Saturday, July 16, 2011

Hakim Bey - L'Obélisque

1. Dans la merde (en français dans le texte)


Aucune idéation systématique ne paraît à même de pouvoir mesurer l'univers - une carte à échelle 1 du monde subjectif est réalisable dans des états non-idéationnels. Rien ne peut se poser comme principe - Et pourtant elle tourne. Une chose parvient à la cognition, et la conscience tente de lui donner une structure. C'est alors cette structure qui va être considérée comme les fondations du réel, s'appliquant comme une mappa mundi - en tant que langage dans un premier temps, puis en tant qu'idéologie inhérente au langage. Ces complexes idéologie-langage ont tendance à devenir des orthodoxies. Par exemple, depuis les Lumières, il semble incontestable que seul un unique mode de conscience ne peut avoir de réalité pleine et entière : on pourrait l'appeler la conscience "falsificatrice", c'est celle qui vérifie la science, qui la valide. Avant les Lumières c'était d'autres orthodoxies qui prévalaient, en accordant de la valeur à d'autres modes de cognition ou de conscience. On pourrait rassembler ces précédentes orthodoxies dans la rubrique "Dieu et la Nature", en les associant, peut-être, au paléolithique et au néolithique respectivement. Bien que ces conceptions du monde conservent un certain nombre d'adhérents, elles ont été pour ainsi dire archéologiquement submergées par la "Raison universelle". Les Lumières coïncident avec la première avancée majeure dans ce qui est l'instrumentalité scientifique et la "conquête de la nature"; Dieu survit à l'assaut durant un siècle encore mais succombe pour finir aux alentours de 1899 (à la suite d'une scène d'agonie dont la durée relève positivement de la scène d'opéra). La nature est silencieuse; Dieu est mort. L'idéologie est rationnelle ou scientifique; les âges sombres sont une époque révolue. Si l'on peut dire que le dix-huitième siècle nous a amenés à trahir la nature, que le dix-neuvième nous a amenés à trahir Dieu, alors le vingtième siècle a certainement produit la trahison de l'idéologie ( par l'idéologie). Le rationalisme des Lumières ainsi que son rival, et rejeton, le Matérialisme Dialectique, ont expiré, sont montés au ciel et nous ont laissés 'dans la merde' (tel que l'a dit Gurdjieff, mourant, à ses disciples) bloqués dans la perspective d'un monde matériel réduit à l'abstraction cruelle de l'échange et dédiée à son propre effacement, sa propre disparition.


Le fait est que n'importe quelle carte peut convenir à n'importe quel territoire quel qu'il soit... si elle est pourvue de suffisamment de violence. Chacune des idéologies est complice de toute les autres, s'il lui est laissé assez de temps (et assez de marge. Ces complexes ne sont que des marchandises immobilières irréelles, propriétés vouées à être dépouillées de toute qualité, vampirisées pour l'imagerie, entretenues pour maintenir les délimitations actuelles, manipulées à des vues de profit - mais pas prises aux sérieux par les adultes. Pour les espèces adultes il ne reste plus rien que la cellule atomisée de l'échange, et les consolations improbables de l'avidité et du pouvoir.


2. Hermès Revividus



Mais il s'avère qu'il existe d'autres consciences, et peut-être d'autres types de cognition qui restent non impliquées dans la conscience au sens ordinaire. Mises à part toutes les définitions religieuses ou scientifiques de ces autres formes, elles persistent à se manifester, et présentent donc un potentiel intérêt. Sans les idéologiser, sommes-nous en mesure de dire quoi que ce soit à leur sujet? Le langage est traditionnellement jugé inefficace dans cette perspective. Mais la theoria, au sens originel de 'vision' ou discernement, possède une nature errante et brusque, semblable à la poésie. Dans de tels termes pourrions-nous parler d'un genre de critique hermétique sur le modèle de la 'méthode paranoïaque-critique' de Dali), capable de faire face à ces autres formes, même d'une manière oblique en ne faisant qu'apercevoir brièvement ces choses?


C'est Hermès qui opère la jonction entre le méta-linguistique et le sub-linguistique dans la forme du message, le langage lui-même, le médium; le tremendum (objet d'effroi expression religieuse mysterium tremendum NdT) qui retentit de par le verbe brisé. Hermès est, pour cette raison, politique, ou aurait peut-être une dimension d'ambassadeur - patron de l'intelligence et de la cryptographie aussi bien que de l'alchimie qui ne recherche que l'incarnation du réel. Hermès se situe entre le texte et l'image, maître des hiéroglyphes qui sont simultanément l'une et l'autre. Hermès est leur signifiance, leur traduisibilité. Tout comme allant et venant "en haut et en bas" entre les humains et les esprits, Hermès psychopompe est la conscience chamanique, médium de l'expérience directe, et l'interface entre ces formes autres et ce qui tient du politique. "Hermétique" peut également signifier "non-vu".


Ioan Couliano a dans une phase avancée de son travail fait remarquer que l'Hermétisme de la Renaissance proposait, comme définition possible de la magie, l'influence "à distance" de complexes images-textes sur la cognition consciente et inconsciente des sujets. Dans un sens positif ces techniques sont destinées à la "divinisation " du mage et à la création matérielle elle-même, l'alchimie est ainsi vue comme une libération de la conscience' et tout aussi bien de la matière) libération des formes les plus lourdes et les plus négatives, ainsi que sa réalisation en tant qu'auto illumination. Mais Blake - lui-même grand auteur hermétique - a souligné que tout a "sa forme et son spectre", son apparence positive et négative. Si nous regardons la "forme" positive de l'hermétisme nous le voyons comme une libration et conséquemment comme politiquement radical (comme chez Blake, par exemple); si nous considérons son "spectre" pourtant nous voyons que les mages de la renaissance était les premiers espions modernes et les ancêtres directs des spin doctors, des communicants, des publicistes et agents du lavage de cerveau. La "critique hermétique" telle que je la conçois impliquerait une tentative de distinguer et de définir différents aspects formels et spectraux de la théorie de la communication et de ses applications modernes; mais un ce royaume est toujours embroussaillé et il est rare que des séparation évidentes puissent y être défendues. Disons simplement que nous recherchons des parcelles au soleil


3. Critique de l'Image


La critique de l'Image est en même temps une défense de l'Imagination.

Si l'hermétisme spectral de la totalité consiste en la totalité de son imagerie, alors il est clair qu'il faut prendre la parole pour défendre l'iconoclasme, et pour la résistance de l'écran (l'interface médiatique). La perfection de l'échange se présente comme un imaginaire universel, comme complexe d'images (et complexes textes/images) disposés dans la reproduction, l'éducation, le travail, les loisirs, la publicité, l'info, la médecine, la mort, etc.. au sein d'un consensus apparent ou "totalité". Le non-médiatisé est le non-imaginé - même s'il s'agit, dans notre discussion, de la vie en elle-même, nous ne sommes pas parvenus à l'imaginer ou à l'évaluer. Ce qui est présent et demeure non représenté reste aussi pour nous quasiment irréel, d'autant plus si nous avons déjà capitulé face au consensus. Et puisque la conscience joue ici en fait un rôle relativement infime, tous nous capitulons au moins la plupart du temps, soit parce trop de réalité nous est insoutenable, soit parce que nous avons décidé d'y penser plus tard, ou bien parce que nous craignons d'être fous, etc.


L'Iconoclasme byzantin et (plus tard) l'Islam ont tenté de dépasser le dilemme hermétique de par la "prohibition" de l'image. Dans une certaine mesure ce dernier a réussi, de sorte que même son art représentatif a délibérément refusé la perspective et l'illusion dimensionnelle; en outre, d'une manière probablement remarquée par Benjamin, le tableau n'est peint seul mais il est "aliéné" par le texte, qui en y rentrant l'aplatit encore plus. Les arts "nobles" sont l'architecture comme arrangement d'espace organique, et la calligraphie comme arrangement de temps organique, de plus le verbe est pour l'Islam idéologique - non seulement il représente le logos, mais il le présente aussi en tant que linéarité, comme des séquences reliées entres elles de moments de signifiance. L'Islam est "fondé sur le texte" mais s'il refuse l'Image ce n'est pas seulement pour exalter le texte. Il y a deux 'Quorans" en Islam, et le second est généralement interprété comme entier avec la Nature en soi comme une sorte de sémiotique non-verbale " repère sur l'horizon". D'où le géomorphisme dans l'architecture, et son interaction avec l'eau, la verdure, le paysage et l'horizon - mais aussi son interpénétration idéelle par le texte calligraphié.


