Thursday, March 01, 2012

J.W. PARSONS: LA LIBERTÉ EST UNE ÉPÉE À DOUBLE TRANCHANT

© The Seventh Ray 1976 - C.R. Runyon – Editor

Note de l'éditeur : Jack Parsons trouva la mort en 1952 dans un accident de laboratoire




Depuis que j'ai écrit cet essai en 1946, certaines de ses prédictions les plus sinistres se sont réalisées. Des fonctionnaires ont été soumis aux indignes "serments de loyauté", et à l'ignominie des purges. Des membres du Sénat américain, couverts par leur immunité et par l'excuse de l'urgence, ont tourné la justice en dérision et ont fait du droit à la vie privée une plaisanterie. L'intégrité de la constitution et la légalité des procédures ont été violées de façon non négligeable, et aux États-Unis ce qui autrefois aurait pu susciter l'indignation, la Cour Suprême refuse aujourd'hui ne serait-ce que d'en débattre.

La voix d'or d'une société autoritaire, qui prétend protéger d'un prétendu socialisme s'appliquant à tout et n'importe quoi, partout s'élève et accapare l'attention avec ce tout qui en découle: confiscation par l'impôt et intrusion de l'État dans les libertés individuelles. L'Angleterre s'est peu à peu abaissée sous le joug d'un régime politique synonyme d'une totale rigidité. L'Autriche, la Hongrie, la Yougoslavie et la Tchéquoslovaquie se sont retrouvées victimes du communisme alors même que les États Unis contractent avec les dictatures corrompues en Argentine et en Espagne.

Au moment où j'écris, le Sénat américain a mis en oeuvre un ensemble d'enquêtes dérisoires, qui portent sur la morale sexuelle privée des individus, et qui ne fera rien d'autre que d'amener de nombreux innocents à une triste et pénible condition.

L'inertie et le consentement qui ont ouvert la voie à la suspension de nos libertés auraient autrefois été impensable. L'ignorance et l'indifférence actuelle sont épouvantables. Le peu de choses qui vaille encore la peine dans notre civilisation et notre culture est rendu possible par une minorité de gens capables de pensée créative et d'action indépendante, assisté à contre coeur par le reste de la population. Lorsqu'une majorité d'hommes ont renoncé à leur liberté, le barbarisme n'est pas loin, mais lorsque la minorité créative a fait de même, l'Âge Noir a commencé. Même le terme de libéralisme est devenu une façade ou une nouvelle forme sociale de la morale chrétienne. La Science, qui à l'époque de HG Wells devait sauver le monde, est matée, intimidée, camisolée; son langage universel en est réduite à un seul mot : sécurité.

De ce point de vue, celui de 1950, certaines de mes paroles portant le plus d'espérance pourraient presque paraître naïves. Je n'ai pourtant jamais eu la naïveté de croire que la liberté, dans tous les sens du terme, ne serait possible pour autre chose qu'une minorité. Mais je persiste à croire que cette minorité, par son sens du sacrifice, sa sagesse, son courage et ses efforts continuels, peuvent réaliser un monde libre et le faire perdurer. C'est un labeur héroïque mais il est possible à faire, avec l'éducation et à l'exemplarité. Ainsi était la foi qui a construit l'Amérique, et elle y a renoncé. J'appelle l'Amérique à renouveler cette foi, avant qu'elle ne succombe.

Nous vivons dans une seule et même nation mais nous vivons aussi dans un monde et un seul. On voit l'âme des bidonvilles dans les yeux de Wall Street, et le destin d'un coolie chinois détermine la destinée des États- Unis. Nous nous pouvons supprimer la liberté de notre frère sans supprimer en même temps la nôtre, et on ne peut assassiner nos frères sans nous assassiner nous-mêmes. Soit nous nous engageons, en tant qu'hommes, à prendre parti pour la liberté et la dignité humaines, soit c'est ensemble que nous retomberons, comme des animaux, à l'état de jungle.

En cette heure tardive, c'est de solutions que nous devons en priorité nous préoccuper. Il semble que nous vivions dans une nation qui ne sait pas, que nous avons ce qu'on nous a dit, et que nous avons ce dont nous parlons. En effet, c'est même bien plus encore. Cet essai est consacré à définir la liberté, à la comprendre, de façon à pouvoir y parvenir et la défendre. Je n'ai pas besoin d'ajouter que la liberté est dangereuse; mais il semble à peine possible que nous soyons tous des lâches.

Chapitre 1


La société, depuis des temps immémoriaux, a accepté l'idée que certains hommes ont été créés pour être esclaves. Leur fonction naturelle était de servir les prêtres, les rois et les nobles, hommes de substance et de propriété qui par Dieu Tout Puissant étaient désignés comme maîtres d'esclaves. Ce système fut renforcé par la doctrine, établie, que chaque homme et chaque femme était par l'esprit la propriété de l'Église, et par le corps la propriété de l'État. Cette situation bien commode était maintenue par l'autorité de la société morale, la religion et même la philosophie.

C'est contre cette doctrine qu'il y a deux cent ans qu'est apparue l'hérésie la plus surprenante que le monde ait jamais connue : le principe du libéralisme1. Ce principe affirmait dans son essence que tous les hommes sont créés égaux et sont doués de droits inaliénables qui appartiennent à chacun de par le droit de sa naissance. Cette idée a attiré de nombreux esprits insoumis - hérétiques, athées ou révolutionnaires - et depuis lors a progressé en dépit de l'opposition d'une majorité de la société civile. Tout comme un slogan, pourtant, ce n'est que par le discours et sans volonté réelle que tous les principaux états ont pu lui rendre hommage; et cependant dans les autorités elle n'est pas du goût de certains, si bien que nulle part elle ne s'incarne en tant que loi fondamentale; continuellement elle est violée que ce soit concernant le fond et la forme, par chaque ruse des bigots et de réactionnaires. Cela va même plus loin, car les groupes totalitaires et absolutistes les plus vicieux utilisent le libéralisme comme couverture avec laquelle ils s'affairent à rétablir les tyrannies ainsi qu'à exterminer les libertés de tous ceux qui s'y opposent.
1 Le libéralisme politique est une doctrine de la philosophie politique américaine, héritage des Lumières
(« Enlightenment ») : à l'époque de Parsons il faut l'entendre de façon plus large que le libéralisme économique, voire entendre dans ce texte le mot libéral certainement dans un sens voisin du mot libertaire.

Ainsi les groupes religieux cherchent-ils à abroger la liberté dans l'art, de même que la liberté de la presse et la liberté d'expression; les réactionnaires agissent pour supprimer la gauche ( le labor*), les communistes pour mettre en place des dictatures – et tout ça, au nom de la « liberté » En raison de la singulière définition donnée à la liberté par ces tyrans camouflés, il semble nécessaire de redéfinir la liberté dans les termes compris par Voltaire, Paine, Jefferson et Emerson.

La liberté est une épée à double tranchant dont l'un est la liberté2, et l'autre la responsabilité. Chaque tranchant est excessivement coupant et l'arme ne convient pas à des mains traîtres, lâches ou désinvoltes.

Puisque toutes les tyrannies reposent sur des dogmes et que tous les dogmes reposent sur des mensonges, il nous incombe de voir au delà, car aussi bien la vérité que la liberté seront bien loin. Et pourtant, la Vérité, c'est que nous ne savons rien...

...Objectivement, nous ne savons rien du tout. Tout système intellectuel de pensée, qu'il s'agisse de la science, de la logique, de la religion ou de la philosophie repose sur certaines idées fondamentales, ou axiomes, posés comme hypothèse mais impossible à prouver. Ceci est le tombeau de tout positivisme. Nous posons des hypothèses mais nous ignorons qu'il existe un monde objectif et réel au dehors de notre esprit. En définitive nous ne savons pas ce que nous sommes ou ce qu'est le monde. En outre, s'il y a un monde réel séparé de nous-mêmes, nous ne pouvons savoir ce qu'il est réellement; tout ce que nous en savons, c'est la façon dont nous le percevons. Tout ce que nous percevons est véhiculé par les sens et interprété par le cerveau. Quels que soient l'exactitude, la sensibilité ou le raffinement de nos instruments scientifiques, les données sont toujours filtrées par nos sens et interprétées par notre cerveau. Quels que soient l'utilité, le caractère spectaculaire ou nécessaire de nos idées et expérimentations, ils ont toujours peu à voir avec la vérité absolue. Une telle chose ne peut exister pour un individu que selon une lubie ou selon sa propre vérité, celle du vécu.

