de galaxie dans notre univers encore trébuchant.

Chaos. L’en dedans
Au cours des deux dernières décennies du vingtième siècle, les scientifiques ont commencé à étudier la complexité du cerveau humain. Là on peut parler de la présence du chaos ! Il en ressort que le cerveau est un réseau galactique de cent milliards de neurones. Chaque neurone est un système d’information aussi complexe qu’un de nos ordinateurs standards ; il est par ailleurs connecté à dix mille autres neurones. Chacun de nous est équipé d’un univers de neurocomplexité réellement insondable pour nos esprits alphanumériques. L’une de plus humiliantes failles concernant notre ignorance actuelle c'est justement ces potentialités du cerveau.

Humanisme : plans de tournois maritimes
L’observation du chaos nous laisse libres d’envisager notre tâche comme un devoir de comprendre, se réjouir et célébrer la charmante nature de l’univers dans son ensemble ; y compris la pure folie des nœuds gordiens dans nos cerveaux. L’activation du prétendu cerveau droit supprime les ultimes inhibitions de la compréhension du chaos, et fournit les fondements scientifiques pratiques de la philosophie humaniste : en nous encourageant au rassemblement en vue de façonner nos propres vues du Chaos.

Ces derniers mois, j’ai été habité par l’obsession de cette complexité extrême du tout dans son ensemble. Répondre à des questions simples dans une interview ou bien écrire un papier sur des questions abstraites exige de moi l’examen minutieux de mes points de vues actuels sur l’humanité et son évolution etc…

Ce que nous sommes, nous ne savons qui ni pourquoi, nous ne savons où ni quoi, ou même quand. Autant dire la terreur nocturne ! Agents aliénés, ignorants, commissionnés sans instructions préalables. Mon enthousiasme électrisant concernant le Grand Bordel (le Chaos) est bien sûr causé par le stade de sénilité avancée auquel je suis courageusement parvenu.

Une perte en termes de mémoire à court terme arrive lorsque l’on oublie se qui est en train de se passer et pourquoi l’on est là. Un gain en termes de mémoire à long terme laisse entrevoir les douloureuses perspectives de ce que l’humanité a pu proposer en matière de réponses étranges face au Mystère.

Ce dont je parle c’est de la trame par laquelle vous arpentez le chaos et modulez vos désordres intimes.

Sur des écrans

Avec vos outils cybernétiques

De vos perspectives contreculturelles

Au moyen de chimies informationnelles, les drogues du chaos

En pleines jouissances cyberotiques

Artistes de la guérilla

Dans l’exploration de dé-charges alternatives

Roulant sur les vagues des folies millénaires

Entrevoyant la gloire des impossibles et des improbabilités furieuses du siècle à venir.

Réjouissons-nous, car c’est avec nous-mêmes que l’on joue.




Paganisme high tech ou le cyber punk en tant qu’alchimiste moderne.

La génération du baby boom a grandi dans un monde électronique d’allumage/réglage (des années soixante à soixante-dix) sur des chaînes de télé et des ordinateurs individuels. Les cyberpunks, qui ont grandi dans les années 80 et 90, ont développé de nouvelles métaphores, rituels, de nouveaux modes de vie, pour envisager l’univers de l’information. De plus en plus d’entre nous deviennent des alchimistes du numérique, des chamanes de la logique floue. Il existe de nombreux parallèles entre la culture des alchimistes, et celle des cyberpunks adeptes des ordinateurs. Les deux exploitent la connaissance d’un arcane occulte, avec mots de puissance et de symboles secrets, et dont la majeure partie des gens ignorent l’existence. Les « symboles secrets » se composent des langages mathématiques et informatiques, alors que les « mots de puissance » guident les systèmes opérants de l’ordinateur pour mettre en forme ces tâches de nature herculéenne.

Connaître la codification précise du nom d’un programme informatique donne l’accès à sa mise en œuvre, qui transcende la difficile tâche musculaire ou mécanique de recherche. On retrouve des deux côtés apprentissage et rites d’initiation. On parvient au « triomphe psychique » des présences télépathes et des actions à distance par l’activation de cette fonction dans le sommaire du menu.