Ceci dit il est admis que ce complexe idéationnel ou religieux peut préjuger lui même de son poids et de son intense rigidité. Son organicité véritablement lumineuse trouve peut-être son expression la plus parfaite dans des formes anciennes et non officielles telles que les caravanserails pourvus de dômes dans l'Asie Centrale ou les mosquées construites avec de la boue, plutôt que dans la grandeur impériale des chefs-d'œuvre - ou les catastrophiques capitales modernes du royaume d'Islam. Mais partout où l'Image a été perdue et oubliée (ou du moins supplantée dans une certaine mesure par d'autres possibilités) il est possible de sentir une forme de légèreté ou soulagement du fardeau de l'image, ainsi qu'une certaine luminosité. Même dans la Lybie moderne, qui a interdit toute forme de publicité commerciale (et n'autorise de signes qu'uniquement en langue arabe), l'on peut éprouver au moins un moment de l'utopie de l'absence d'image, l'image publique, les hiéroglyphes de l'échange, l'iconolâtrie de la représentation. Il est possible de rejeter l'autoritarisme qui est celui de l'interdiction de l'imagerie sans nécessairement rejeter son intentionnalité. Nous pourrions l'interpréter d'une façon soufie - que d'une auto-restriction vis-à-vis de l'imagerie et de la représentation (une sublimation de l'image) peut résulter une flux d'imagination autonome ("divinisée) Cela pourrait être aussi envisagé en tant que suppression-réalisation, entendu dans un sens dialectique. L'objectif d'un tel exercice, dans une perspective soufie serait de canaliser l'"énergie créatrice" dans le but de réaliser un discernement spirituel - pour prendre un exemple, la lecture de textes qui relèvent d'un processus d'inspiration ou de révélation n'est pas uniquement une lecture, mais un processus de re-création dans la conscience imaginale. Il apparaît clairement que cet aspect d'expérience directe du travail imaginal soulève possiblement la question de la relation individuelle de chacun à l'orthodoxie et à l'autorité spirituelle médiatisée. Dans certains cas il ne s'agit pas uniquement d'une re-création mais bien d'une création de valeurs. Les valeurs sont imaginées. Il apparaît la possibilité que l'orthodoxie puisse opérer sa propre déconstruction, que l'idéologie puisse être venir à bout d'elle-même de l'intérieur. D'où l'ambiguïté de la relation dans le monde islamique entre les mystiques et les autorités.

La critique de l'image par le soufisme peut être sécularisée jusqu'à ce qu'elle puisse s'agglomérer à notre concept de critique herméneutique (Certains soufis étaient eux-mêmes hermétistes et acceptaient même l'existence d'Hermès Trismégiste en tant que "prophète) En d'autres termes, nous ne nous opposons pas à l'image dans une perspective théologique (comme c'est le cas des iconoclastes, mais parce que nous exigeons une libération de l'imagination en elle-même, et non l'imaginaire médiatisé par le marché.

Bien sûr, cette critique de l'image pourrait tout aussi bien être appliquée en portant sur le mot - sur le livre - sur le langage lui-même. Et bien sûr il serait nécessaire qu'elle le soit. Remettre en cause un médium n'en est pas pour autant le détruire, au nom de quelque orthodoxie ou quelque hérésie que ce soit. Ce n'était pas simplement lire les hiéroglyphes qui importait au mages de la Renaissance, c'était aussi pouvoir les écrire. Les hiéroglyphes étaient perçus comme une sorte de sémiotique projective ou une performance textuelle imaginale, produites afin de provoquer un changement dans le monde. Le fait est que plutôt que de nous laisser imaginer, nous nous imaginons nous-mêmes; il faut que nous nous écrivions nous-mêmes - pour ne pas nous laisser être écrit.





4. L'Obélisque que l'on ne voit pas


Si l'oppression émane du pouvoir de ce qui est perçu, la logique devrait obligatoirement nous amener à explorer la possibilité que la résistance puisse s'allier avec le pouvoir de ce qui n'est pas vu. Ce qui n'est pas vu n'est pas forcément l'invisible, ou ce qui a disparu. Il peut être perçu, il arrive qu'il le soit; il ne l'est pas encore - ou peut-être est-il délibérément occulté. Il se réserve le droit de réapparaître, ou d'échapper à la représentation. Cette ambiguïté hermétique donne forme à son mouvement tactique, pour utiliser une métaphore militaire, il pratique les techniques de guérilla d'une guerre "primitive" plutôt que "classique", refusant la confrontation à armes inégales, se mêlant à la résistance globale des l'exclus, occupant les failles dans le monolithe stratégique du contrôle, refusant le monopole de la violence sur le pouvoir etc.( ici la "violence" désigne aussi la violence du concept et de l'image. Son effet est d'opposer la stratégie (idéologie) avec la tactique qui ne peut être stratégiquement contrainte ou idéologiquement fixée. On pourrait dire que la conscience "seule" n'y joue pas un rôle aussi majeur que pour certains autres facteurs( "La liberté est une aptitude psychokinétique").


Par exemple, il existe un aspect de ce qui n'est pas vu dimension n'impliquant aucun effort, mais qui consiste simplement en l'expérience de lieux qui restent inconnus, de temps non marqués. Le terme japonais d'esthétique wabi désigne le pouvoir de tels lieux ou objets - il signifie 'pauvre'. On l'utilise par exemple pour désigner certaines tasses à thé apparaissant comme imparfaites (irrégulières, approximativement cuites, etc) mais qui de par une appréciation plus sensible sont vues comme possédant une expressivité formidable de "ce qui est tel" - une élégance qui approche le silence conceptuel - quelque chose d'une mélancolie du transitoire, de l'anonymat, point à partir duquel la pauvreté ne peut plus se distinguer de l'esthétique la plus raffinée, une quintessence du yin taoïste, le "pouvoir mystérieux" des flux de l'eau ou de l'espace vide. Certaines de ces tasses de thé vendent pour des millions. La plupart sont faites par des artisans étant parvenus au stade de wabi, mais l'on pourrait dire que les plus prisées de toutes seraient certainement celle réalisés dans conscience de soi ou même sans conscience, par d'authentique artisans dans le dénuement. Cette manie du naturel et du spontané trouve aussi son expression dans l'attrait pour les roches bizarres qui stimulent l'imagination avec des circonvolutions des extrusions, et d'étranges déséquilibres. Les jardiniers zen préfèrent les rochers qui évoquent les îles ou les montagnes, effaçant toute autre image, ou mieux encore les rochers qui n'évoquent rien de connu- une forme non-idéationnelle - la pauvreté parfaite.

Aussitôt qu'une chose est représentée elle devient l'image de d'elle-même, sémiotiquement plus riche mais existentiellement appauvrie, aliénée, extraite d'elle-même et exténuée - comme potentielle marchandise. Le wabi des tasses à thé se voit sérieusement compromis par l'investissement élevé auquel elles obligent. Pour que cela soit efficace (pour produire le 'satori') il faut que l'expérience de l'objet soit faite directement, et non médiatisée par l'échange. L'unique exception - exception spontanée de cette inattention générale c'est... nous-mêmes! - car c'est pour nous-mêmes que nous avons imaginé la valeur du wabi pour ces temps, ces lieux, ces objets. Peut-être sont-ils à même de figurer dans les "petits plaisirs" dont Nietzsche dit qu'ils ont plus d'importance que les grands. Dans certains cas l'aspect mélancolique de ces choses est exacerbé par le fait de se rendre compte que le temps lui-même a surmonté la laideur pour la transformer en beauté à peine perceptible. Certaines des rues de Dublin Nord capturent parfaitement cette qualité, tout comme certains sites industriels à l'abandon du New Jersey où la matière organique (la rouille, l'eau, les mauvaises herbes) a sculpté l'ancienne machinerie jusqu'à en faire une pure forme et un pur paysage tout en spontanéité. Cette mélancolie (tenue par les anciens hermétistes pour être un signe ou un trait de créativité) approche un autre terme d'esthétique, le mot persan dard - signifiant 'douleur' a sens littéral, mais s'appliquant dans des termes plus subtils à l'art ou à l'expression directe de certains musiciens (en particulier pour les chanteurs), au sens d'un désir transparent et entier pour l'être transcendant ou l'être aimé absents. La fable perse enseigne que la douleur de l'amour rejeté transforme un moineau ordinaire en rossignol. L'amant tout comme le derviche est pauvre, car le désir est cela qui reste insatisfait - mais il émerge à partir de ce dénuement une esthétique de la profusion, un débordement, une générosité ou même un douloureux excès de sens - derrière l'apparence de la mélancolie et du dépit.


Mise à part l'inadvertance des choses non vues, il existe également une forme plus active, pour ainsi dire - la forme de ce qui reste délibérément non perçu. Elle s'inscrit dans la sphère d'où émerge la conscience de la vie quotidienne, la conscience de soi, et son intention stratégique d'accroître les plaisirs non médiatisés qui sont les siens et l'autonomie de sa liberté vis-à-vis de la représentation. Ainsi les conditions sont-elles maximisées en vue de l'émergence éventuelle du "merveilleux dans la sphère de l'expérience vécue". Cette situation ressemble à celle de l'artiste - mais l'"art" ne pénètre cet espace qu'à la condition de refuser de médiatiser pour nous l'expérience et au lieu de ça il la "facilite". Un exemple en serait une aventure amoureuse fondée sur l'érotisme n'apparaissant pas dans la médiation, pour lesquelles on ne construit aucun rôle, on ne produit aucune marchandises. Un autre exemple serait un festival organisé spontanément, ou une zone d'autonomie temporaire, ou encore une société secrète; ici, l'"art" gagnerait à nouveau son utilité.

Les mages de la Renaissance avaient compris que l'obélisque de l'ancienne Égypte était une forme hermétique parfaite pour la dissémination de leur sémiotique hiéroglyphique projective. De haut en bas il représente (mathématiquement) un rayon de soleil, de bas en haut, un linguam. Il retransmet et irradie de ses complexes texte/image et ainsi à la fois vers la lumière qui se trouve au dessus de la conscience elle-même, et vers l'inconscient représenté par la sexualité. Des livres d'emblèmes, tels que le Grand Hypnerotomachia de 1499, nous apprenons que l'objectif hermétique de tels monuments serait d'invoquer dans l'existence l'utopie du désir et le bonheur de l'union alchimique. Mais les mages n'ont jamais perfectionné leur déchiffrement des hiéroglyphes et leur utopie reste au sein des paysages hermétiques des emblèmes. L'idée d'un pouvoir de ces obélisques, cependant, s'est enracinée dans la conscience et l'inconscient occidentaux, des appropriations napoléoniennes et britanniques jusqu'à l'implication maçonnique dans le monument de Washington.