Les sorcières et diables au Moyen Âge étaient réels selon nos standards: des personnes réputées et responsables y croyaient. On les voyait, on observait leur effets et on leur attribuait un corps de phénomènes autrement inexplicables. La majorité des hommes, de haute et basse conditions, acceptaient leur existence sans la remettre en cause. Cette majorité a été et reste sans appel. Pourtant aujourd'hui on ne croit plus en ces choses. Nous croyons en d'autres choses, qui de façon similaire expliquent ces phénomènes. Demain c'est encore en d'autres choses que nous croiront. Nous croyons, mais nous ne savons pas.

Toutes nos déductions, comme par exemple la théorie de la gravitation, reposent sur l'observation de statistiques, de tendances des choses à se produire d'une certaine façon. Même si nos observations sont correctes, nous ne savons toujours pas pourquoi ces choses se produisent. Nos théories ne sont que des hypothèses, aussi raisonnables puissent-elles paraître.

Il existe un type de vérité qui se base sur l'expérience, nous savons que nous avons faim, ou trop chaud, ou si nous sommes amoureux ou non. On ne peut les faire comprendre à quelqu'un qui n'en aurait pas fait l'expérience. On peut les décrire en terme de sentiments voisins vécus par quelqu'un d'autre, analyser leur processus de cause à effet avec des théories, mais ce quelqu'un d'autre ne saura jamais vraiment ce qu'est votre ressenti.


2 Il existe en anglais deux mots pour évoquer le terme de liberté: freedom, qui est plutôt physique ou
psychologique, et liberty, qui est plus abstrait ( sur le plan politique on parle de « individual liberties »
pour parler de libertés individuelles au sens large) et qui désigne plutôt l'absence de contrainte.


Ce sont probablement des considérations négatives que j'ai ici énoncées mais on peut, au sein de leurs limites,
en déduire des principes positifs.
1. Quoi que puisse être l'univers, nous en sommes, par vertu de notre conscience,
soit tout ou partie, mais nous ne savons pas si c'est l'un ou l'autre
2. Aucune philosophie, théorie scientifique, religions ou système de pensée ne peut
être infaillible ou absolu. Ils ne sont que relatifs. L'opinion d'un homme est aussi
bonne que celle d'un autre.
3. Il n'existe aucun justification absolue qui permette de mettre en valeur un mode
de vie plutôt qu'un autre, une théorie individuelle plutôt qu'une autre.
4. C'est le droit de chaque homme d'avoir sa propre opinion et son propre mode de
vie. Il n'est aucun système de pensée humaine qui puisse parvenir à réfuter cette
thèse.

Voilà pour le positivisme mais il reste d'autres problèmes. Il y a la nécessité, la pauvreté et le confort. Si ce ne sont que des illusions elles sont très populaires et c'est une chose commune de les prendre en compte. Nous pourrions dire que la politique se préoccupe de la pauvreté et de la nécessité, tandis que la science se préoccupe, elle, du confort. Ceci ne vise pas à discréditer la raison et la science dans leurs domaines propres. La raison est l'un de nos dons les plus grands, c'est le pouvoir qui nous différencie des animaux, la science est notre outil le plus grand, notre meilleur espoir de pouvoir construire une vraie civilisation. ( Il semble même curieux que ce truisme moderne puisse apparaître, dans ce raisonnement même, comme une concession)

Malgré sa valeur inestimable, la science reste un outil et n'a rien à voir avec la vérité ultime. Là est le danger de la science. Car en tant qu'outil elle a tant de valeur d'utilité et elle est si irrésistible que nous tendons à la considérer comme l'arbitre de l'absolu, qui donne la déclaration finale et irréfutable sur tout. C'est exactement la position que les pédants, les dogmatiques et les matérialistes dialectiques voudraient que nous prenions. Ainsi, se posant comme 'scientifiques' ou en soumettant des doctrines 'scientifiques', ils peuvent nous persuader d'accepter ses valeurs ou d'obéir à leurs ordres. La science d'aujourd'hui se doit d'être libre d'opérer une rupture totale avec son passé, car autrement elle dégénèrera en culte des ancêtres.

Il est nécessaire que nous défendions la liberté, à moins que nous ne voulions tous être des esclaves. Il est indiqué que nous parvenions à la fraternité à moins que la destruction soit notre désir, et il est pratique que nous nous accordions mutuellement la liberté d'avoir sa propre opinion et son propre mode de vie, de façon à ce que nous-mêmes le puissions.

L'individu intelligent ne basera pas sa conduite sur un concept, arbitraire ou absolu, de bien et de mal. On pourrait rétorquer que tous les mobiles et les actions sont égoïstes puisque leur intention est de satisfaire un besoin de l'ego. C'est peut-être vrai du sacrifice personnel, de l'abnégation et de l'altruisme le plus noble. Nous nous y engageons de façon à nous satisfaire nous-mêmes, en atteignant quelque objet aussi intangible soit-il.

L'égo peut être extrêmement vaste. Dans son égo un homme peut comprendre le monde entier, il s'arrange ainsi à racheter ou à sauver cet égo pour nulle autre raison que le plaisir de son accomplissement personnel. Un tel homme, loin d'être altruiste, est extrêmement égoïste. L'artiste dévoué à la production de la beauté à l'état pur s'y consacre par nécessité et par sa nature, au moins un égoïsme de cette sorte n'est pas mesquin. Les motifs de l'amour familial et du patriotisme s'enracinent dans la bigoterie. Cela n'en diminue pas nécessairement ces actions et leurs motifs. Tout dans la nature est beau, et n'en devient pas moins beau lorsqu'on le comprend. Pourtant l'homme non éclairé attribuera à toutes choses des valeurs arbitraires pour protéger et justifier sa position personnelle. Sa morale repose sur des choses dont lui ou quelque autre souhaiterait qu'elles soient vraies. Sa philosophie n'accorde aucune attention à des faits ou des choses relatifs et pourtant dans sa vie quotidienne il doit gérer ces choses-là. Il est par conséquent engagé dans une perpétuelle ronde d'illusions et de faux-fuyants.

De telles justifications sont inutiles à l'homme libéral, éclairé. Il prendra conscience et acceptera cet égoïsme qui est inhérent aussi bien à lui qu'à tout homme. Il pourra comprendre la vie comme technique, celle d'obtenir ce qu'il veut de la façon dont il veut.

Il en va de même pour la liberté. Si nous abrogeons la liberté d'un autre pour parvenir à nos fins, cela compromet notre propre liberté. Cela en est le prix. Si nous souhaitons nous assurer notre liberté, nous devons aussi nous assurer de la liberté de tous les hommes. C'est la technique.

À supposer qu'un homme libéral en venait à développer deux personnalités distinctes, dont l'une exercerait une dictature bienveillante tandis que l'autre poursuivrait son activité de façon libérale, ce ne serait qu'une question de temps avant qu'il ne mette fin à ses jours. La restriction de la liberté de l'autre est au final un asservissement de soi-même et un suicide. Le dictateur est le plus abject de tous les esclaves.

Ces considérations simples sont la base logique de la philosophie du libéralisme. À partir de telles considérations et de bien d'autres, les principes fondamentaux du libéralisme sont apparus comme un code de droits, basiques de par leur nature et clair au delà de tout malentendu possible. Ce code doit être la Loi au delà de la loi, l'expression ultime de la dignité d'un individu et de son inviolabilité. Elle doit se placer au dessus des compromissions propres aux cours de justice et aux avocats, et doit être au delà des lubies du peuple et de la tricherie des démagogues. Ce doit être le modèle de l'aspiration de l'homme à la liberté et à l'auto détermination, un canon si sacré que sa violation par un état, un groupe ou un individu est une trahison et un sacrilège. Le Bill of Rights dans la constitution américaine a été un pas dans la bonne direction et son étude indiquera les développements ultérieurs. Dans un monde à tel point menacé par le positivisme et le paternalisme cette doctrine est limitée à la fois dans sa vision et ses application. Elle permet à l'état des violations de la liberté comme, récemment la Prohibition, la loi de conscription, la loi Mann3, le Closed shop4 ,les lois de censures et anti armes à feu, les lois de discriminations raciales.

On a affirmé à juste titre que c'est la Cour Suprême qui peut dire ce que signifie la Constitution. Un document aussi fondamental que le Bill of Rights ne peut se voir remis en cause par des interprétations arbitraires. Il ne devrait nécessiter aucune interprétation. Il doit s'appliquer de la même façon dans l'état fédéral, les états, les régions, les municipalités, les agences officielles et dans la sphère privées par les citoyens dans leur provinces.