Les jeunes alchimistes numériques ont, à leur tableau de commandes, des outils d’une clarté et d’une puissance telle que leurs prédécesseurs n’auraient pas pu imaginer. Les écrans d’ordinateurs sont des miroirs magiques, qui re-présentent des réalités alternatives à différents degrés d’abstraction sur commande (invocation). La souris, ou le stylet de la tablette numérique, est comme la baguette magique qui canalise le bombardement des données sur l’écran d’affichage, et dirige la force créatrice des systèmes d’exploitation. Les vrilles des disques durs sont les pentacles transcrits au moyen de symboles complexes. Des tablettes terrestres pour recevoir des saisies de données « aériennes », et en résulte une électricité intellectuelle vrombissante des processeurs de programmation informatique. Les barrettes RAM de mémoire vive, sont littéralement une mémoire tampon (des fonds de régulation) ; le fluide, l’élément passif essentiellement apte à recevoir des empreintes et les retransmettre en les renvoyant.

Les langages par icônes des programmations virtuelles sont un tarot, le résumé en images de toutes les possibilités, activement divinatoires de par leurs juxtapositions et leurs influences les unes sur les autres. C’est une Table Périodique des possibilités, forme occidentalisée du Yi Ching oriental. Les langages traditionnels de programmations informatiques qui sont orientés par les mots, comme FORTRAN, CORBOL et les autres, sont une forme primitive dégénérée de ces systèmes universels, ou les grimoire des corporations guidés par la plus-value.

Les sessions database détaillée de l’activité des systèmes opérationnels forment de façon microsystémique les cahiers akashiques. Au niveau macroscopique, la somme de connaissance du « monde en réseau », le réseau hypertexte global d’information en ligne qui s’incarne dans la capacité de stockage des disques cd-roms et dans les aptitude de transmissions de données par les fibres optiques. La matrice cyberespace de William Gibson.

La transmutation personnelle (l'extase de l’ultime sabordage) est le but masqué de ces deux systèmes. Le satori d’une communication harmonieuse homme-ordinateur, qui s’en suit de cette involution sans fin dans les méta niveaux de projection du Soi, c’est le tribut de l’immaculée conceptualisation et des mise en œuvre des idées.

L’universalité du 0 et du 1 tout le long de l’histoire de la magie et de la religion; yin et yang, yoni et linguam, coupe et dague : se manifeste en notre ère par des signaux digitaux : les 2 bits étant sous-jacents à l’exécution de l’intégralité des programmes existant dans le monde, dans nos cerveaux et dans nos systèmes d’exploitation. En élargissant un peu, même la monade, symbole du changement et du Tao, est visuellement similaire à la superposition d’un 0 et d’un 1 de même que son axe central incurvé est étiré , de par l’action des forces centrifuges, à partir de la vitesse de rotation toujours croissante de la monade.



La cyberreligion des baby boomers
D’ici à l’an 2000, les préoccupations des individus nés au moment du boom des naissances après-guerre seront d’ordre numériques ou, (pour reprendre les anciens paradigmes) philosophiques et spirituelles. Durant leurs jeunesses ces individus se sont enivrés d’esprit, de façon quelque peu adolescente, et inégalée. Dans leur révolte contre l’usine culture, ils ont su réinventer leur monde partant de leurs racines tribales et paganes ; ils se sont initiés à l’Hindouisme, au Bouddhisme, à la sagesse des Indiens Natifs Américains, la Magie et à la Sorcellerie, Au Voodoo Ann Harbor, au Yoga Esalen, au Yi King et au Taoïsme, aux Exorcismes du Pentagone, à la réincarnation en 3D, Love-Inc, et aux célébrations psychédeliques.