En contraste avec l'obélisque étatique, il serait possible d'imaginer une obélisque authentiquement hermétique gravée d'écriture magique concernant l'expérience des états de conscience non ordinaire; son efficacité consisterait à être quasiment impossible à voir, elle pourrait par exemple, se trouver dans une terre sauvage reculée - ou à l'abandon au milieu de sites industriels délabrés. Il se pourrait même qu'elle soit enterrée. Il s'agirait d'une obélisque "pauvre". Les rumeurs circuleraient à son propos. Ceux qui l'ont vraiment trouvé serait peut-être profondément émus par ses distances et son mystère. L'obélisque elle-même pourrait s'être évanouie, et avoir été remplacée par un rayon de soleil plein de poussière. Mais l'histoire de cette obélisque devrait conserver de son pouvoir.



5. La Machine Organique


Mais à quoi sert la révolte? Simplement soulager le ressentiment ultime du l'éternellement déçu et remis à plus tard? Ne pourrions nous pas simplement cesser cette agitation et poursuivre cette tasse à thé ou rayon de soleil, si nous ne pouvons pas nous satisfaire de l'extase de la totalité? Pourquoi notre critique hermétique devrait-elle nous amener à l'affirmation d'une présence dialectique qui concerne les échanges, l'aliénation, la séparation? Si nous prétendons "créer des valeurs" alors nous devrions-nous nous préparer à les formuler, quel que soit le point où nous rejetons l'"idéologie"? Après tout, le pancapitalisme rejette l'idéologie et a même proclamé la fin de la dialectique - nos valeurs doivent-elles pour autant être subsumées quelque part? dans le capital? Et si tel est le cas, alors - pourquoi lutter?


Une réponse possible à cette question pourrait se faire sur la base d'un "se révolter pour se révolter" de type existentialiste, dans la tradition de Camus ou des anarchistes stirneriens. Nous serions mal avisés de mépriser cette réponse - mais peut-être serait-il possible de la développer dans des termes plus positifs (en termes de "forme", non de spectre".


Par exemple, on pourrait dire que l'économie du don à l'époque paléolithique perdure, en même temps que l'"expérience directe" en tant que spiritualité chamanique, et la non séparation de la "société contre l'état""(Pierre Clastres), sous la forme de ces juridictions et coutumes dont traitait Thompson, transparaissant dans les mythes et le folklore, et s'exprimant dans les forces de résistance, d'hérésie festives et populaires à travers l'histoire. Je vous renvoie au Rabelais de Bakhtine au Word Turned Upside Down de Christopher Hill et à Le mouvement du libre-esprit, de Raoul Vaneigem. En d'autres termes : une tradition de résistance a perduré de façon ininterrompue et ce depuis le Néolithique, avant l'émergence des premiers états, et même de nos jours. Ainsi: nous résistons, et nous révoltons car c'est notre glorieux héritage d'agir de telle sorte - c'est notre "conservatisme". Ce mouvement de résistance est devenu de plus en plus moche et poussiéreux depuis son apparition il y a 12000 ans en réponse aux premières "idéologies" (l'agriculture, le calendrier, l'appropriation du travail)- mais elle perdure encore pars qu'elle définit toujours une majorité de "liberté empiriques", dont la plupart des gens veulent bénéficier : absence d'oppression, paix, abondance, autonomie, convivialité ou communauté, pas de riches ni de pauvres, l'expression spirituelle et le plaisir du corps, etc. Il est peut-être impossible de construire un système ou une idéologie, une stratégie sur des désirs si inclassables - mais il est tout aussi impossible de les réfuter avec des idéologies, précisément en raison de leur nature empirique et "tactique". Et peut importe, ils perdurent - même s'ils restent imperceptible pour tous les objectifs pratiques, ils refusent pourtant de partir. Lorsque toutes les idées nous ont trahis, la "machine organique" (Société vs État) refuse même de se définir elle-même en tant qu'idée. Elle reste loyale à notre imprécision immémoriale, à notre silence et à notre pauvreté.

Le Capital poursuit son télos au delà de l'humain. La science nous a déjà trahis - peut-être que la prochaine trahison - ou la dernière de toutes - sera celle de l'humain lui-même, et du monde matériel dans son intégralité. Deux exemples seulement seront ici nécessaires pour éclairer cette affirmation (plutôt que de la prouver). Le premier exemple concerne l'argent, qui ces cinq ou six dernières années a transcendé son lien à la production jusqu'au degré critique où 94,2 pour cent de la "réserve d'argent " mondiale consiste à présent en un capital exclusivement financier. J'ai appelé cela le transfert dans l'espace virtuel du corps économique, en l'honneur des anciens Dualistes gnostiques et de leur haine de tout ce qui est matériel. Ce qui, pratiquement, en ressort, c'est la stupéfaction concernant toute considération de justice économique comme préoccupation "empirique", puisque la nature migratoire ou nomade du pancapitalisme autorise le "capital désincarné" à dépouiller l'économie de ses atouts principaux et ce au nom de profits ne pouvant être mesurés que par des moyens purement "spirituels". En outre, ce capital est devenu son propre véhicule, et tente à présent de définir un discours universel dans lequel les alternative au système marchand s'évanouissent purement et simplement comme si elles n'avaient jamais existé et ne pouvait pas exister. Ainsi toute relation humaine est susceptible de se mesurer avec du fric.


Pour illustrer le capital en tant que son médium même, et pour deuxième exemple, nous pouvons nous pencher sur la bio ingénierie. Il n'est aucune force qui peut empêcher le pancapitalisme d'acquérir des brevets pour chaque gène identifiable. Cela signifie qu'on demande aux agriculteurs de payer des "rentes sur certaines variétés de gènes développés par leur laboratoires, parce que les "droits" sur ces souches ont été acquis par les zaibatsus. Le triomphe douteux du clonage est censé compenser le ravage du peu qui reste de Nature, ravage qui n'est motivé que par le profit. De plus, le projet du déchiffrage du génome humain, qui a "résolu" le problème de la production de la vie en la posant comme machine biomécanique, permet à l'évolution elle-même d'être co-optée pour être absorbée par le Capital. Tel que le marché envisage l'avenir, l'humain lui-même deviendra de l'humanité l'ultime marchandise - et dans cette "valeur" l'humain disparaîtra. L'effacement du capital par lui-même implique l'effacement de l'humanité par elle-même. L'agir comme pure puissance spirituelle - l'argent- le Capital parviendra à avoir la propriété du devenir de la vie, et ainsi du pouvoir de donner forme au protoplasme même du monde matériel comme pur échange.

La question essentielle qui est la nôtre concerne la possibilité de réapparition, en tant qu'opposition, de ce que l'on ne voit pas. Pour finir il semblerait qu'un refus tactique de toute stratégie systématique serait peut-être inadéquat pour apporter cette réapparition que l'on désire. Ce qui est requis c'est une proposition positive pour équilibrer les actes de refus. Ce que nous devons espérer c'est l'émergence d'une stratégie organique de victoire en tant 'qu'ordonnancement spontané" des tactiques élaborées à la dérive. Toute tentative d'imposer "par le sommet" cette unité stratégique doit être exclue comme au mieux une nostalgie des utopies perdues de l'idéologie - ou comme une religion mauvaise d'un certain genre.

Mais tout comme l'image a son spectre et sa forme, nous pouvons ainsi jouer avec la notion que cette double manifestation de forme et de spectre est aussi le fait de l'idée. En tant que leurre, l'idée ne reste rien d'autre qu'un piège sémantique - déguisé par exemple en impératif moral. Mais en tant que forme au sens de Blake, l'idée elle-même peut se confronter à l'organicité en tant que production du corps et du "l'intellect créatif", tout comme l'image pourrait être tournée vers la réalisation par le corps et "l'imagination créative". Il se peut qu'en un certain sens c'est l'idée que l'on a toujours pas vue jusqu'à présent, et qui retient ainsi tout son pouvoir, n'étant jamais tombée dans la représentation. Négligée tout du long- ne s'étant jamais vu estimer un prix - et restant peut-être inexprimable même dans sa manifestation - cette idée pourrait "donner un sens à la révolte". Et elle pourrait être écrite avec ambigüité en hiéroglyphes à la signification incertaine, mais dont l'effet "magique" est néanmoins puissant - elle pourrait même être écrite sur une obélisque cachée. Mais ce sera nous qui aurons écrit dessus.




6. Les réseaux platoniques




Il semble que c'est comme s'il pouvait exister deux sortes possibles de réseaux (ou même de technologies de la communication) - l'un aristotélicien, fondé sur le texte, linéaire - l'autre platonique, fondé sur l'image, non linéaire. Le langage par exemple, envisagé selon cette perspective, pourrait sembler plutôt platonique, puisque les mots se fondent sur une "image intérieure" et ainsi ne peuvent se réduire par pure lexicalité en traduction à solution unique. Alors que par contre un réseau d'ordinateurs, par l'utilisation d'une programmation reposant sur le texte, apparaîtrait comme un système aristotélicien parfait.