Il doit s'appliquer de manière à ce que les individus ou les minorités n'aient pas à devoir élaborer des

3 qui interdisait la circulation des prostituées entre états
4 obligeait les patrons à n'employer que des travailleurs syndiqués

procédures longues et coûteuses pour protéger ces droits. C'est le devoir de l'état de procurer ces moyens à tous de la même façon.
La liberté ne peut être sujette à des interprétations arbitraires ou fausses. Elle doit inclure tout entière la liberté contre les persécutions basées sur des raisons morales, politiques, économiques, raciales ou religieuses. Aucun homme, aucun groupe ni aucune nation n'a de droits sur la liberté individuelle de quelqu'un. Aussi pure qu'en soit la cause, quelque importante en soit l'urgence ou grand le principe, une telle action est tyrannique et ne peut trouver aucune justification.
La question est : sommes-nous capables d'affronter les conséquences de la démocratie? Il ne suffit pas d'assurer la liberté par des moyens purement négatifs. la liberté est insignifiante là où son expression est contrôlée par des groupes aussi puissants que la presse, la radio, l'industrie cinématographique, les églises, les politiciens et les capitalistes. Il faut assurer l'existence de la liberté.

On ne peut l'assurer que par l'allégeance aux principes que l'homme est doté de droits inaliénables, parmi lesquels les droits:
- de vivre sa vie privée, à partir du moment où elle ne concerne que lui, de la manière dont il l'entend
- de pouvoir boire et manger, se vêtir, vivre et travailler où il le veut et comme il le veut.
- de pouvoir s'exprimer, parler, écrire, publier, expérimenter, et autrement, créer comme il le désire.
- de choisir son travail, de choisir quand et où il l'exerce, et ce pour un salaire raisonnable et approprié.
- de pouvoir payer sa nourriture, son abri, ses besoins sociaux et tout autre confort et service nécessaires
à son existence et à l'expression de lui-même et ce à un prix approprié et raisonnable
- de pouvoir bénéficier d'une éducation et d'un environnement décents et ce jusque sa majorité
- d'aimer comme il le désire, en ayant choisi, où, comment et qui et uniquement en fonction de ses désirs
et ceux de son partenaire
- de jouir de ces droits positivement et comme il l'entend, sans interdictions d'une part ni obligations d'autre
part
– pour finir, de façon à protéger sa personne, ses biens et ses droits, on devrait avoir le droit de tuer un
agresseur si cela est nécessaire. C'est l'enjeu du droit à porter une arme à feu .5


Ces droits exigent en retour certaines responsabilités. L'homme libéral qui les accepte doit pouvoir garantir ces droits à tous et tout le temps sans considérer ses intérêts et sentiments personnels. Il doit travailler à leur mise en place et leur protection, vivre d'une manière qui leurs soit appropriée et être prêt à les défendre avec sa vie. Il doit refuser tout allégeance à un état ou une organisation qui nierait ces droits; ainsi qu'il devrait apporter son aide et ses encouragements à tous ceux qui, sans équivoques ni qualification pour cela, les ont approuvés. Il doit refuser de compromettre ces principes quelque soient les raisons ou la situation. Ceci qui est ni plus ni moins un engagement assurera la survie de la liberté, ou de la démocratie elle-même au sein de la société. Non seulement le libéralisme est un code pour les individus et leurs états, mais c'est surtout la seule base possible

5 deuxième amendement de la constitution américaine d'une future civilisation

dans un perspective internationale. Pourtant, ces principes ne seront qu'une rhétorique à moins que ceux à qui ils s'appliquent ne les révèrent et ne les protègent. Il se doivent d'être interprétés et appliqués avec compréhension et compassion, avec humour et tolérance. La prétention; la sentimentalité ou l'hystérie ne sont pas requis pour les appliquer et les défendre. Les insupportables démagogues armés de leurs grands principes sont déjà assez nombreux comme ça.

On doit également comprendre qu'il nous est impossible de forcer quelqu'un à bénéficier de ses droits. Tout homme a le droit d'être un esclave si c'est son désir. S'il n'affirme pas ses droits ni ne les défend il mérite cet asservissement. La personne qui se trouve tyrannisée par sa famille, ses pairs, par l'opinion publique ou la mentalité esclave, s'il soit libre de laisser ces influences ou de la combattre, a la condition qu'il mérite. Ses protestations sont celles d'un hypocrite.

La liberté, comme la charité, commence par soi-même. Nul homme ne mérite de se battre pour la cause de la liberté à moins qu'il n'ait déjà vaincu ses besoins intérieurs. Il doit apprendre à contrôler et discipliner les passions désastreuses qui le mèneraient à la folie et à la ruine. Il doit vaincre la colère et la vanité démesurées, son dépit de lui-même, sa peur et ses inhibitions. C'est là le matériau brut de son être.

Il doit fondre ce minerai dans le feu de la vie, se forger sa propre épée, la tremper et l'aiguiser contre la substance dure et abrasive de l'existence. C'est seulement là qu'il sera à même de porter les armes dans un combat plus vaste. Il n'y a aucun substitut au courage, et la victoire est pour les grands de coeur. Il n'aura rien à faire avec l'ascétisme, ou avec les excès de faiblesse. Son mot d'ordre sera l'expression de soi même, qu'il mènera à bien avec force et conviction. La première chose qu'il doit savoir est comment se diriger lui-même.

C'est seulement à ce moment là qu'il peut faire face aux pressions économiques employées par les institutions et les entreprises ou aux pressions politiques employées par les démagogues.

Un tel homme pourrait alors connaître une situation extrêmement difficile. S'il se désigne lui-même comme libéral on supposera qu'il s'engage à une politique d'accommodation avec le gouvernement russe. S'il s'oppose à une politique pro-soviétique il est le bienvenu dans le camp de l'Église catholique ou des Associations d'ouvriers. S'il s'abstient d'appartenir à un camp ou à un autre, on le condamne pour manque de principes. S'il vient à défendre les droits des travailleurs et des minorités ou groupes raciaux, c'est un Rouge. Si en même temps il a une croyance en les droits individuels et en le gouvernement constitutionnel, c'est aussi un fasciste.

Cette situation est familière pour de nombreux libéraux, mais peu d'entre eux, semble-t-il, en ont tiré des conclusions. La difficulté majeure réside en une confusion entre les droits de l'individu par rapport à la responsabilité de l'état. Triste commentaire sur nos mentalités, de savoir que le réformiste social souscrit à une réglementation totale tandis que l'individualiste auto proclamé fait de la propagande pour une totale irresponsabilité. Les droits de l'individu peuvent se définir de façon claire. Ses responsabilités vis-à-vis de celles de l'état peuvent se définir de façon claire. Les droits de l'individu s'arrêtent là où commencent ceux d'un autre individu. C'est la fonction de l'état d'assurer à tous les mêmes droits. Seulement en l'absence d'un dévouement de la société aux véritables principes du libéralisme, ce sont les positivistes qui se sont emparés de ce nom et même de ses formules dans la propagande de leurs totalitarismes variés. Ce processus s'est vu encouragé par des factions d'un pseudo libéralisme qui croit que toute opinion contraire à la sienne se doit d'être éradiquée.
Lors même que j'écris, des groupes qui se proclament libéraux militent pour l'interdiction des forums publics de ceux qu'ils appellent des fascistes. Certaines sociétés américaines luttent pour la suppression de la littérature et de toute expression jugée rouge ou communiste. Des groupes religieux, appuyées par une presse publique consciencieuse n'ont de cesse de mener des campagnes pour prohiber tout art et toute littérature qu'ils ont qualifié, comme par une prérogative divine, d'indécents, immoraux ou dangereux.

Ils semblerait que toutes ces organisations sont vouées à une cause commune, à savoir la suppression de la liberté. Leur sincérité n'est aucunement une excuse. L'histoire est un testament sanglant qui montre à quel point la sincérité peut accomplir des atrocités que le cynisme pourrait à peine se représenter. Chacun de ces groupes est impliqué dans une lutte frénétique pour liquider, trahir ou détruire la liberté qui a permis leur existence et leur qui seule leur permet de perdurer.

La liberté est une arme à double tranchant. celui qui croit en l'absolue justesse de sa croyance est une autorité destinée à supprimer les opinions et les droits de ses prochains, et ne peut être libéral. Le libéralisme ne peut exister là où il viole ses propres principes. Il ne peut exister là où il est possible au marchand d'urgence et aux VRP de l'utopie d'obtenir une suspension des droits, que celle-ci soit provisoire ou permanente. La liberté ne peut être supprimée sous prétexte de défendre le libéralisme.