Cette génération, souvenons-nous, a été désenchantée par les religions, les politiques, les fonctionnements économiques de leurs parents. Ils ont grandi sous la menace de la guerre nucléaire, vivant l’assassinat de leurs leaders bien aimés ; la crise des sociétés industrielles ; une dette intérieure impossible à rattraper ; les fondamentalismes religieux, (chrétiens juifs islamiques) hurlant fanatiquement leur haine et leur intolérance…Ils ont acquis des déficiences immunitaires, et devant une négligence incompréhensible de toute écologie, ils ont su développer une forme saine de scepticisme vis-à-vis des solutions collectives.

Que la génération du baby boom ait créé une psychologie des navigations individuelles, cela ne fait aucun doute. L’idée est à la base l’auto- responsabilité. Nous ne pouvons nous permettre de dépendre de quelqu’un d’autre pour résoudre nos propres problèmes. Commençons par le faire par nous-même… « with a little help from your friends »

La religion du « Do It Yourself »
Puisque Dieu numéro 1 est vraisemblablement retenu en otage de partout, par les Ayatollah perses assoiffés de sang, par le télégénique pape polonais et par la Moral Majority, alors il n’y a qu’une seule alternative logique. Sillonner son bout de chemin. Avec vos amis vous créez votre propre religion. Le Temple, c’est bien sûr votre corps. Vos esprits écrivent la théologie. L’Esprit Saint émane de cette intersection infiniment mystérieuse entre votre cerveau et les cerveaux de votre équipe. Parvenir ne serait-ce qu’aux banlieues du Paradis suppose une navigation correcte et une planification de votre part. L’enfer est une série de fautes qu’on peut racheter. Un détour dû à une défaillance de votre relecture du plan de parcours. Un cycle d’erreurs.

Rétribuez-vous en faisant que vos choix vous mènent à l’amitié et aux plaisirs. Créer un cycle cybernétique basé sur des engrenages positifs. Ce n’est que d’un état de libre authenticité que le moindre signal réellement empathique ne peut être émis vers les autres.

L’administration d’un état personnel
La gestion et le commandement d’une singularité mène à une carrière très occupée. Une fois l’individu s’est-il établi comme religion, pays, entreprise, réseau informel, et univers neurologique, il est nécessaire de stabiliser les équivalents personnels des services et des missions à l’œuvre dans cette démocratie. Cela implique de former des alliances privées ; et en exprimant des plate-formes politiques personnelles, de se diriger soi-même dans ses relations proches ou lointaines, d’établir des polices de transactions, des programmes de sécurité et de défense, des projets qui « instruisent et divertissent ». Pour le positif, on peut être libre de la dépendance envers les bureaucraties, bénédiction inestimable. (Des agents libres peuvent par ailleurs nouer des relations temporaires avec des organisations et leurs officiels) Si les pays ont une histoire et des origines mythiques, pourquoi pas vous aussi ?

Les Mythologies personnelles
Sondez et re-sondez votre propre banque génétique mémorielle, les anciens testaments de votre ADN y compris si vous le souhaitez les incarnations passées, les archétypes jungiens, des pré-incarnations funky dans tout futur possible à imaginer. Écrivez votre propre Nouveau testament; souvenez-vous que le martyre volontaire peut parfois être de mauvais goût; que les crucifixions, comme les guerres nucléaires, peuvent ruiner vos jours.

Il vous est possible, avec vos amis, de réaliser ce qu’au nom de leur dieux les grands empires, les grandes religions et les grands groupes raciaux ont pu réaliser. Et il est certain que vous le ferez mieux, vu le palmarès… Il serait impossible à votre Etat Personnel de produire autant de persécutions, de massacres et de comportement sectaires, actuels ou plus anciens. Il n’y a que vous, et même avec l’aide de vos amis, l’ensemble des nuisances que peuvent infliger des individus reste insignifiante comparativement à celles qui peuvent provenir du collectif.

Par ailleurs vous êtes les enfants des années soixante et quatre-vingt-dix. Formés à désirer un monde pacifique, tolérant en même temps que drôle. Vous pouvez vous permettre de façonner vos dieux subtils, plein d’humour, attirants et doux dingues.