Mais ce dualisme clair se dissous dans le paradoxe et dans l'énigme. Le texte lui-même repose sur des images (il est ainsi non-linéaire) à Sumer, en Égypte, en Chine. Même notre alphabet repose sur des images : la lettre "p" par exemple, représente un pied à l'envers, car les mots de racine indo-européenne débutent presque toujours par "p" ou "f". Le texte, censé être linéaire, repose sur la langue et participe de sa non-linéarité. Lorsque les types discursifs sont textualisés ils deviennent en un certain sens plus linéaires (car il leur manque le relief conceptuel auparavant pourvu par les dimensions extérieures au discours tels que le ton, les geste, la performance etc.)- mais dans d'autres directions il résulte de cette dimension privative du langage, dans la production de texte, des ambiguïtés plus profondes, car le contexte du texte est en grande partie constitué par le lecteur et son monde intérieur.


Ainsi, le fait que les ordinateurs soient numériques (le numérique comme simple processus on/off à échelle massive) et basés sur le textes n'en fait pas pour autant des machines aristotéliciennes authentiques, puisque l'image est déjà enchassée dans le langage, d'autant plus que l'écran lui-même est aussi déjà une image, que ce qu'il visualise soit de l'image, du texte, ou bien les deux à la fois. Si la programmation pouvait reposer directement sur des images plutôt que sur du texte - comme certains chercheurs pensent que, et que leur déploiement pouvait non seulement c'est possible - l'ordinateur pourrait facilement être une machine platonique. L'effet de platonicisation propre à l'informatique est déjà là non seulement dans l'affichage des images sur des écrans mais aussi dans la réalité psychologique de l'écran en tant qu'image. Dans ce qu'il produit, l'ordinateur est une machine hiéroglyphique, un mode d'interface de texte et d'image; d'où le caractère magique de son apparition à l'inconscient.


Les mages de la Renaissance (et particulièrement Athanasius Kirchner) pensaient que la nature des hiéroglyphes égyptiens était purement platonique (- en ceci ils suivaient Plotin et Lamblichus)- ce qui signifie que chaque image était une forme idéelle et que leur déploiement pouvait non seulement être une indication du sens, mais qu'il était aussi capable de le créer et de le projeter. Ainsi les hiéroglyphes étaient-ils considérés comme un amalgame idéel de texte et d'image - une forme d'écriture par des emblèmes. Mais lorsque Champollion déchiffra la pierre de Rosette, l'on découvrit que les hiéroglyphes étaient déjà utilisés sur un mode quasi alphabétique (sur le modèle qui associe le phonème "p" à l'image du pied), bien qu'il y eût certains cas ou certains images ou certains cartouches représentaient les objets peints en tant que mots. Cette découverte relégua aux oubliettes les tentatives infructueuses de traductions par les mages de la Renaissance - Leur théories ne sont plus mentionnées qu'en passant, comme exemples de science hermétique "fausse" et de mauvaise égyptologie. Mais comme le remarquait Couliano, ces théories discréditées possèdent une grand pouvoir secret d'ordre heuristique, car elles décrivent empiriquement certaines des voies par lesquelles le texte, l'image et l'esprit interagissent. Une fois la magie brute et la métaphysique platonicienne discréditées, la théorie hiéroglyphique peut être utilisée pour comprendre le monde.


Les livres d'emblèmes à la Renaissance étaient des expériences de projection sémiotique de la théorie hiéroglyphique. Les images allégoriques accompagnées de textes ( souvent un texte en prose et un texte poétique) et dans certains cas même par de la musique ( par exemple la grande Atalanta fugiens de Michael Maier) étaient collectés par séquences, publiés sous forme de livres, et se destinaient à l'élévation magique du lecteur. La "morale" des emblèmes était ainsi véhiculée sur différents niveaux à la fois. Chaque emblème était simultanément
- une image accompagnée de mots
- une image "traduite" à partir de mots. Ce qui veut dire que les valeurs réelles ne sont pas purement formelle mais son aussi allégoriques, ce qui fait qu'Hercule désigne la "force", Cupidon désigne le "désir", et l'emblème lui-même peut être lu comme une phrase constituée par ces "mots"
- un "code" hiéroglyphique dans lequel certaines images non seulement représentent des mots mais aussi "expriment la phrase" de ces mots, les projette d'une manière magique, que le lecteur soit conscient ou non de ce phénomène.


Notre hypothèse de travail c'est que l'image du monde pour lui-même définit non seulement ses possibilités mais aussi ses limites. La représentation du monde de lui-même à lui-même (son image macrocosmique)ce n'est ni plus ni moins que son image "microcosmique" de lui-même ordonnancement pour ainsi dire, au niveau des mentalités et de l'imaginaire. Ceci fait partie de notre théorie hermétique "sécularisée", ce qui explique, par exemple, pourquoi les emblèmes ont une influence sur de multiples niveaux de cognition


Les mages radicaux ont rencontré un monde où une image du monde était fixée sur place - non pas simplement le cosmos géocentrique, mais le système de valeurs chrétien orthodoxe dans son ensemble qui allait avec. Leur intention subversive tournait autour du projet d'une libre circulation de l'imagerie, une rupture de la stase et une création d'un modèle plus responsable. L'unique point de vue de l'orthodoxie était ressenti comme étouffant, tyrannique, oppressant. Attendu que le soi intériorise ces visions il le reproduisait au niveau du subjectif. Les hermétistes opposaient à l'unicité même de cette vision du monde une multiplicité contradictoire, une forme critique de paganisme fondée sur la différence.


De manière analogue, depuis 1989-91 nous somme entrés dans un nouvel "âge sombre" dans lequel une seul vision du monde( et son imaginaire) réclame l'hégémonie sur toute différence. Non seulement le pancapitalisme est-il un système mondial, mais il est aussi devenu son propre véhicule, pour ainsi dire, en ce qu'il propose une stase universelle de l'imagerie. la libre circulation de l'image est bloquée lorsque une image du monde structure l'image que le monde a de lui-même. La différence vraie est lessivée jusqu'à disparaître et elle est remplacée par un re-cyclage obsessionnel et passée au filtre de l'imagerie "permise" au sein du système unique du discours (comme les théologiens du Moyen Age censés disputer autour sexe des anges au même moment où les Turcs assiégeaient Byzance. Le pancapitalisme "permet" toute imagerie susceptible d'accroître le profit - d'où le fait qu'il devrait en théorie permettre
tout genre d'imagerie - mais en pratique, cela lui est impossible. C'est la crise propre au "postmodernisme" - la crise comme une forme de stase, de l"infini re-circulation du même - l'impossibilité de la différence.


Dans la crise de la stase toute manière d'imager peut être autorisée ou même encouragée lorsque elle tend à décrire la relation comme un échange - et même l'imagerie de la terreur, du meurtre, du crime - et même celle de l'extinction de l'humain et celle de la Nature - car tout ceci (du moins de par l'imagerie) peut se transformer un profit. Ce qui ne peut être autorisé (sauf peut-être la nostalgie) c'est l'imagerie des relations qui ne sont pas celles de l'échange. La nostalgie peut-être circonscrite pour être mise sur le marché - mais la différence en tant quelle serait une menace à l'hégémonie de la pensée unique. L'"économie du don" pratiquée par certaines tribus primitives à présent quasiment disparues fait un parfait sujet télévisuel; le deuil qui est le nôtre concernant cette disparition ne peut que booster les ventes de n'importe quelle marchandise susceptible d'adoucir notre sentiment de perte. Le deuil lui-même peut se voir fétichisé, comme à l'époque victorienne, celle des chevaux empanachés dans les cimetières à la robe noir carbone ou onyx. La Mort pour le Capital c'est bien, car l'argent est la sexualité des morts. Les cadavres sont déjà apparus dans la publicité - et c'en étaient des "réels".


À supposer que notre hypothèse tient la route, nous pourrions bien nous demander "d'où" pourrait apparaître, dans une telle situation, une image de la vraie différence. La réponse est qu'à l'évidence elle ne pourrait provenir que d'en dehors de la stase.


Et à l'évidence, ça signifie la guerre. Du moins, la "Guerre de l'Image"


Mais comment nous est-il possible ne serait-ce que de commencer à définir ce qui pourrait résider "en dehors" de la stase? Ne sommes-nous pas justement engagés dans une situation où toutes les images en circulation commencent à représenter une partie de la crise de la circulation? Ceci est "l'hermétisme malin" de la médiation dans sa totalité - sa métastase spectrale, pour ainsi dire - l'ontologie comme oncologie. Tout ce qui entre dans la sphère du discours, tout ce qui est "visible" est subverti par le simple fait qu'il n'y a qu'un seul discours, un seul échange. Il est possible que la "Guerre de l'Image" soit tout aussi productive pour l'échange que d'autres formes de "guerre à l'état pur", puisqu'elle offrirait au minimum une "illusion de choix" Ceci représente donc la crise hermétique des médias tactiques.



7. Média tactiques



Ce qui n'est pas vu réside au moins possiblement à l'extérieur de l'espace de la totalité représentée. Ainsi devient-il pour les media tactiques l'objet d'un grand intérêt théorique. Mais comme les media les media tactiques doivent toujours médier, et ainsi ce qui n'est pas vu demeure "mystérieux" au sens plein du terme. Puisqu'on ne peut décrire que ce qui est visible, le pur imperceptible ne peut être représentés ou faire l'objet de discours écrits - même s'il peut être transmis, du moins en termes "zen".


Pourtant l'imperceptible n'est pas nécessairement "pur". S'il l'était, il nous intéresserait bien moins qu'il ne le fait à présent, car il ferait part en ceci d'une caractéristique associée à nos yeux à la stase et à l'idéologie. En fait ce qui n'est pas vu nous attire à cause de son impureté.