Si nous voulons accomplir la démocratie, les droits des individus et les responsabilités des états doivent être définies ouvertement et défendus ardemment. Il est inconcevable que des hommes qui ont combattus et sont morts dans une guerre contre le totalitarisme n'aient pas su pour quoi ils combattaient. Cela ne semble rien d'autre qu'une formidable blague, que les institutions qu'ils ont défendues et en lesquelles ils ont pu croire se soient transformées, comme dans un cauchemar, en tyrannies conçues maison. Toute une génération s'est éteinte dans le sang et l'agonie, mais le mal qui menace ce monde n'a toujours pas été vaincu, et fomente d'autres sacrifices de misère et de sang. La culpabilité n'en revient pas uniquement aux ploutocrates, aux démagogues, et aux marchands de guerre. Si un peuple donne son aval à l'exploitation et à la surreglementation pour quelque but que ce soit, alors celui-ci a mérité son asservissement. Le tyran ne fait pas à lui seul la tyrannie. C'est par le consentement du peuple qu'il devient possible et pas autrement.

Une grande partie de la pensée moderne qui est la nôtre se caractérise par la prétention et la fuite, par le recours aux autorités ultimes qui ne sont pas libérales, mais qui sont réactionnaires et superstitieuses. Souvent nous ne sommes pas conscients de ces processus de pensée. Nous acceptons, idées, autorités, formules d'accroches sans nous poser le problème de penser ou d'analyser celles-ci; et pourtant ces choses peuvent occulter de terribles pièges. Nous sommes bienveillants envers l'homme qui est pour le libéralisme, contre le communisme, sans faire l'effort de savoir ce pour quoi ou contre quoi il est réellement. dans cet aveuglement nous nous abandonnons à l'exploitation, la surréglementation et à la guerre.

De tumultueux développements concernant la science et la société exigent une clarté nouvelle de la pensée, un réexamen et une reformulation des principes. Il n'est pas suffisant qu'un principe soit sacré parce qu'il a la valeur de ses années. Il doit être examiné, testé et passé au crible de nos besoins actuels. Dans la législation, les liens sociaux et la diplomatie qui sont les nôtres, nous sommes coupables de myriades de barbarismes et de superstitions. Aucune civilisation véritable n'est possible sans cette liberté et aucun état, national ou international, n'est stable en son absence. La relation en elle-même entre la liberté individuelle d'une part et la responsabilité d'autre part est l'équilibre qui assure une société stable .La seule autre route vers l'équilibre social exigerait a totale annihilation de l'individualité. On ne peut plus échapper à cet ultimatum immémorial de la nature : changer, ou périr, mais c'est à nous qu'appartient le choix de changer.


Chapitre 2


De tous les pouvoirs terribles et étranges au sein desquels nous évoluons, le sexe est le plus puissant. Conçus dans l'orgasme de la naissance, nous nous projetons hors du Centre de Création dans l'agonie et l'extase. Il ne s'agit que de temps avant que nous ne retournions vers cette fontaine, que nous nous perdions dans le feu de l'être que pour un moment nous soyons unis à cette force éternelle et revenions renouvelés et rafraîchis comme par un sacrement miraculeux. Alors, enfin, notre vie se referme dans l'orgasme de la mort. Le sexe, caractérisé comme amour, est au coeur de tous les mystères, au centre de tous les secrets. C'est le splendide serpent subtil enroulé sur la croix et lové dans l'éclosion de la rose mystique.

La perversion sexuelle du Christiannisme devient évidente lorsqu'on réalise que le "Saint esprit" la Sophia, est féminin. Le tétragrammaton lui-même, yod hé vau hé, signifie Père Mère Fils Fille et affirme la splendeur de l'ordre biologique. Comment la vie pourrait-elle procéder d'une création qui serait strictement masculine? Quel plus grand miracle que celui de la copulation, la conception et la gestation? Chez un Jehova corrompu et démoniaque, la prêtrise est un blasphème à la nature, destinée à un patriarchat tyrannique et superstitieux. Avec la calomnie de l'Immaculée Conception, la femme a fait l'objet d'une insulte et d'un affront _ et puis la primauté a été placée par ces marchands de mystère sur une stérilité spirituelle et morale. Cette sublimation des besoins sexuels a été la base du pouvoir de l'église et l'origine d'une bonne part des psychoses qui sévissent dans le monde moderne.

Il a été affirmé que l'église avait été championne du progrès et de la liberté _ rien ne saurait être moins vrai le christianisme organisé a inévitablement été un allié de la tyrannie, de la persécution et des réactionnaires. Aucun dogme organisé ne peut contribuer au progrès, excepté occasionnellement et par accident. La principale contribution de l'église a été de provoquer involontairement des révoltes contre sa bigoterie. Comment pourrait-il en être autrement, avec une organisation fondée sur une double tromperie : le sexe comme péché et l'infaillibilité humaine. Aucune religion ne peut espérer être bénéfique pour l'humanité lors qu'elle prêche l'amour en avilissant les racines de l'amour. Quiconque espère comprendre et faire avec les relations humaines doit comprendre l'importance du sexe, le fait qu'il soit surestimé ainsi que l'importance qui lui est conférée dans la société.

Le symbolisme sexuel et ses concepts sous-tendent toute religion qui soit au monde. Comme je l'ai déjà évoqué, c'est la sublimation sexuelle qui est la source du pouvoir des églises du Christianisme. Le sexe et ses névroses sont des facteurs fondamentaux dans l'attitude de l'homme moderne. De ces trois choses, il s'ensuit que le sexe a une place de première importance dans notre examen libéral de la société.

Nos attitudes sexuelles se caractérisent largement par les prétentions ou les prétextes. Une majorité des moins de cinquante ans a déjà connu à un moment ou à un autre, ce qu'on appelle des rapports illicites _ pourtant publiquement nous prétendons ne jamais l'avoir fait. Certains d'entre nous vont même jusqu'à affirmer que nous ne le faisons pas, ne le ferions jamais et désapprouvons les criminels du genre à faire ça. Les policiers qui arrêtent ceux qu'on découvre, les juges qui les poursuivent sont les mêmes qui s'y adonnent. Jouir d'un besoin naturel est défini comme crime. les jeunes qui le font dans l'émerveillement des commencements sont accablés par les sentiments de culpabilité et de honte. On les catégorise comme le commun des criminels _ pour quelle raison?

La réponse, toute empreinte de honte est qu'avant, au Moyen Âge, en des temps sordides d'ignorance, d'oppression et de superstitions, le tabou sexuel est devenu l'un des principaux instruments de l'arsenal d'une bande de brigands connue sous le nom d'Église chrétienne. C'est la raison pour laquelle on catégorise les gens amoureux comme des criminels. Les maladies vénériennes abondent, et résultat inévitable,les avortements prospèrent. La superstition qui a nourri cette condition de honte n'est absolument plus dominante à l'heure actuelle, mais l'institution qui a pu promouvoir la croyance que le corps humain était obscène, l'amour, indécent et la femme, souillée par le péché originel continue à modeler nos pensées et à donner forme aux lois. Il est tout-à-fait significatif que les héritiers spirituels ou physiques de l'église catholique et aussi de l'église protestante, s'oppose vigoureusement et activement aux pratiques de contraception, à la prévention des maladies vénériennes, aux réformes des lois sur le divorce; c'est-à-dire à tout ce qui serait à même d'être une limite au pouvoir de leur arme.

Si ce n'était que parmi leurs croyants que les chrétiens avaient mis en place ces tabous ce serait encore leur droit. Tout homme a le droit à sa stupidité personnelle aussi monstrueuse puisse-t-elle paraître; mais là n'est pas leur préoccupation principale. Ils cherchent à imposer leurs absurdités à tout le monde et par tous les moyens d'intimidations légale, morale et économique dont ils disposent. Le succès de leurs efforts, on peut en juger de par les reflets de telles attitudes dans la presse, la radio, l'industrie du cinéma et les statuts de nos lois. En vrai fasciste le censeur instrumentalise sa victoire morale de façon à imposer une censure politique et économique dans tous les autres domaines. Les démagogues et les bigots invoquent le droit divin de la religion et de la moralité pour obtenir un pouvoir extraordinaire. La liberté religieuse et la liberté de la presse ne devraient pas permettre de justifier de gigantesques campagnes de propagandes destinées à supprimer la liberté. Non seulement nous nous devons d'avoir la liberté religieuse, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion.

L'idée que le sexe dans l'art, la littérature et dans la vie soient objet de crime aux yeux de la loi, repose intégralement sur cette superstition du tabou sexuel. Le pouvoir de censure de l'église, de l'état et des grands organes de presse n'est fondée que sur cette seule supposition: le tabou d'une religion en particulier devrait donner lieu à une sanction légale universelle. Une fois cette sanction établie, ce qu'elle implique s'étend subtilement à ce que chacun des autres dogmes de cette religion représente la loi non-écrite du pays. Une telle religion, toujours conservatrice et respectable, forme des alliances avec les cliques fascistes et capitalistes, obtenant ainsi une position privilégiée à partir de laquelle le libéralisme sous toutes ses formes est persécuté. La superstition, les tabous, la réaction et le fascisme forment un système qui s'auto-alimente très efficacement. Et le fait que chacun des totalitarismes persécute l'autre _ du moins à ce qu'il semble _ pallie à peine à cela.