Irrévérence, le code d’accès au vingt et unième siècle.
La société humaine est arrivée à un tournant dans la mise en œuvre des programmes numériques d’évolution, un stade auquel les prochaines étapes de l’évolution commencent à se dessiner. A surfer à loisir.

Dans un futur proche les méthodes des technologies de l’information, de l’ingénierie moléculaire, des bio et nanotechnologies (échelle de l’atome) des programmations quanta digitales pourrait faire que la physionomie humaine ne soit plus déterminée que par quelques lubie, mode, ou choix temporaire.

La sanctification de l’image de notre corps, en même temps que l’irrationalité des tabous relatifs au sexe et à la mort, semble persister en temps qu’un des anachronismes les plus résistants dans la pensée à l’ère industrielle. L’être humain du futur pourrait être un hybride bio-informatisé, de toute forme souhaitée, ou entité électronique dans l’univers informationnel digital.

L’humain comme programme. Ou l’humain dans les programmes
La forme de vie électronique qui correspond à la dimension de l’homme dans les programmes est plus étrange aux concepts actuels de notre humanité. Le stockage d’un système de croyance individuel sous la forme d’un ensemble structuré de données interconnectées, s’il est dirigé par les bons programmes, un appareil neuronal peut œuvrer dans la silice de la même façon qu’a pu se modéliser le cerveau dans la masse de chair, et en même temps plus rapidement, de façon plus prévisible et auto adaptative, enfin même, si on le souhaite tels les immortels.

Les post-humains intelligents non seulement seront capable de se transmuter eux-même de façon électronique, et ce sous la forme de virus informatiques aptes à traverser les réseaux informatiques en se repiquer eux-mêmes par mesure de garantie contre les suppressions volontaires ou accidentelles.

« _ Qu’y a t-il sur ce disque informatique ? » « _ Rien d’intéressant, jeune Leary. On va le reformater.»

Pour spéculer on peut imaginer que de telles formes humaines de type virus existent déjà en nos systèmes informatiques. Ces derniers conçus avec recherche, il serait extrêmement difficile, voire de fait impossible en pratique de pouvoir les détecter. Les programmes actuels ne permettent pas d’associer la vitesse opératoire de temps réel avec la complexité parallèle des cerveaux conventionnels. Or l’échelle temporelle d’une opération est subjective d’où non pertinente, sauf en terme d’interface.

Bien sûr, il n’y a aucune raison de restreindre une manifestation donnée à une forme particulière. A l’aide de contraintes physiques se réduisant au fur et à mesure( parfois peut-être au vu de restrictions économiques obligatoires), on pourrait être en mesure de pouvoir adopter toute forme désirée.

Vue la facile reproductibilité de l’information stockée de façon informatique, il pourrait être possible d’exister simultanément sous plusieurs formes. Fonctionnant de façon indépendante et présente à tout point de la branche, une intelligence persisterait sous chacune de ces formes. Où en ces circonstances les « je » sont une question pour les païens hi-tech et les philosophes numériques.

Blavatsky _Théosophes et théosophie

Qu’est-ce que la théosophie ?

Selon les philologues le terme de théosophie est composé de deux mots grecs ; theos le dieu et sophos, sage. Jusque là tout va bien. Or les explications qui suivent sont bien loin de donner une idée claire de ce qu’est la Théosophie. Webster la définit dans son origine comme "une relation supposée avec Dieu et les esprits supérieurs, et l’accession conséquente à une connaissance supra humaine, et ce par des processus physiques, comme lors de la théurgie opératoire pratiquée par certains anciens disciples de Platon, ou encore par des processus chimiques des philosophes du feu des Germains préchretiens.