En effet il apparaît qu'il existe différents degrés d'imperceptible. L'imperceptible peut paradoxalement apparaître même dans les limites de la circularité fermée de la médiation dans sa totalité, que ce soit par inadvertance ou encore par subversion. Par exemple la TV montre des tribus primitives, et la mélancolie liée à la disparition du Don ne peut atteindre la véritable réalité du Don et le sens qu'il a pour ceux qui le connaissent. Mais parfois le texte parlé ou le montage du film pourra créer des puissantes dissonances cognitives avec certaines images, suggérant la présence de l'imperceptible, au moins pour un petit nombre de téléspectateurs préparés à de telles irruptions du mystérieux- dont la guérilla s'attaque aux zones consensuelles de la conscience.


De plus, les media plus "profonds" demeurent relativement invisible pour la totalité parce qu'ils "manquent tant de moyens". La mesquinerie par laquelle ceux-ci participent au marché économique, et dans une moindre mesure à l'esthétique consensuelle - les rend si insignifiant quel que soit l'objectif pratique posé. Bien sûr aussitôt que telle énergie, telle originalité est vue comme émanation de tels média ils sont en même temps absorbés par le Capital - et l'imperceptible est forcé de battre en retraite, de s'évader de la définition, de bouger autre part. Mais ce processus prend du temps, et le temps donne des occasions.


Ainsi les media tactiques pourraient-ils faire usage d'opération de "guérilla" au sein de la totalité médiatique, ou bien des média réfléchis qui restent (de façon impure) à l'extérieur de cette totalité. Mais dans tous les cas l'intégrité stratégique exigerait que de telles "apparitions" aient lieu là où elles peuvent être efficaces - au sens militaire : là où elles peuvent endommager la totalité sans se laisser absorber par le "spectacle de la dissidence" et de la rébellion autorisée. Les media tactiques battront en retraite de cette sorte en face de ce qui pourrait les englober, et dans de tels moments de retraits tactique il se pourrait que les médias stratégiques puissent avoir à s'engager dans la violence et le sacrifice ( du moins sur un plan conceptuel). Les médias tactiques feront des erreurs - d'autant plus qu'elles ont une nature improvisationnelle, et en l'absence d'une stratégie d'ensemble. Parce que les médias tactiques refusent la pureté, ils s'engageront - et se verront vaincus, le plus souvent par leurs propres "achèvements".


Le but et l'intention des médias tactiques n'est précisément pas de revivifier le consensus en lui permettant de se faire vampiriser ses énergies créatives par l'imaginaire des "morts-vivants" et de leur "lois naturelles" de l'échange. Mais nous ne pouvons pas dire pour autant que le but des media stratégiques "est" la destruction de la totalité. Cette affirmation d'identité définirait pour les media tactiques une idéologie ou l'origine d'une identité, et limiterait leur rôle d'opposition - en effet dans son apparence "spectrale" nous ne sommes plus du tout bienveillants vis-à-vis de la totalité, mais en nous définissant nous-mêmes (et de par nos techniques) uniquement dans la "destruction" nous ne faisons qu'inviter à notre propre récupération dans les schèmes de l'oppression. Les médias tactiques, selon moi, devraient avoir un sujet et un objectif. Ce devrait être cela qui n'est pas vu - même jusqu'à une séduction pour y parvenir.


Cela signifie-t-il que les tactiques des médias tactiques ne peuvent se définir que "d'une façon situationnelle"? Même si nous refusons toute idéologisation de l'intentionnalité, sommes-nous toujours en mesure d'avoir des propos descriptifs sur certains buts spécifiques? Si nous refusons la stratégie, sommes-nous en néanmoins capables d'énoncer avec précision une idée concernant une tendance ou un mouvement vers l'unification d'un imaginaire de la présence( possiblement un "mythe") qui sous-jacents aux médiations tactiques pourraient les informer?


Cela pourrait en effet être possible, ne serait-ce que parce que les valeurs imaginales dans le processus d'émergence dans les médias stratégiques semble concerner ces libertés empiriques exprimées non seulement dans les "droits et devoirs" immémoriaux mais aussi dans les politiques du désir les plus radicales. En d'autres termes, un substitut "organique" de la stratégie-idéologie survient à partir d'un imaginaire partagé qui se fonde sur de telles perspectives traditionnelles mais pourtant radicales. C'est en ce sens que les médias tactiques peuvent êtres vus comme un aspect d'une opposition à l'échange, efficace et possible, opposition à l'idéologie post-idéologique du Capital - une opposition qui ne peut être englobée, et qui de ce fait peut contempler la possibilité d'un succès.


Tout ceci n'est que pure hypothèse, et cela n'aurait alors aucun sens - et peut-être même serait-il contre-productif - de s'engager dans une tentative de prescrire ou prédire au sujet des médias tactiques; ou même de les influencer. Le mouvement historique envisagé ici ( qui relève même le défi de la 'Fin de l'histoire") ne peut rien tirer d'un avant-gardisme passé de mode ou de " législateur sans reconnaissance", un énième -isme d'une intelligentsia (et artistes et autres) en passe d'être discréditée. Il semble cependant possible d'adopter une approche "expérimentale". Qui est capable de prédire le succès ou l'échec? Une faiblesse narrative inhérente et un désir de travailler sur certaines formes de structures emblématiques m'a amené à une "errance sans but" ou la conceptualisation taoïste autour de certains thèmes considérés ici- et notablement la notion d'hermétisme à la fois dans son aspect "formel" et "spectral". Un exemple: puisque l'argent est "imaginal" il est alors susceptible de faire l'objet de manipulations hermétiques - et même jusque l'intuition, dont parlent certains milliardaires bizarres comme Georges Soros. Il semble théoriquement possible de "pirater" de l'argent sur le plan de sa représentativité - et encore plus à présent qu'il est presque entièrement pure représentation. L'argent peut être manipulé imagistiquement parce l'argent lui-même est image, et pourtant peut aussi se téléporter à partir de la numisphère cybergnostique se manifestant sur un plan terrestre en tant que production, biens et services, liquidités. Il apparaîtrait ainsi réalisable de rediriger le Capital sur un principe de richesse, loin des zones où le capitalisme a "décrété" sa présence (symbolique), dans des zones où sa présence (réelle) s'est vue "interdite".


Sur le fait de "décréter ou "interdire", si ces deux mots sont entre parenthèses c'est parce qu'en vérité la situation est si complexe que la "légalité" est devenue une catégorie extrêmement ambigüe. L'argent comme médium s'engouffre dans la même crise de définition que tous les autres media. Dans cet espace d'incertitude, les opération hermétiques pourraient être dirigées (par des moyens parfaitement légaux) de façon à interférer avec la circulation du Capital. L'espace d'incertitude - qui fissure dans le monolithe de la représentation - trouve son origine profonde dans une anxiété puissante qui est celle de la crise de la stase. L'image de l'imaginaire comme labyrinthe sans issue induit une sorte de claustrophobie similaire à celle dont les occultiste de la Renaissance ont pu faire l'expérience, en lien avec la stase cosmique de la doctrine : échapper à la panique. Nous sommes après tout encore "en transition" vers la perfection du marché mondial - le cosmos de l'économie ne trouve pas encore une délimitation d'ensemble qui soit sans failles.


D'où par exemple la soudaine obsession du "contenu". Qu'allons-nous faire de toutes ces données? Quel en est l'usage? Et qui devra créer pour que les autres - tous les autres - consomment? Mystère.


Certains éléments au sein des structures politiques conservent un certain sentimentalité morne au sujet de l'état "social"; ils veulent toujours pouvoir aider à programmer des "contenus". Ils s'opposent aux zaibatsus qui exigent du contenu "pur", se mesurant au prix plutôt qu'à la valeur. Mais que veulent "les gens"? Dans les espaces tactiques laissés vacants par ce combat de Titans décontenancés, certaines médiations sont possibles à effectuer. L'ancien pouvoir magique du scribe, l'initié hermétique, pourrait constituer une contre force au pouvoir magique de manipulation des contenus, le monopole de la signification et de l'interprétation réclamé par la totalité (qui tout d'un coup ne semble plus du tout aussi totale...).


Comme nous parlons des media, l'évocation du mot "magie" semble d'une certaine façon possible. Ces réflexions, de quelle pertinence pourraient-elles montrer dans les les situations rencontrées dans la réalité immédiate - c'est une autre histoire. C'est que cependant pour l'instant nous exerçons simplement notre imagination.









Emblèmes de l'Atalanta fugiens

Friday, June 17, 2011

Hakim Bey - L'amour obsessionnel

La dialectique "approximative" nous permet de nous adonner à un penchant impur pour l'histoire - opération qui consiste à draguer l'ensemble - bricolage de bricabrac " achevé-supprimé" - pratiques stupides et mal famées, telles que l'amour obsessionnel. La romance est "romaine" en un sens final uniquement, en ce qu'elle fut rapportée à Rum (nom islamique pour Byzance et pour l'Europe) par les trouvères, les croisés et les troubadours. La passion démente et désespérée('ishq) apparaît pour la première fois dans "La bague de colombe" de Ibn Hzm (en fait une terminologie argotique pour désigner l'encolure d'un phallus circoncis) et pour l'Arabistan dans les premiers textes de Layla et Majnun. Le langage de cette littérature était approprié pour les soufi ('Attar, Ibn 'Arabi, Rumi, Hafez, etc) en éroticisant ainsi encore plus une culture et une religion déjà largement éroticisées.