L'homme moderne doit admettre la source et la nature de ses tabous sexuels et les discréditer à la lumière du vrai. C'est seulement là que sa sexualité sera saine et qu'il aura un regard sain sur la vie en général.

Dans notre société les considérations économiques sont un frein pour les mariages précoces, c'est pourquoi les relations sexuelles avant le mariages sont naturelles et souvent désirables. La contraception, disponibles chez un pharmacien ou un docteur par n'importe quel jeune personne douée d'un peu d'intelligence, peut minimiser le problème des maladies vénériennes ou de grossesses non désirée. Développer la technique sexuelle, Déterminer les aptitudes de son partenaire et laisser les jeunes remplir leur besoin d'expérimenter ce qu'ils veulent, tout cela assure une durée et une stabilité du mariage, vis-à-vis de celui débuté dans l'ignorance et la pruderie. Dans le mariage lui-même le contrat social est respecté. La propriété acquise conjointement par les efforts du mari et de la femme appartient aux deux en même temps. Si deux personnes se sont prêtées serment de leur amour, aucun élément extérieur n'a le doit d'interférer. Il serait justifié que l'une ou l'autre des parties résiste à toute intrusion par la force si cela est nécessaire. Mais, que la relation soit le fait d'un mariage ou non, aucune des partie n'a de droit ou de juridiction sur l'amour, l'affection ou les faveurs sexuelles de l'autre si celui-ci ne le désire pas.

Lorsqu'il y a des enfants la séparation pose de sérieux problèmes. Les foyers brisés sont difficiles à vivre pour les enfants mais un foyer dénué d'amour et de douceur est encore pire. Il n'est en le pouvoir d'aucun état de garantir à un enfant l'affection de ses parents, mais il peut assurer sa sécurité et son intégrité physique, le protégeant ainsi durablement contre nombre des frustrations de l'enfance et de l'adolescence qui seraient à même de se transformer en comportements adultes instables et inadaptés. Les lois contre l'union sexuelle librement et mutuellement consentie doivent être abrogées, en même temps que celles qui interdisent le nudisme, le contrôle des naissances et la censure. Nous devons catégoriquement refuser d'admettre que l'amour serait criminel et le corps humain, indécent. Nous devons affirmer la beauté, la dignité, la joie et même l'humour du sexe.

Certaines choses en effet sont obscènes dans la lumière ou les ombres ; des choses qui ne méritent que la destruction _ l'exploitation des femmes pour des salaires misérables, les humiliations dégradantes infligée aux minorités par une petite bande de salauds qui se présentent comme des "membres de la race supérieure", et une machination délibérée vers la guerre. Dans ces obscénités véritables il n'est aucune place pour l'amour partagé par les hommes et les femmes. Il y a des pêchés mais l'amour n'en est pas un, et pourtant, de tout ce qui a été désigné comme tel, l'amour est ce qui est le plus persécuté et le plus puni. De toutes les beautés que l'on connaît, le printemps de l'amour est l'une des plus proches du paradis. Et comme tout passe, l'amour finit par passer aussi _ trop vite. L'émotion humaine la plus exquise et la plus tendre, ce petit moment d'éternité, devrait être libre et non restreint. Il ne devrait pas être acheté ni vendu, enchainé ou limité au point que les amants, pris dans le maelström des contraintes économiques et législatives, soient pourchassés comme des criminels. Quelle fin remplit une telle cruauté et à qui cela profite-t-il? Uniquement aux prêtres et aux avocats. Adhérons à une moralité stricte qui se préoccupe des droits et du bonheur des gens. Appelons-les par leurs noms, nos vrais péchés, et expions-les comme il se doit; mais laissons les amants libres.

Si l'on veut parvenir à une civilisation saine, il faut instituer un programme d'éducation à l'amour, d'éducation à la contraception et au contrôle des naissances. Nous devons avant tout déraciner le principe vicieux et barbare de honte et d'indécence relatives au sexe, en exposant et expliquant les motifs et les méthodes de ses partisans.

Heureux sont les parents, qui ayant eu les expériences sexuelles qu'ils voulaient, s'entendent très bien, prennent chacun de la joie à la passion de l'autre, voyant dans leur nudité la beauté et ne craignant pas de se montrer leurs corps ou de montrer le corps des enfants. Jamais n'inculqueraient-ils la honte aux enfant concernant leur curiosité sexuelle naturelle.

Jésus parla ainsi à la "femme déchue" : "Va et ne pêche plus." Mais moi, qui suis un homme, je vous dis à vous qui avez livré vos corps aux besoins des hommes, qui avez livré votre amour à son esprit : "Sois bénie au nom de l'homme. Et si un dieu te refusait pour cela, je refuserais ce dieu."

Vivant simplement et sans péché originel, les Anciens ont vu la déité dans l'acte d'amour, et c'est ainsi qu'ils ont vu un grand mystère, un sacrement qui révélait la générosité et la beauté de la force qui a fait l'homme et les étoiles. Telle était leur vénération. Pauvres païens vieux et ignorants! Comme nous avons progressé! Ce qui était pour eux le plus sacré nous le voyons nous comme une sale plaisanterie. De ce sordide tour que nous nous sommes joués à nous-mêmes, seul la Femmes elle-même peut nous en sortir. Elle qui a été visée par cet ignoble canular, elle qui a été la cible de la malice et de l'arrogance, et le bouc émissaire de la culpabilité masculine et ses infériorités. elle seule peut nous sauver de nos crucifixions et nos castrations. Seule la femme, qui est elle-même pour elle-même, peut couper court aux frustrations malades des idéaux des publicitaires. Elle doit s'élever dans la splendeur de son image de force et de liberté, gagner sa place au soleil en tant qu'individu, amie et compagnon approprié, et ne demandant rien de moins que des hommes vrais.

Mettons fin aux inhibitions et à la prétention. Découvrons ce que nous sommes et vivons-le, honnêtement et sans honte. Le lapin a la vitesse pour compenser à sa peur, la panthère a sa force pour assagir sa faim. Il y a de la place pour les deux, même si sans doute le lapin préfèrerait-il un monde de lapins, terne et surpeuplé.
Tous les sentiments sont utiles, la colère, la peur, l'envie et même la paresse_ s'ils sont équilibrés par l'habileté et l'intelligence. C'est en nous mentant à nous-même qu'en appelant nos péchés et nos faiblesses nous disons que c'est mal et que c'est mauvais, en refusant d'admettre que ces fautes pourraient faire partie de nous, alors ils agissent dans l'ombre. Mais au moment où on les a reconnus ouvertement, en les admettant, en les acceptant et en s'y confrontant; alors ce dont vous avez honte, c'est de laisser un secret vestige de ces tendances vous assaillir et vous déstabiliser . Dans l'adversité la peur a le pouvoir de venir aiguiser la sagesse. La colère et la force peuvent être fondues en une épée contre les tyrannies, extérieures ou intérieures. On peut entraîner le désir à servir l'amour et l'art par sa force et sa subtilité.

Il n'est pas nécessaire de nier quoi que ce soit, mais il est nécessaire de nous connaître nous-mêmes. Nous rechercherons ensuite de façon naturelle ce qui est nécessaire à notre être. Notre sens profond ne repose pas sur la façon dont nous ressemblons ou différons des autres. Il repose sur notre faculté d'être nous-mêmes. Ce pourrait être l'objet de toute la vie, de nous découvrir nous même, de découvrir notre sens. Cela n'arrive pas dans une soudaine explosion d'illumination, mais par un processus continuel et constant qui dure aussi longtemps que nous sommes vraiment en vie. Ce processus se développe librement si nous sommes capables de vivre toutes les expériences et déterminés à participer à l'existence dans son ensemble. Alors ce qui est important n'est pas de savoir " est-ce que c'est bien?" ou "est-ce que c'est mal?", mais " qu'est-ce que ça me fait ressentir?", "quel sens ça a?" Ce sont finalement les seules questions qui peuvent approcher de la vérité mais on ne peut pas les poser en l'absence de liberté.