Vaughan offre une définition bien meilleure, et plus philosophique : " Un Théosophe, dit-il, est quelqu’un capable de vous proposer une théorie de Dieu ou sur les oeuvres de Dieu, qui a pour base non une révélation, mais une inspiration de lui-même. Dans cette perspective, chaque grand penseur et philosophe est nécessairement un théosophe, surtout ceux ayant fondé de nouvelles religions, écoles de pensée ou philosophique, ou sectes. Cela signifie que les Théosophes et la Théosophie ont existé au moins depuis l’aube de la naissance d’un homme recherchant instinctivement les moyens d’expression de son opinion indépendante et autonome.

Il y eut des Théosophes dès avant l’ère chrétienne, nonobstant ce que les écrivains chrétiens ont pu décrire du développement du système Théosophique éthique de l’église (au début du troisième siècle). Diogène Laërce fait remonter la Théosophie à une époque antérieure à la dynastie ptolémaïque ; il désigne comme son fondateur un Hiérophante égyptien du nom de Pot-Amon, nom copte signifiant prêtre d’Amon, Dieu de la sagesse. On la voit revenir dans l’histoire avec Ammonius Saccas, fondateur de l’école néoplatonicienne. La fin et le but de Ammonius était de réunir toutes les sectes, tous les peuples et toutes les nations sous la loi d’une foi commune : la croyance en une Puissance Suprême, Eternelle, Inconnaissable et Innommable, régissant l’Univers par des lois immuables et éternelles. Son objectif était d’apporter la preuve d’un système primitif de la Théosophie, qui au départ était essentiellement semblable dans toutes les zones géographiques ; d’inciter les hommes à mettre de côté leurs luttes et leurs conflits, et de les unir dans leurs buts et leurs pensées en tant que les enfants d’une unique mère ; de purifier les religions anciennes, plus ou moins corrompues et embrouillées, de leurs déjections humaines, pour les unir, et les faire se déployer suivant de purs principes philosophiques. C’est pourquoi les systèmes les plus éminents , qu’ils soient Bouddhistes, Védistes ou Magiciens, ou Zoroastriens, étaient enseignés dans l’Ecole Theosophique Ecclectique en même temps que les philosophies grecques. C’est aussi la raison pour laquelle les plus grands Indiens et les plus grands Bouddhistes figurent parmi les plus anciens Theosophes d’Alexandrie ; dans leurs révérences aux parents et aux ancêtres ; une affection fraternelle pour la race humaine entière, et un sentiment de compassion pour les animaux même les plus dénués de conscience. En même temps que rechercher à établir un système de discipline morale qui renforçait chez les eux leur sens du devoir de vivre selon les lois de leurs pays respectifs ; d’exalter leurs esprits dans la recherche de la contemplation de l’absolue vérité ; l’objectif ultime, de tout premier ordre, était d’extraire des différents enseignements religieux, comme d’un instruments à plusieurs cordes, une mélodie harmonieuse et entière, qui trouverait enfin une réponse dans chaque cœur épris de vérité.

Il s’en trouve alors que la Théosophie est l’antique religion de Sagesse, la doctrine ésotérique qu’habitent tous les anciennes peuplades et civilisations. cette « Sagesse » que tous les écrits anciens nous relatent comme une émanation du principe divin ; et une claire compréhension s’en caractérise par des noms comme le Bouddha indien, le Neba de Babylone, le Thoth de Memphis, L’Hermès grec mais aussi dans les désignations de certaines déesses _ Métis, Neita, Athéna, la Sophia gnostique, et pour finir les Védas, du mot signifiant « savoir ». Les philosophes antiques, orientaux ou occidentaux, les Hiérophantes de la Haute Egypte, les Rishis d’Aryavart, les Theodiktatoi grecs incluaient sous cette appellation une connaissance des choses occultes d’ordre essentiellement divin.