Mais si le désir imprègne le style et la structure en Islam, il n'en demeure néanmoins un désir réprimé "Celui qui aime en restant chaste et qui est mort des ardeurs de son désirs parvient au statut de martyr du Jihad", i.e. le paradis - c'est ce qu'affirme une tradition du prophète lui-même, tradition populaire mais peut-être inexacte. Ce paradoxe donne lieu à une tension déchirante qui galvanise dans la vie l'importance d'une émotion : celle de l'amour romantique, fondé sur le désir insatisfait, sur la "séparation" plutôt que sur "l'union"... ce qui veut dire en s'abandonnant au désir. La période héllenniste (telle que l'évoque Cavafy par exemple) a fourni à cette convention ces genres - la romance en elle-même de même que l'idylle et le lyrisme érotique mais l'islam a enflammé d'un feu nouveau les formes anciennes avec leur système de sublimation passionnelle. Le ferment Egypto gréco islamique ajoute au nouveau style des éléments pédérastes : en outre, la femme idéale n'est ni une épouse ni une concubine mais quelqu'un dont la catégorie est l'interdit, certainement quelqu'un d'extérieur à la catégorie simplement reproductrice. Ainsi la romance apparaît-elle comme une certaine forme de gnose, en laquelle l'esprit et la chair occupent des positions antithétiques; peut-être également une sorte de libertinage avancé dans laquelle la force de l'émotion est vue comme plus satisfaisante que la satisfaction elle-même. Envisagé en tant qu'alchimie spirituelle" le but du projet semblerait impliquer l'inculcation des états de conscience non-ordinaire. Ce développement toucha des degrés extrêmes mais toujours 'légaux' avec des soufis comme Ahmad Ggazzali Kermani et Abdol Raman Jhani, ayant "témoigné" de la présence du Divin Bien-Aimé chez certains beaux éphèbes et étant pourtant toujours restés chastes, à ce qu'on peut supposer. Les Troubadours ont dit la même chose de leurs amours féminines; la Vita Nuova de Dante en représente l'exemple extrême. Les musulmans ont tout aussi bien que les chrétiens longé un bien traître précipice avec cette doctrine de la sublime chasteté, mais les effets spirituels pouvaient parfois s'avérer formidables, comme chez Fakhroddin ’Iraqi ou, effectivement Rumi et Dante. Mais n'était-ce pas possible d'envisager la question du désir d'un point de vue tantrique en considérant que l''union' est elle aussi une illumination? Une telle position fut celle de Ibn 'Arabi, cependant il insista sur le mariage et l'union légale. Et puisque toute homosexualité est interdite dans la loi islamique, un soufi aimant les garçons n'avait aucune catégorie 'hors de danger' pour se réaliser sur un plan sensuel Le juriste Ibn Taimiyya interrogea un tel derviche pour savoir s'il n'avait pas fait plus que simplement embrasser son bien-aimé. " Et si c'était le cas?" répondit l'arrogant. La réponse serait bien entendu " coupable d'hérésie!" sans parler de formes criminelles mineures. Une réponse similaire serait adressée au Troubadour qui a des tendances tantriques (adultères) - et peut-être cette réponse a-t-elle conduit certains d'entre eux à des l'hérésie organisée qu'est le Catharisme.


En Occident l'amour romantique a reçu les influx d'énergie du néo platonicisme, tout comme dans le monde islamique; la romance procurait un moyen acceptable (restant dans l'orthodoxie) de trouver un compromis entre la moralité chrétienne et l'érotocosme antique redécouvert. Même en se mesurant - agir restait précaire : Pic de la Mirandole et Boticelli ont fini dans les bras de Savonarola. Une minorité secrète de nobles de la renaissance, clercs et artistes optèrent ensemble pour un paganisme clandestin; l'Hypnerotomachia de Poliphili (Songe de Poliphile), le gardien des monstres de Bomarzo, apporte un témoignage de l'existence de cette secte "tantrique". Mais pour l'ensemble des platoniciensn l'idée de l'amour fondée sur le désir solitaire a servi des fins orthodoxes et allégoriques, en lesquelles ce qui est chéri ne peut-être qu'une lointaine ombre du réel (comme on en trouve des exemples chez Sainte Thérèse et Saint Jean de la Croix) et ne peut-être aimé qu'en fonction d'un code "chevaleresque" chaste et en pénitence. Le sens principal de "La mort d'Arthur" par Malory est le fait que Lancelot échoue à réaliser l'idéel chevaleresque en donnant à Guenièvre un amour charnel plutôt qu'exclusivement spirituel.


L'émergence du Capitalisme exerce un étrange effet sur la romance. Je ne peux l'exprimer que par une fiction à caractère absurde : c'est comme si la personne aimée devenait une parfait marchandise, toujours désirée, pour laquelle toujours on paie, mais dont on ne jouit jamais tout-à-fait. Le déni de soi propre à la romance s'harmonise assez nettement avec celui mis en oeuvre dans le capitalisme. Le capital exige de la rareté, à la fois celle de la production et celle du plaisir érotique, plutôt que de strictement limiter ses prérequis à la moralité ou à la chasteté, dotant ainsi le déni d'une forme de glamour; le capital opère un retrait de la sexualité, en l'imbibant de désespoir. "La "romance" mène à présent au suicide wertherien, au dégoût qui est celui de Lord Byron, à la chasteté des dandys. En ce sens, la romance deviendra la parfaite obsession bidimensionnelle pour la chanson populaire et pour la publicité, au service d'une trace d'utopie au sein de l'infinie reproduction des marchandises.


En réponse à cette situation, les temps modernes ont proposé deux jugements sur la romance, s'opposant en apparence, qui se rapportent à notre présente herméneutique. L'une des deux, l'amour fou ( en français dans le texte) surréaliste, s'inscrit clairement dans la tradition romantique, mais offre une solution radicale au paradoxe du désir en combinant l'idée de sublimation avec un point de vie tantrique. En opposant la rareté ( ou "peste émotionnelle" telle que la désignait Wilhelm Reich) propre au Capitalisme, le Surréalisme propose un excès transgressif du désir le plus obsessionnel et des achèvements les plus sensuels. Ce que la romance avait chez Malory et Nezami, séparé ( "désir passif" et "union") les Surréalistes ont proposé de le recombiner. L'effet devait en être explosif, et littéralement, révolutionnaire.

La seconde perspective qui est ici pertinente était également révolutionnaire, en étant plutôt "classique" que "romantique". L'anarchiste-individualiste John Henry Mackay se désespérait de l'amour romantique, qu'il ne pouvait considérer que comme souillé par des formes sociales d'aliénation et de propriété. L'amant romantique désire posséder ou être possédé par son bien-aimé. Si le mariage n'est qu'une forme légale de prostitution (analyse anarchiste typique). Mackay trouvait que l'amour lui-même était devenu une forme de marchandise. L'amour romantique est un trouble de l'égo dans sa relation à la propriété : Mackay proposa en échange une amitié sexuelle, libre de toute relation de propriété, basée sur la générosité plutôt que sur le désir et le retrait ( i.e. la rareté) un amour qui lie des gens égaux se dirigeant eux-mêmes.

De nos jours ces solutions au problème de la 'romance' semblent toujours possibles, toujours ouvertes. L'atmosphère a beau être encore plus polluée avec des images dégradées du désir qu'à l'époque de Mackay et Breton, mais il apparaît n'y avoir eu aucun changement qualitatif dans les relations entre l'amour et le capitalisme trop tardif depuis. Je reconnais une préférence philosophique pour le parti de Mackay car il m'a été impossible de sublimer le désir dans un contexte de désir impossible sans tomber dans le misérabilisme ; alors que le bonheur, le but de Mackay, semble émerger de l'abandon du fallacieux chevaleresque et du dandysme du déni de soi en faveur de modes d'amour plus "païens" et conviviaux. Il faut pourtant admettre qu'à la fois la "séparation" et l"union" sont des états non ordinaires de conscience. Le désir intense et obsessionnel constitue un "état mystique", qui n'a besoin que de la trace de religion pour se cristalliser en tant qu'extase néo platonicienne à son apogée. Mais nous, romantiques, nous devons nous souvenir que le bonheur possède un élément de totalement étranger à la fadeur de la lâcheté ou la tiédeur du confort bourgeois. Le bonheur exprime un aspect festif et même révolutionnaire qui paradoxalement lui donne sa propre aura romantique. Peut-être pouvons-nous imaginer une synthèse de Breton et Mackay " certainement la "rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection" - et construire une utopie basée aussi bien sur l'obsession que sur la générosité (Une fois encore il vient la tentation d'évoquer en parallèle Nietzsche et Charles Fourier avec son "Attraction passionnelle") - mais en réalité, j''en ai rêvé de cela (brusquement je m'en souviens, comme si c'était littéralement un rêve )- et cela a pris une dimension de supplice, et filtré au travers de ma vie - dans certains Zones d'Autonomie Temporaires un espace et un temps impossibles.... et sur cette piste, infime, se fonde toute ma théorie.