Ces questions furent un jour murmurées à l'ombre du bûcher. Aujourd'hui ce n'est plus la sanction qu'ont pu utiliser les églises chrétiennes en tant qu'instrument de conversion, mais les manipulations et la malveillance demeurent et continueront jusqu'à ce que soit brisé le pouvoir des marchands de superstition. Parallèlement le dogmatisme religieux continue à encourager les jalousies sexuelle de parents névrosés pour leurs enfants et les mariages entre conjoints névrosés. Ce n'est pas juste le désespoir économique et la misère qui soumettent le monde aux assauts du crime et la guerre, qui vont toujours s'amplifiant. Il suffit simplement de se souvenir du Moyen Age, des temps où la danse de saint Guy, les flagellations et les persécutions pour sorcellerie qui toutes se sont écloses de la culpabilité et de la honte chrétiennes et ont balayé le monde occidental. C'était là le ton que donnaient ces évènements effroyables, en renforçant ainsi le droit divin des monarques réactionnaires, ceux-là même qui ont produit les révolutions libérales du 18ème siècle. Mais la racine, le tabou sexuel, n'avait pas été détruite. Il s'est perpétué en revitalisant le pouvoir de la religion dans la nouvelle bourgeoisie.

La haine frénétique des "juifs " et des "nègres" ( symboles de liberté sexuelle illicite) et l'attrait pour la guerre et ses bains de feu et de sang, montrent bien les aberrations même provoquées par la frustration sexuelle. Ce sont les cauchemars des âmes dans l'enfer de la culpabilité, s'acharnant comme des aliénés sur leurs instruments de destruction en vue de détruire le monde qui s'est opposé à leur satisfaction. Il ne sera possible d'élaborer des relations sociales évoluées qu'en laissant l'exercice de la fonction sexuelle libre de contrainte par une génération formée dès la jeunesse aux techniques de l'amour et à la contraception.

Dans ce délire puérile de possession sexuelle, chacun, homme ou femme, hait et craint tout autre homme ou toute autre femme en tant que menace potentielle ou ironie des spectres immanents de jalousie et de suspicion. Il est possible que l'application des deux vieux axiomes " d'aimer son prochain" et de " faire à l'autre ce que vous voudriez qu'il vous fasse" peuvent amplement nous aider à résoudre les problèmes sexuels. Appliquer ces maximes dans la sexualité est facile et agréable. Si ces principes sont fortement ancrés ils peuvent rayonner dans d'autres domaines des relations humaines. La révolution sexuelle ne produira aucun paradis immédiat et ne pourra se produire sans larmes. La route qui fera changer les discriminations raciales est longue et douloureuse mais il est au moins possible d'atteindre cette richesse et cette maturité accompagnant une expression sexuelle entière et satisfaisante dans la vie privée. Il se peut qu'au fil des années ce soient d'autres considérations qui deviennent plus importantes, mais il me serait impossible de me dire avec certitude à quel âge cela arrive. Il ne semble pas possible de pouvoir vieillir avec grâce si l'on a pas connu une jeunesse pleine de grâce.



Chapitre 3

Il n'existe aucune preuve qui pourrait montrer que l'homme et tout son attirail aient été créés pour servir à Dieu de vice-régent sur Terre. Il n'y a aucune raison de croire que l'homme est ou ait été par nature gentil et bon, sage et courageux . Beaucoup de choses montrent au contraire qu'il a été une bête sauvage ayant emprunté une route étrange dans la jungle et qui errait assez maladroitement dans un monde mental dans lequel il n'était certainement pas chez lui.

Tout nous prouve que l'homme par nature est cruel, lâche, envieux, radin et traître. Il doit veiller sur l'espace de ces terribles ennemis intérieurs et se défendre contre les autres prédateurs (les autres hommes) par la vertu desa férocité, sa ruse et sa volonté indomptable. Là il y a sa beauté et son sens : à partir des forces primordiales
du sexe et de l'instinct de survie, il a forgé la raison et la science, en tissant des réseaux d'amour et d'art pleins de splendeur. S'il n'existe aucune autre raison et aucun autre sens, l'homme a pu créer d'autres sens et d'autres raisons en se positionnant sur l'artisan de ses dieux dans un jardin rendu fructifère par son propre pouvoir de création.

Dans la façon dont nous pensons, il y a nous-même relativement à l'univers extérieur. On ne peut cependant pas démontrer que l'univers extérieur est autre chose qu'une extension de notre propre perception. Mais même si nous distinguons ce qui est interne de ce qui est externe, nous faisons nous-mêmes partie de ce processus de la nature dans son ensemble. Nous sommes fait de la nova et partant du soleil nous nous sommes construits dans l'air, le roc et la mer, animés par le feu primordial de la vie. Dans notre conscience il y a des filaments qui remontent à l'ancêtre premier et s'étendent jusque tous les autres hommes, et tout le reste de la vie avec laquelle nous partageons une origine et une destinée communes.

Là est la totalité que les grecs appelaient "PAN", qui dévore tout, qui engendre tout - la vie et la mort, le bien et le mal, la douleur et le plaisir, l'unité, la dualité et la multiplicité toutes choses et au delà de toutes choses. Âme de la Nuit et des Étoiles.

Si par nos peurs et nos folies nous assignons des qualités morales à la lumière qui jaillit, à l'étoile qui brille, au tigre qui tue, et alors ensuite nous n'hésiterons pas à les associer à la femme qui donne, et à l'homme qui prend. Ayant défini dieu nous aurons fondé une religion. C'est alors l'univers vivant que nous dégradons, soit en le rendant un personnage barbu et irascible, doué d'immortalité et d'omnipotence et d'une haine pour nos ennemis, soit comme ces amoureux de la nature qui attrapent des rhumes en communiant avec le "tout" la nuit dans les parcs, on plonge dans le bain fumeux de différents systèmes de " science religieuse", en route vers la catalepsie du Moyen Âge.

Toute la Nature participe des sacrements éternels de la vie et de la mort, de flux et de reflux, de création, destruction, et de régénération. Là sont les harmonies de l'éternité, en perpétuelles transformations et pourtant toujours les mêmes. Le cri du bébé est écho du tumulte de la nova. Hommes soleils et saisons s'éteignent pour reparaître à nouveau. Le jaillissement de semence ne fait qu'un avec ce jet d'étoile connue sous le nom de voie lactée.

L'esprit qui comprend ces processus immortels dans l'amour et dans le rituel est un esprit immortel qui s'élance au delà du temps et de la mort. Notre ère ne fait qu'une avec celles d'Eschyle et Sophocle et celle de Shakespeare, notre sang ne fait qu'un avec celui de Moïse, Lao Tseu et Newton. Le corps change et décline, alors que le temps cocufie toutes les formes du désir ainsi que toute chose éphémère. Mais toutes éphémères qu'elles soient, les formes du désir sont le véhicule même de l'aventure de l'homme. L'homme ne peut s'accomplir en les niant, mais en les fortifiant - en les entrainant et en les bridant, avec l'amour et la volonté créatrice, jusqu'à ce que leurs ailes se révèlent. Le sexe et la faim sont le matériel brut de l'art. A partir de sa passion, sa fureur et son désespoir l'artiste transmute la terreur et l'émerveillement en beauté éternelle.

Toutes les voies sont les bonnes lorsque l'amour et la volonté sont les guides. La générosité et la grâce de la vie sont libres pour tous ,saints ou pécheurs, si c'est leur désir. La voix du vent, l'âme poignante de la musique, le cri du tonnerre, tous s'expriment dans appel à l'homme, en le défiant de se connaître lui-même. La lumière du soleil, la mer, les étoiles et la splendeur d'une femme nue , tous sont les signes et témoins d'une alliance qui existe pour toujours. Nous savons ces choses, nous les savons avec la seule certitude qui nous est donnée. C'est la connaissance, belle et pitoyable, de l'enfance et de la première jeunesse _ que le monde nie et que la nécessité met en échec. C'est la connaissance des poètes, artistes et chanteurs, que l'humanité adore et met au ban, ainsi que celle des mystiques que le monde appelle "fous".

Et l'homme, dans son auto-castration et son auto-frustration, qui s'enfuit à travers les corridors du cauchemard, poursuivi par des machines monstrueuses, dépassées par des pouvoirs sataniques, hanté par de vagues culpabilité et par la terreur - tous conçus par sa propre imagination. Il s'échappe dans l'absurdité, noie son esprit dans la prétention, voue un culte à des dieux de pouvoir en cuivre et des dieux de succès en étain. Puis, honteux de sa prétentieux et frustrés de ce déni de lui-même, il projette cette horreur qui le traverse sur des ennemis imaginaires; cela le soulage de chercher des bouc émissaires et de faux problèmes, ce qui est comme une auspice à ces dieux de bestialité qui sont apparus à partir des eidolons dévastés de son esprit lors des sacrifices de sang.

Rien n'est par nature mauvais - et rien par nature n'est bon. Le mal est juste de l'excès: le bon est simplement l'équilibre. Tout peut faire l'objet d'abus et de la même façon tout est susceptible de trouver une utilité. L'équilibre ne se trouve pas dans le déni ni dans l'adhésion à ces excès. L'équilibre ne peut être atteint que par l'excès. Les forces élémentales en la nature humaines sont si gigantesques, qu'elles ne s'équilibrent qu'au travers d'une expression ultime d'elle-mêmes. Placer des limitations et des restrictions à cette nature c'est comme construire un mur de plâtre autour du soleil : ce n'est pas en attachant les aigles d'un aigle ou en nourrissant un lion de carottes que l'on améliorera l'une ou l'autre espèce.