L’idée centrale de la Théosophie éclectique était celle d’une essence suprême, inconnue et inconnaissable, car « comment pourrait-on connaître au-delà de la connaissance ? », comme interroge le Brihadaranyaka Upanishad. Leur système était caractérisé par trois postulats distincts : la théorie évoquée nommée théorie des essences; la doctrine de l’âme humaine_ émanation de cette dernière, d’où la même nature; et la théurgie qui s’y rattache. C’est enfin la science qui a conduit les Néo-Platoniciens à être si peu représentés lors de notre ère de science matérialiste. La théurgie étant essentiellement l’art d’appliquer les pouvoirs divins à l’homme dans l’œuvre de la subordination des forces aveugles de la nature, ses incidences se sont d’abord faites en termes de magie, déviation du mot magh signifiant un homme sage ou initié_ et aussi moqué.

La Théosophie moderne considère les choses de la même façon que la Théosophie antique en ce qui concerne les essences divines et la nature de l’âme et de l’esprit. Le populaire diu des nations indiennes, (vis-à-vis de l’arya sanskrit, signifiant noble, valide, digne de confiance, se réfère originellement aux peuples de l’antique Asie Centrale qui ont émigré en Inde, en Iran et en Europe, nde) était identique au lao des Chaldéens et même identique au Jupiter du plus vulgaire des philosophes romains ; il était simplement identique avec le Yahvé des Samaritains, le Tiv ou Tiusco des hommes nordiques, le Duw des Bretons et le Zeus des Thraces. Si l’on parle du Tout et Unique Essence absolue, on peut comprendre l’approche des Pythagoriciens grecs, des cabalistes chaldéens, ou de la philosophie aryenne en regard de cela ; car l’une ou l’autre de ces doctrines peuvent conduire à une forme Théosophique pure et absolue. Ainsi chaque Théosophe qui détient une conception de la Déité "qui n’est pas une révélation, mais l’inspiration d’elle-même en son principe," peut en acceptant les préceptes énoncés ci-dessus ou en faisant partie de telle ou telle religion, rester strictement inclue dans les frontières de la Théosophie. Car cette dernière revient en la croyance en une Déité en tant que le Tout, la source de chaque existence, l’infini qui peut être appréhendé ou compris, l’univers seul étant à même de pouvoir le révéler ou Lui donner un sens, si l’on préfère_ référence qui le rendrait sexué ,anthropomorphisme équivalent à un blasphème. Il est vrai que la Théosophie redescend brutalement dans la matière; elle préfère penser que, toute éternité retirée loin en lui-même, l’esprit ou la déité ne désire ni ne crée. Elle est une effervescence infinie qui produit toute chose visible ou non , un Rayon qui contient en lui même la force génératrice et créatrice, d’où émerge en retour ce que les grecs désignent sous le nom de Macrocosmos, les Kabalistes sous le nom de Tikkun ou Adam Kadmon_ l’homme archétypal, et les Aryens Purusha, Brahm manifesté ou encore l’homme divin. La Théosophie croit également dans l’Anastase ou existence continuelle, et dans la transmigration (évolution) par une série de transformation de l’âme qui par ailleurs peut être défendue et expliquée par de strict principes philosophiques ; et ce simplement en établissant la distinction entre Paramatma ( âme suprême et transcendantale) et Jivatma (âme animale ou consciente) des Védantins.