Sunday, February 20, 2011

Tout passe (T. Leary, Psychedelic prayers I)



Tout passe
Le soleil levant ne dure pas tout le matin
Tout passe
L'averse ne dure pas tout le jour
Tout passe
Ni le soleil couchant toute la nuit
Tout passe
Qu'est-ce qui change constamment?
La Terre, le ciel, le tonnerre
la montagne... l'eau
le vent... le feu... le lac
Ces choses-là changent
Et si ces choses-là ne durent pas
Est-ce que les visions humaines
les illusions humaines peuvent durer?
Pendant la séance
Prends les choses telles qu'elles se présentent à toi
Tout passe

Tuesday, January 18, 2011

SPK : LA STRATEGIE POST-INDUSTRIELLE


Ce manifeste est tiré de RE/Search 8/7 " The Industrial Culture Handbook"











EXPOSANT LA CATHEDRALE DE MORT



Le vrai sens du slogan 'nous sommes tous des juifs allemands' n'est pas la solidarité, mais le fait, inéluctable, que ces personnes ne constituent pas un phénomène marginal. Cette situation est la norme. La
mort est partout présente dans la vie. SPK ne fétichise pas une situation. C'est l'exposition de cette cathédrale de mort.

La stratégie n'est pas dialectique - libération vs contrôle, inconscient vs conscient, déviant vs normal, sexuel vs chaste.

La stratégie est CATASTROPHIQUE- poussant la situation à la limite.

La stratégie est SYMBOLIQUE - utilisant contre le système les signaux, intolérables, qui lui sont propres.

La stratégie est ANONYME - le refus d'être catégorisable comme une autre étoile déviante.

Nous sommes la norme. Nous sommes le crépuscule.


LA STRATEGIE POST-INDUSTRIELLE

(Le Crépuscule Des Idoles)

Michel Foucault dans 'Surveiller et punir : le mécanisme du contrôle social s'est transformé passant d'un internement ou d'une éradication, à un traitement. Les criminels et les aliénés sont désormais recyclés et transformés en citoyens normalisés et homogènes. La droite comme la gauche ont le souhait de se sentir responsables et de réintégrer les déviants. Nous ne devons pas le faire. Notre intérêt pour la déviance sociale doit être de maintenir et d'étendre les difficultés pour le système à garder sous son contrôle les marges.

Une autre fiction est l'idée qu'en libérant l'inconscient ou le psychisme nous pouvons attaquer le simulacre post-industriel. Pour commencer, la notion moderne d'inconscient n'est qu'énième concept métaphysique. Les primitifs n'en avaient aucun besoin car ils ne faisaient pas la différence entre un esprit sauvage et un esprit civilisé. Ce n'est qu'avec l'émancipation ou idée de liberté que le besoin s'est présenté que le Maître en chacun de nous s'intériorise et que l'aliénation commence. On en est arrivé à nommer 'inconscient' tout processus sauvage, errant et symbolique, le domestiquant ainsi par la mort. Toute idée qui maintient cette séparation artificielle passe tragiquement à côté de l'essentiel. Il serait de plus idiot de penser qu'un code social qui a créé l'inconscient ne serait pas capable de l'inscrire et le contrôler, de la même façon qu'il manipule nos vies conscientes. En effet c'est la méthode la plus efficcace utilisée par le code pour se perpétuer lui-même. La libération psychique est la forme même du système, et non une solution radicale comme les expérimentation de drogues dans les années soixante l'ont montré. Changer l'individu ne change pas nécessairement les sociétés.


LE SIMULACRE POST-INDUSTRIEL

Cela fait quelques décennies que l'on peut avec précision qualifier la culture occidentale d'Industrielle. Depuis la crise de sous-consommation des années Trente, nous avons totalement dérivé dans une structure sociale qui n'est pas dominée par la production mais par la reproduction, non par l'équivalence mais par la commutation* (aussi avec le sens de commute qui désigne le trajet suburbain en voiture ou en train entre le domicile et lieu de travail, NdT), non par la marchandise mais par le modèle. Nous vivons dans un monde post-industriel. Un monde où il n'est plus vrai que tout travail s'échange et perd de sa singularité, un monde où travail et loisir deviennent intriqués. Non pas une culture achetée et vendue mais une où toutes les cultures se simulent les unes les autres. Non pas un lieu où l'amour est prostitué, mais où une sexualité régulière et libérée est obligatoire. Et une époque dans laquelle le temps ne s'accumule plus comme de l'argent mais se brise dans un réseau confus de nostalgie, de fétichisme et de futurisme.

SPK s'est toujours assuré d'établir sa séparation avec tout label dit "industriel" ayant toujours poursuivi une stratégie radicalement plus efficace _ celle qui succède à la société industrielle. La réalisation de cette différence est vitale pour toute stratégie : artistique, révolutionnaire, terroriste. Dans le cas contraire, nous ne continuerions qu'à confondre la cause avec le symptôme...

Si l'ère industrielle a été déterminée sur le mode capitaliste, alors l'ère post-industrielle est hypercapitaliste. Et dans la sphère des signes la société est devenue indéterminée et codifiée. A l'ère pré-industrielle chaque signe a une réalité qui lui correspond. A l'ère industrielle, chaque signe devient l'équivalent de tous les autres avec l'argent comme mode de cohésion sociale. A présent, pourtant, tous les signes sont devenus des modèles, qui ne différencient que légèrement la reproduction sociale - un code de simulation généralisé. Le plus horrible est que ce procédé ne s'arrête plus aux portes de l'usine mais pénètre nos maisons, notre amour et notre esprit. Tout notre temps devient du temps marqué.

Walter Benjamin ( et Mac Luhan ensuite) a été le premier à réaliser que la technologie n'était pas une force productive mais un MEDIUM - le principe- la FORME d'une société nouvelle de réseaux de publicité, d'information et de communication. La sérialité ou la reproduction mécanique de clones qui sont des équivalents exacts avait donné lieu à des modèle qui pouvait générer toute forme selon une modulation des différences. cette cellule génétique numérisée - le code- a produit toute question et toute solution possible qui soit.Un ADN générateur de contrôle de l'organisme social.



SYTÈME DE MORT


Le système a produit un genre spécial de mort, un système calculé de signes. Si le cimetière et l'asile sont en voie de disparaître c'est parce que la mort est partout et n'a plus besoin d'être cachée.

Aujourd'hui c'est une mort qui est ethnocide, judiciaire concentrationnaire sensationnelle. Un fétichisme complexe de la mort comme déviance - d'où des "stars" comme Manson, Jones, ou au Vietnam qui ne sont que des éléments de ce qu'est le fétichisme de la déviance qui est le fait du système lui-même. La véritable horreur est la mort statistique qui est le produit de la normalisation et du traitement. Les sérums et les laboratoires sont le seul alibi de la prohibition du discours du mourant.


Apparaît alors de façon plutôt évidente la raison pour laquelle notre attention se focalise sur la mort violente, qui seule manifeste quelque chose de semblable à un sacrifice - la transmutation de la mort par la VOLONTE du groupe. Toute mort artificielle est donc un produit de la mort sociale.

Suicide égale meurtre ( tiré du manifeste original du Sozialistischen Patienten Kollektiv)


LE MANNEQUIN DE LA SECONDE PEAU



La "révolution sexuelle" n'était rien d'autre que la neutralisation de toute sexualité par son extension à toutes les significations. C'est un spectacle, un impératif, une publicité. Les fétiches ne sont plus privés ou antisociaux comme ils pouvaient l'être chez De Sade - ils sont obligatoires, normalisés, ils sont transparents. La transparence n'est pas une idée radicale mais une exigence fondamentale du système aujourd'hui. Michel Foucault dans L'Histoire de la sexualité ( tome 1) montre comment toute sexualité y compris déviante est "confessée" de façon à ce que le code puisse être total. Allez sur le forum Penthouse. Toute sexualité possible et imaginable y est cataloguée dans un minable film porno que nous sommes sommés de reproduire dans nos vies privées.

Le corps est devenu totalement sexualisé/ mais c'est un sexe sans qualités. La nudité est sexuellement redondante, le corps en étant passé à être un mannequin qui concentre des signes - vêtements, maquillage, meubles, restaurants, voiture, etc. Le corps est fétichisé comme dans une manipulation de masques; l'idée du corps optimum ne devient rien d'autre que le VOUS publicité - fragmenté et reconstruit comme un modèle.


La seule attaque possible de cette réalité est l'exposition d'intolérables corps mutants, malades, difformes,morts. D'où l'ampleur de ce dossier que nous avons de chair inacceptable. Ce n'est pas notre obsession: c'est la contrepartie du code obsessionnel. La mort est pour ce système la seule pornographie... il n'y a pas de sexualité radicale...



L'OBSESSION DU NOUVEAU



Exiger que l'information dise la vérité est revenir à un mode préindustriel. Aujourd'hui il n'y a pas de réalité, ou tout est réel et rien n 'est réel. Aujourd'hui l'objet ne réfère plus au réel ni à l'information. Les deux sont le résultat d'une sélection, d'un montage, d'une prise de vues. Le rôle des messages n'est plus l'information il est celui d'un test - de réussir à interpréter le code selon le code pour la perpétuation du code. Ainsi le problème du contrôle n'est pas un problème de surveillance, de propagande ou de paranoïa. C'est un problème d'influence subjective, de consentement et d'extension à toutes les sphères de vie possibles. L'incorporation du code dans le cadavre lui-même (cf Baudrillard - la 'leucémisation de toute substance sociale')

La modernité n'est pas la transmutation des valeurs _ le mythe du progrès et du changement - mais une commutation, combinatoire et ambigüe. dans ce processus l'art et la réalité en viennent à se simuler l'un l'autre. La dichotomie entre le réel et l'imaginaire s'effondre et le commerce, la politique, et le scientifique sont plus immergés dans l'esthétique que dans la réalité au vieux sens du terme. Des symboles partout - idéologies, personnalités, publicité - la forme nouvelle de pouvoir. Dans la politique comme dans l'art et dans la culture, l'obsession du "nouveau" se limite toujours au taux de changement tolérable sans altération de l'ordre essentiel. Et nos vies, comme des oeuvres d'art crées par ce code publicitaire, participe à cette même reproduction." Reste à voir si cette opérationalité elle-même n'est pas un mythe , si l'ADN lui-même n'est pas un mythe " (Jean Baudrillard, L'échange symbolique et la mort, p 94)1 Nous vivons le début d'une époque que l'histoire reconnaîtra un jour comme un nouvel Age Sombre.