L'objectif fondamental des religions est de parvenir à une identification complète avec un pouvoir que nous croyons plus grand que nous-mêmes, dont nous pouvons partager l'omnipotence et l'immortalité. Ayant parachevé d'une façon ou d'une autre cette identité, on sent alors qu'on a plus de confiance pour gérer les problèmes et parvenir à nos fins. Cette dépendance à la religion de même que la dépendance à la propriété peut être symptomatique d'un défaut de dépendance à nôtre être même.

C'est nous-mêmes qui créons ce "Dieu de Pouvoir". C'est de notre Soi individuel que l'on tire ce pouvoir, et ce Soi est plus grand que n'importe quel des dieux qu'il a créés. C'est pourquoi se connaître soi-même est la plus haute forme de sagesse, et croire en soi-même est la plus haute forme de foi. La science qui cherche à savoir
et l'art qui cherche à interpréter sont les deux formes d'amours qui constituent les seuls moyens valables de culte. Que les expressions les plus grandioses de l'esprit humain, doivent être asservies à la religion,à la politique, au nationalisme et à la guerre, c'est là le blasphème en définitive.

Nous sommes au milieu d'une immense bataille de forces, dont l'enjeu est la domination des consciences et de l'esprit humains. Malheureusement ce n'est pas une bataille contre le bien et le mal, contre la liberté et la tyrannie, mais c'est plutôt une lutte de dogme contre dogme, et autorité contre autorité. Les protagonistes en sont le fascisme et le communisme. Chacune de ces doctrines est étrangère et hostile à l'idée de liberté. Chacune nous demande de choisir l'une ou l'autre alors que les deux sont en réalité identiques. Chacune exige l'asservissement absolu de l'individu, l'aliénation de l'intellect, et la subjugation de la volonté. L'autoritaire a raison, absolument raison, tellement raison que tout fait extrême de fausseté, de répression et de tyrannie se justifie par l'accomplissement de ses finalités "divines". Derrière son paternalisme bienveillant, se profilent les chambres à gaz et les camps de concentration; derrière sa moralité se dresse le bûcher de l'inquisition de la "religion de l'ancien temps", tant de gens ont professé d'y assister. Tous ces systèmes sont vieux; plus vieux que l'histoire humaine. Tout ce qui est nouveau sous le soleil c'est la liberté et la démocratie; qui outragent aussi bien les esclaves que leurs maîtres.

"Viens à moi" rengaine la vieille courtisane, " Venez à moi vous qui êtes las et dont la charge est si lourde, abandonnez votre intolérable fardeau de liberté, et je remplirai vos bouches par miracles, et vos ventres seront pleins à satiété. Venez avec moi et je confondrai vos ennemis, et je vous montrerai le paradis. Tenez, vous n'avez même pas à changer de nom, gardez juste la forme en reniant le fond, la lettre au détriment de l'esprit car de la lettre fut donnée la vie..."

Elle moissonne sur les nations désormais, cette vielle prostituée, et attend un rendez vous en un lieu appelé Armaggeddon. Les hommes libres seront pourchassés au nom de la liberté, et il y aura des prisons et des pogroms au nom de la démocratie, des meurtres et de l'esclavage au nom de la fraternité, et ce, pour l'enjeu de la domination sur les esprits et les corps des hommes.

Il existe un choix: le choix de la liberté, qui n'a aucun autre nom et aucune autre cause. l'homme, libéré de ses démons, sans la nécessité d'un dogme ou l'utilité d'une croyance, connaître le profit le triomphe et construire un sens. C'est la foi d'un homme libéral : croire en soi-même et croire en l'homme. il n'est aucune autre voie pour parvenir à la stature humaine dans son intégrité. C'est la voie longue et difficile, jonchée de procès, d'erreur et de fautes, de coeurs qui se brisent _-mais cette voie est guidée par la science et inspirée par l'art, qui longuement, à son terme, mène aux étoiles. Il s'agit de notre choix: il nous est accessible de croire en nous-mêmes, en d'autres hommes, et en la liberté et en la fraternité. Nous pouvons commencer à réaliser ici et maintenant ce paradis qui a si longtemps été relégué à l'outre vie. Ou bien, avec les dogmatiques, les positivistes et les autoritaristes, nous pouvons retourner à l'âge des singes à partir duquel nous nous sommes élevés.

Si nous souhaitons nous identifier avec un pouvoir plus grand, cherchons le dans l'union avec soi-même, avec un soi total, amené à ses possibilités de sagesse, de connaissance et d'expérience les plus grandes. Si nous souhaitons nous unir avec l'univers, bravons alors l'ensemble de la nature, tout le champ de l'expérience, toute la vérité et la splendeur du sublime cosmos lui-même. Car là-bas réside la grande campagne qui vient au début jusque la fin, l'ultime aventure de l'individu vers lui-même. Comme Moise il doit descendre vers son soi inconnu, au dehors dans une dimension nouvelle, au dehors avec Orphée et la barque d'Orphée, avec Tammuz et Adonie, avec Mithra et Jésus, dans le labyrinthe du Pays Sombre. Là il va rencontrer La Mère et entendre Sa question ultime " Qu'est-ce que c'est que l'Homme?" Ensuite, son coeur proche de la Mère cryptique, il pourra trouver le Graal, conscience ultime, souvenir total, instinct rendu certain, raison réalisée. Car c'est lui, monstre merveilleux, dieu embryon qui a nagé avec le poisson, mué avec le crocodile, scruté avec les yeux du serpent et nagé avec les singes, et fait trembler la terre avec le pas lourds d'un sabot de tyrannosaure. C'est lui qui s'est écrié sur toutes les croix, qui a regné sur tous les trônes, grouillé dans tous les caniveaux. C'est lui dont le visage se reflète et se distord dans tous les cieux et tous les enfers _ lui, l'enfant des étoiles, le fils de l'océan, la créature de poussière, cette merveille terrible qu'est L'HOMME.



Chapitre 4 : la Femme sanglée d'une épée


C'est à toi, ô femme, belle rédemptrice de la race humaine, que j'adresse ce chapitre. Ce qui se produit en toi maintenant n'est pas la folie, pas le péché, ni la déraison _ mais la vie! Cette nouvelle vie est la joie et le feu qui engendrera une race nouvelle, qui créera un Eden et une terre neufs. Quand tu étais enfant, n'as-tu pas entendu le soleil et le vent te parler? N'as-tu pas entendu la voix de la montagne, la voix de la rivière et celle de l'éclair? N'as-tu pas entendu le murmure des étoiles et la voix ineffable du silence? N'es-tu pas allée nue dans
la forêt, et senti le vent sur ton corps et la caresse de Pan? Ton coeur a grandi avec le printemps, s'est épanoui dans l'été est a connu la tristesse avec l'hiver. Ces choses sont l'harmonie et en elles réside ce qui reste éternellement vrai.
Toi qui a cherché des compagnons dont le coeur était aussi haut que le tien, tu ne les as pas trouvés, sauf dans des songes et de vagues chansons. A travers du monde tu as trouvé un fléau, un fléau de silence et de tristesse. Tes compagnons ont marché dans la culpabilité et la honte, dans la peur, la haine dans le péché et dans la tristesse du péché. Ce n'était que plaisir furtif et rires nerveux, honteux et insatisfaisant _ Mais ne sois plus triste, mon aimée. Sois remplie de joie et sans craintes, car en toi est le chant qui saura rompre le silence, la flamme qui consumera les déchets.

C'est toi qui es rédemptrice du chagrin et du péché, de la culpabilité et de la honte. FEMME, ô splendeur incarnée! Combien de temps as-tu pu servir dans les fers, esclave des désirs coupables des porcs? Combien de temps as-tu frémi de l'avilissement de ton nom sacré, "Putain" et souffert en silence de cette humiliation appelée "vertu"? Comme tu les as bien connus, les bûchers, les tenailles, le fouet, les chaines qui t'ont emprisonnée et même la tombe, au service de ton maître.