Pour définir la Théosophie dans son ensemble, il faut l’envisager sous l’intégralité de ses aspects. Le monde intérieur n’a pas été caché de toute obscurité impénétrable. Par cette intuition supérieure offerte par la Théosophia, science divine, qui transporte l’esprit du monde de la forme à un monde spirituel sans forme. Il est arrivé un peu partout et dans toutes les civilisations, que l’homme ait été capable de percevoir des choses des mondes intérieurs et des mondes invisible. D’où le « Samadhi » ou Dyan Yog Samadhi, des ascèses hindous, les Daimonion-photi« ou illuminations spirituelles des NéoPlatoniciens, les confabulations sidérales de l’âme chez les rosicruciens et philosophes alchimistes; même les états de transe mystique extatique en présence chez les mesmériens et les spiritualistes modernes sont de nature identique, aussi variés soient-ils en se manifestant. La recherche de l’homme du divin en lui, si souvent interprétée de façon erronée comme la communion individuelle avec un dieu personnel, était l’objet de toute mystique, et la croyance en la possibilité du divin dans l’homme était présente dès la genèse de l’humanité, chacun des peuples le désignant sous un autre nom . Par la réflexion, la connaissance de soi-même et par la discipline intellectuelle, l’âme peut être élevée jusque la vision d’une vérité d’une bonté et d’une beauté éternelle qui est la vision de Dieu - qui est l’epopteia selon les anciens grecs.« Pour unir une âme à l’âme universelle » dit Porphyre, « il est nécessaire d’être un esprit parfaitement pur. Dans la contemplation, la chasteté parfaite et la pureté du corps, il est possible d’en approcher plus près, et de recevoir, en cet état de conscience, une connaissance véritable et un flamboiement intérieur. » Ainsi, alors que le mystique aryen recherchait le pouvoir de résoudre les problèmes liés à la vie et à la mort, lorsqu’il avait acquis le pouvoir d’agir indépendamment de son corps, , au travers de l’Atman ou du moi « âme », les grecs anciens recherchaient Atmu _ L’Inrévélé, ou l’âme divine de l’homme, chargée du miroir symbolique des mystères Theosmophoriens. Les spiritualistes de notre époque croient en le pouvoir des esprits, ou des âmes défuntes, à communiquer visiblement et clairement avec ceux qu’ils ont aimé sur terre. Et tout cela, les yogi aryens les philosophes grecs et les spiritualistes modernes affirment que la possibilité que l’âme incarnée et son esprit non incarné _ le moi suprême, ne sont pas séparés de l’âme universelle ou des autres esprits par l’espace, mais surtout par la différenciation de leurs qualités; à la façon dont l’univers s’étend sans limites et ne peut avoir de contours. Ainsi les yogis (Patanjali) et sur leur chemin, Porphyre et les néoplatoniciens, soutenaient que durant leurs heures de transe, ils avaient été unis à Dieu, ou étaient entrés en communion avec lui plusieurs fois dans leurs vies. Cette idée, qui a été rejetée par de nombreux philosophes et qualifiée de chimérique, est erronée semble-t-il si on l’applique à l’esprit universel. Dans le cas des Théodiktatoi, le vrai point controversé et le point noir de la philosophie du mysticisme extrême, était son but de comprendre comme perception sensorielle quelque chose qui tient de la pure illumination spirituelle. Dans le cas des yogis, qui soutenaient pouvoir regarder Ishvara en face, cette logique a pu être démontée avec succès par la logique très stricte de Kapila. Les Théosophe Alexandriens se divisaient en Néophytes, initiés et maîtres, ou hiérophantes; et leurs lois s’inspiraient des Antiques Mystères d’Orphée, lequel, d’après Hérodote, les auraient ramenés de voyage en Inde. Ammonius contraignait ses disciples sous le sceau de la contrainte à ne pas révéler ses doctrines les plus hautes, sauf à ceux qui auraient fait preuve d’être des personnes initiées et de valeur, et qui auraient appris à considérer Dieux anges et démons des autres peuples selon hyponoia, ou signification subconsciente.« Les dieux existent, mais pas de la façon dont la multitude (oi polloi) les imagine ».dit Epicure. « N’est pas un athée celui qui nie l’existence des dieux vénérés par la foule, mais celui qui conçoit sur ces Dieux les mêmes choses que la multitude. » A son tout Aristote déclare que "l’essence divine se répand partout dans le monde de la nature, et la façon dont les Dieux se lèvent n’est que la série des principes premiers. Plotin, disciple d’Ammonius, « l’enseigné de Dieu », nous apprend que la connaissance secrète ou gnose apportée par la théosophie a trois degrés; l’opinion, la science et l’illumination. Les moyens ou instruments de la première sont la sensation ou la perception; ceux employés par la seconde, la dialectique; par la troisième, l’intuition. A cette dernière la raison est subordonnée; c’est la connaissance absolue, fondée sur l’identification de l’esprit avec l’objet connu.« La théosophie serait pour ainsi dire la science exacte de la psychologie, elle est en relation avec une forme de médiumnité naturel et non-conscient; la théosophie est à la psychologie ce que la connaissance d’un Tyndall est à celle d’un écolier en sciences physiques. Cela développe en l’homme une acquaintance directe ; »la réalisation en l’individu de l’identité de l’objet avec le sujet« , de sorte que sous l’influence initiatrice de l’hyponoia l’homme a accès a des pensées de l’ordre du divin, voit les choses telles que le réel les voit pour enfin »devenir un réceptacle de l’âme du monde« pour utiliser une des expressions de Emerson les plus pertinentes. Au delà de l’aspect psychologique, ou relatif à l’âme, la Théosophie s’est intéressée à chacun des domaines des sciences et des arts. Lorsqu’il ignore le sens véritable des symboles ésotériques présents dans la nature, un homme est à même de préjuger des pouvoirs de son âme, et au lieu de rentrer dans une communion psychique et spirituelle avec les esprits supérieurs célestes, les bons esprits (Dieux de la théurgie platonicienne) et sans même en avoir conscience d’invoquer les forces sombres et maléfiques enfouies en l’humanité ; créations sinistres et millénaires des vices et crimes de l’humanité _ c’est ainsi que l’homme risque de tomber de la théurgie (magie blanche) à la goétie (magie noire et sorcellerie). Pourtant ni la magie noire, ni la magie blanche ne sont ce que la superstition populaire comprends sous ces termes. La possibilité de faire se lever les esprits(selon les clés de Salomon) est le sommet de la superstition et de l’ignorance. Seule la pureté des actes et des pensées peut nous élever jusqu’à un rapport avec les dieux, et nous faire atteindre nos désirs.