Mais contrairement au premier qui se caractérisait par une occultation de l'information, nous souffrons du mal qui est presque inverse - la surcharge d'information. L'exigence de plus d'information n'est pas radicale - elle exige forcément exactement ce dont le système nous inonde déjà.



L'ADMINISTRATION DE LA MORT



Nous vivons entièrement une fiction d'évolutionnisme : pour le capitalisme la croyance en une éternité d'accumulation et de progrès; pour la science une foi en la marche infinie vers la vérité, pour la manipulation sociale une croyance en le contrôle du berceau jusqu'à la tombe. La loi profonde de l'ordre social qui prévaut n'est donc plus économique mais c'est la manipulation progressive de la vie et de la mort. Du contrôle des naissances au contrôle des morts c'est le même système d'extermination. Seulement maintenant il n'y a plus du tout besoin de mort effective. L'opération se réalise dans une survie forcée que seul peut briser un suicide non commis par désespoir. La société dans l'ère post-industrielle est l'une des morts lentes où tout temps est marqué, où tous les sujets sont les réceptacles (in)volontaires des cadeaux unilatéraux de l'emploi, de la sécurité sociale, de la gratification matérielle ou sexuelle et la plupart de tous les bombardements incessants nous disant comment il nous faudrait regarder, agir, penser. Une mort vivante.


Le pouvoir repose toujours en dernière instance sur le pouvoir de mettre à mort- réellement, par la menace ou encore symboliquement. Et dans le cas moderne le pouvoir opère de façon symbolique par la naturalisation, ou MEDICALISATION de la vie te de la mort. Les sociétés "primitives" ont traité la mort comme une relation sociale, d'où la cérémonie d'initiation ou rite sacrificiel partagé ou socialement la naissance et la mort respectivement. Aucun "individu" ne naissait, ou n'était mis à mort. L'échange symbolique se termine et la disjonction entre la vie et la mort ( un concept de naturalité qui fait juste partie de notre idéalisme scientifique moderne) et donc aussi entre le réel et l'imaginaire. Au lieu de cela nous avons autonomisé la mort en tant que fatalité individuelle, absolvant ainsi la société d'une majeure partie de sa responsabilité.



1 NdT :début du chapitre 'métaphysique du code' in 'L'Ordre des Simulacres', Jean Baudrillard L'échange symbolique et la mort

"Les grands simulacres construits par l'homme passent d'un univers de lois naturelles à un univers de forces et de tensions de forces, aujourd'hui à un univers de structures et d'oppositions binaires. Après la métaphysique de l'être
et des apparences, après celle de l'énergie et de la détermination - celle de l'indéterminisme et du code. Contrôle cybernétique, génération par les modèles, modulation différentielle, feedback(itl), questions-réponses : telle est la
nouvelle configuration opérationnelle ( les simulacres industriels n'étant qu'opératoires) la digitalité est son principe métaphysique,( le Dieu de Leibniz) et l'ADN est son prophète."
(...)
"A ce niveau, la question des signes, de leur destination rationnelle, de leur réel et de leur imaginaire, de leur détournement, de l'illusion qu'ils dessinent, de ce qu'ils taisent et de leur signification parallèle _ tout cela est effacé."

William S. Burroughs _ Apocalypse

Des marins naviguant près des côtes de Toscane ont entendu une voix appeler des collines des arbres et du ciel. Le grand dieu Pan est mort. Pan, dieu de la Panique. La conscience soudaine que tout est vivant et a un sens. C'était le 25 décembre de l'an I.


Mais dans le royaume de l'imaginaire Pan est vivant. Dans l'écriture, la peinture, et la musique. Regardez les Tournesols de Van Gogh qui se tordent de vie prétentieuse. Ecoutez les flûtes de Pan de Jajouka. Aujourd'hui Pan a été neutralisé, enterré dans les livres et relégué au folklore. Mais l'art hors de ses cadres se propage dans les graffiti du métro. S'arrêtera-t-il là?


Prenez une affirmation apocalyptique : rien n'est vrai, tout est permis. Hassan I Sabah, le vieil homme dans la montagne. à ne pas interpréter comme une invitation à toutes sortes de comportement destructifs ou démesurés, épisode d'ordre mineur, suivant son cours. Tout est permis car rien n'est vrai. Tout est faux-semblant... illusion... rêve...art. Quand l'art quitte le cadre et que l'écrit quitte la page, non pas uniquement le cadre physique la page physique, mais le cadre et la page qui réfèrent aux catégories.


Une perturbation simple se produit dans la réalité en elle-même. La réalisation littérale de l'art. Le succès écrira l'apocalypse à travers le ciel. L'artiste vise le miracle. Le peintre est déterminé à ce que ses images se projettent hors du cadre pour mener une vie séparée. Mouvement de l'image au dehors, un accroc dans la trame, et cela suffit pour que commence à percer le pandémonium.


Dernier acte. La fin. Là où tous nous sommes entrés. L'apocalypse finale a lieu quand chaque homme voit ce qu'il voit, sent ce qu'il sent, entend ce qu'il entend. Les créatures de tous vos rêves et cauchemars sont juste là, en ce moment même; aussi solides qu'ils aient jamais pu être ou qu'ils ne seront jamais.


La vitalité électrique des métros carénés stationne, plus vite, plus vite, plus vite, dans le flou, en un éclair. Pan dieu de la Panique hurlant les foules comme des millions de visages lèvent les yeux vers le ciel déchiré. Hors des rails, hors des rails. La planète se dégage dans l'espace détachée de ses carènes et amarres et propulse les villes les montagnes et les mers dans le vide. Tournant toujours plus vite comme jours et nuits passent en un éclair comme des stations de métro. Les cheminées pénis de fer éjaculent des étincelles bleues dans une puanteur d'ozone. Les tunnels mâchent, dent de béton et d'acier, ratatinant les voitures comme des cannettes de bière.


Le graffiti dévore le verre et l'acier comme l'acide, se précipite à travers le ciel dans des tornades de couleurs pourpres. Des cueilleurs de cerise se faufilent dans Wall Street avec des brosses satin aussi grandes qu'une porte, et laissent une vaste carte postale souvenir de leur passage dans le Grand Canyon. Des camions citernes pulvérisent la peinture. Les peintres hors la loi armés de leurs pistolets à peintures peignent tout ce qu'ils croisent et tout ceux qu'ils croisent. Des artistes de la survie, des bombes de peintures accrochés dans le dos, grenades à la ceinture, peignent toute chose tout être humain se trouvant à leur portée. Des aviateurs publicitaires luttent tels des avions de chasse se percutent et explosent. Des antennes téléphoniques dansent des gigues électriques avec des fils de fer tournoyant. Des explosions de néon et des tornades éclaboussent les cités en ruines.


Les volcans vomissent des couleurs en fusion alors que la croûte terrestre se plisse et éclate en pièces de puzzle. Les appareils ménagers se révoltent. Les machines à laver happent les vêtements des invités. L'aspirateur beugle il suce et avale le maquillage les perruques et les fausses dents. Les brosses à dents électriques bondissent dans les bouches qui hurlent. Les sèche-linges font des jardins des déserts de poussière. Le matériel de jardinage se rue dans les gazon parties, empalent les invités tailladés dans le fertilisateur par d'industrieuses hachettes japonaises. Des hordes de plantes bulbeuses difformes jaillissent de leurs os, recouvrent les terrains de golf, les piscines, les country clubs, et les demeures de bon goût.


Dans mon dos de plus en plus vite j'entends toujours " Dépêchez-vous! Surface d'énergie en bas dans deux . S'il vous plaît, il est l'heure, on ferme!"


Les trottoirs et les rues par milliards de pieds et de pneus en éruption rejette des regards des tunnels qui s'en échappent avec une force volcanique. Qu'elle descende jusqu'aux rames de métro carénées de plus en plus vite les stations s'effacent.


Pan fouette les foules hurlantes avec les flûtes de flammes. Des millions de visages lèvent les yeux vers le ciel déchiré. Hors des rails, hors des rails. La planète se dégage dans l'espace détachée de ses carènes et amarres et propulse les villes les montagnes et les mers dans le vide.


Les gratte-ciels grattent des tessons de peinture bleue et blanche du ciel. Les fleuves tourbillonnent de couleur. D'azote les ocres et les rouges dévorent les ponts et tombent dans les fleuves. éclaboussant les couleurs à travers les entrepôts et les digues, les bâtiments et les routes. Déluge d'amocart en moules organiques, remuant les passion de métal et du verre. Poutrelles d'aciers se tordant d'un désir minéral éclatent du béton qui les recouvre. Des murs de verre fondent et brûlent de la folie d'un million d'yeux démentiels. Les ponts se cabrent, voitures et camions plongeant dans les fleuves. Le trottoir court au devant plus vite toujours plus vite encore et toujours plus vite . Surface d'énergie en bas en des rues des trottoirs par milliards de pieds et de pneus. éruptions des regards et des tunnels, échappement avec une force volcanique. Qu'il descende. Pris dans New-York, rencontrez les animaux du village. Le joueur de flûte a tiré le ciel.



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