Remarquons que des hommes comme Zoroastre, Bouddha, Orphée, Pythagore, Confucius, Socrate, ou Ammonius Saccas ne se sont jamais engagés à laisser de traces écrites. Et pour cause. La théosophie est une arme à double tranchant qui échoue à l’épreuve des orgueilleux et des ignorants. Comme toute philosophie antique elle connaît des disciples tardifs, parmi les modernes, mais jusque très récemment ils étaient peu numériquement, et appartenaient aux sectes et cercles d’opinions les plus variés.« Entièrement spéculative, et fondatrice d’aucune école, ils ont continué à exercer une influence silencieuse sur la philosophie, et sans doute lorsque l’heure viendra ces idées insufflées dans le silence pourraient pourtant orienter la pensée humaines vers des directions neuves » nous fait remarquer Mr Kenneth Mac Kenzie (IX°)…lui-même mystique et théosophe, au cours de son oeuvre qui fut dense et importante, L’Encyclopédie Maçonnique royale (articles Société Théosophique de New York et théosophie). Depuis l’époque des philosophes du feu, il ne s’étaient jamais regroupés en société, parce qu’à cause du clergé qui les traquait comme des bêtes sauvages, il y eut un temps, jusque récemment, ou être identifié comme théosophe revenait à la peine capitale. Les statistiques montrent que durant un siècle et demie, non moins de 90000 hommes et femmes furent tués sur le bûcher en raison de sorcellerie supposée... Ce ne fut que plus tard au cours du présent siècle (nous sommes en 1875) que des mystiques et spiritualistes éclairés commencèrent à prononcer ensemble des voeux, puis ils découvrirent qu’ils étaient loin d’occuper le terrain de tourte l’ampleur du phénomène et formèrent un groupe désormais largement connu sous le nom de Société Théosophique de New York, Etats-Unis. Après l’explication de ce qu’est la théosophie nous allons ensuite dans un article à part révéler quelle est la nature de notre Société, qui est également appelée Fraternité Humaine Universelle.

(Condensed from The Theosophist (1:1), October 1879, reprinted in H. P Blavatsky : Collected Writings, 2:87-97)

traduction achevée le samedi 05 août 2006 vers 16 heures

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