Et le lien, était-ce de la peur, était-ce de la faiblesse, de la lâcheté ou de l'infériorité? Oh, honte à l'homme, ce n'était rien de cela : c'était l'amour. Un homme fut un jour crucifié dans une rédemption qui a échoué, et si pourtant on faisait dix mille autres crucifixions l'infamie ne pourrait connaitre la rédemption. Mari, père, prêtre, gardien de cellule, juge, tortionnaire, exploiteur, séducteur, destructeur _ ainsi ton amant est devenu ton maître et t'as souillée. Pitié pourtant pour lui car c'est l'amour qu'il cherchait. Mais pour finir il y a un terme et puis un commencement, et il y a le futur qui sera tout entier avec toi. Car tu es la Mère d'une race neuve, rédemptrice et amante d'hommes nouveaux, ceux qui seront libres.

Je vais te parler des hommes. les hommes désirent d'une femme trois choses : une mère qui est plus qu'eux mêmes, une femme qui est moins qu'eux-mêmes et une amante qui soit leur égale. Contre la mère ils sont en révolte; envers leurs femmes ils ont du mépris et même leur amante leur échappe. Considère le mari, vois comme il laisse traîner ses habits partout, la vaisselle sale et comme il s'abstient de tout travail ménager, tout en s'affirmant d'une forte voix. Considère l'homosexuel, sa haine de la femme et comme il se fuit lui-même de peur de la tuer. Considère le grand amant, comme il se saisit de l'amour, ses mains proches du néant. Ce sont tous des enfants qui dans leurs peurs et leur stupeur inventent des jeux contre l'obscur. Et ceux qui portent du cuivre et des épées, pour parader et pour massacrer, est-ce que ce n'est pas eux qui ont le plus peur? Pour cela aies pitié d'eux et pardonne leur.

Dans l'ancien monde il y eut à une certaine époque des hommes, avant que ne progressent les villes et qu'ils deviennent des freluquets pleins de culpabilité. Puis vint le Christianisme, un baume pour les esclaves, un entérique pour les barbares dont les actes leurs donnaient même envie de vomir _ et finalement, un fouet pour les maîtres.

Faust a été le prototype du Moyen Âge, mais Faust - pas celui dont nous parle Kit Marlowe. C'est un Faust plus obscur, Gilles de Rais qui trahit la Servante dans sa soif de pouvoir et ensuite, après sa chute et l'échec de ses prières, descend dans l'horreur de la cave. Ce motif a duré une époque jusqu'à ce que l'homme, horrifié par ses cauchemards, se tourne vers un rêve de liberté.

C'est la voix d'un Voltaire, cynique et blasée, lasse de sa folie, qui ouvre les festivités d'un immense prélude de moquerie. Tom Paine, un vrai homme, brisé et finalement trahi par tous les champions de bois, Cagliostro, qui fomente la vengeance des Templiers avec une femme et un collier, Will Blake, qui parle sans être compris la langue des anges, Shelley et sa belle gestuelle, Swynburne qui est presque parvenu à recréer Hela avant d'être trop brisé pour cela _ Byron, Pushkine, Gautier, tous instruments du prélude à une symphonie jamais encore jouée. Et la Science! Comme elle devait nous sauver! Ce "Meilleur des Mondes" de Huxley, Darwin et H.G.Wells avec pour seule dissension la voix de Spengler. La science, langage international qui refait le monde, fraternité universelle qui transcende les nationalités, les préjugés et les croyances... Une belle vision qui s'est effondrée comme un château de cartes. Vous, créateurs d'une "Ère nouvelle", qui n'osez pas parler, penser et bouger sans une permission militaire, vous titans enchainés qui sanctionneriez un écart de langage par une pendaison _ où est votre "nouveau monde?" 6 Champions, où est votre liberté? Quel trésor avons-nous perdu? Pour y répondre nous devons nous tourner vers la femme.

La clef se trouve quelque part il y a dix mille ans, lors de l'ère d'Isis qui fut appelée par erreur Matriarchat. Ce n'est pas un matriarchat tel qu'on pourrait le concevoir, le règne d'un club féminin, de poules frustrées, en fait ce n'était pas du tout un règne, mais c'était une égalité de fait.

La Femme était et demeure la Prétresse. En elle sommeille le Mystère. C'est la Mère, qui couve avec tendresse, l'amante, à la fois distante et passionnée, la femme, révérée et chérie. C'est la femme sorcière. Elle arrive à égalité avec sa compagne qui est la cheftaine, la chasseresse, à la fois sage et l'artisan. La Femme est la prétresse, gardienne du Mystère, sybille de l'inconscient et prophétesse des rêves. Ils s'équilibraient mutuellement jusqu'à ce que survienne la catastrophe du Patriarchat, dont la figure archétypale est le monstre monosexué Jéhova. Des lors, sous la pouvoir des prêtres, les femmes sont devenues comme des animaux inférieures tandis que l'homme s'est isolé dans une supériorité imaginaire, et s'est retrouvé à la merci de sa propre intelligence qui est sans pitié. C'était la guerre totale entre les émotions qui obligent et l'intellect qui s'y refuse. Toute religion patriarcale est un monstre de contradiction. Certains dogmes dérivent comme de la paille
6 référence au titre anglais d'Huxley Le Meilleur des Mondes

dans le vent de l'intellect. Sur ces structures instables l'homme a échoué. Il connait la futilité de ces systèmes si artificiels, mais il se bat pour eux avec toute la fureur malade que sa frustration peut engendrer. Par ce procédé il a perdu sa mère, sa femme l'a trompé et sa maitresse l'évite. Le Mystère est sorti du Temple, banni par un concile de barbus, sénile et auto-suffisant.

Femme, femme _ où est-tu? reviens-nous à nouveau. Pardonne, même si tu ne peux pas pardonner et sers à nouveau dans nos Temples. Prend-nous par la main. Embrasse-nous sur la bouche et dis-nous que nous ne sommes pas seuls. Femme sorcière, relève-toi des cendres du bûcher! La voie des anciens poursuivait un culte dianique. Ces femmes splendides et terrifiantes, Messaline, Tofana, La Voisin et de Brinvillies ont élevé la vengeance à un art de haut rang. D'autres ont recherché le mystère interdit dans des rites secrets, et acheté une union brève à un prix d'horreur. C'était l'espoir de la pucelle d'Orléans, le rêve de millions de désespérés que cette femme qui devait leur apporter la rédemption était enfin venue. Son échec et son destin fatal nous apprennent que l'innocence n'est pas une protection. Sois rusée, ô femme, sois pleine de sagesse et de subtilité, sois sans pitié! je t'ai demandé de comprendre et de pardonner _ mais n' oublie pas pour autant. N'aie confiance qu'en toi-même.

Je viens d'évoquer ces grandes empoisonneuses, une vengeance est pire que cela. Sache que toute vengeance est aussi vengeance sur soi; la plus terrible est celle dont se charge la femme frigide. Comptez dans les dix millions. La malédiction vient de l'échec de leur compagnon à être un homme, et dans son échec à être soi-même, mais la cause en est l'obscure culpabilité avec laquelle les parents empoisonnent leurs enfants. Il y a aussi l'amour incestueux réprimé et la peur des enfants non-désirés _ et pourtant ceux qui ont connu réellement ces choses ne devraient en avoir aucune honte. La force ne naît pas d'elle-même, elle s'acquière
par la compréhension et en surmontant des obstacles. Va librement: chante le vieux chant, le chant sauvage :

EVOE IO, EVOE BACHHUS
io pan , pan ! evoe babalon !


Va dans les montagnes dans la forêt, va nue dans l'Été, que tu puisse gagner à nouveau l'antique joie. Aime sous les étoiles avec bonheur et liberté. Mais, tu dis que ton corps n'est pas beau? Voici un secret: c'est l'esprit qui modèle le corps. Si la haine, l'oppression et la peur t'ont embrassé, alors tu pourrais trouver ton corps repoussant. Mais va librement, aime dans la joie et sans restrictions. Cours nue et regarde la rougeur des joues, le puits des seins, et les souples contours se développer des rythmes flottants de la vie. C'est la peur et la haine qui nourrissent la maladie et les difformités, c'est pourquoi soyez des amants sans peurs et n'en soyez que plus beaux.

La Femme est la Prétresse du Monde Irrationnel! Irrationnel, mais terriblement important et ô combien dangereux d'autant plus qu'on le renie et qu'on rejette son existence, et on ne veut pas être ivres, meurtriers, frustrés, atteints par la misère et la pauvreté sans qu'il y ait une cause. Ces conditions ne sont pas raisonnables ou scientifiques et pourtant elles existent. Nous disons que nous ne voulons pas la guerre mais la guerre semble être une nécessité psychologique. Les guerres se poursuivront aussi longtemps que ce besoin ne trouvera pas d'autre façon de s'assouvir. Ce n'est pas parce que ce serait "raisonnable" que nous aimons ou
détestons quelqu'un. Nos émotions se produisent bon gré mal gré, en dépit de notre raison et de notre volonté, par des forces de l'inconscient, monde irrationnel. Ces forces nous parlent dans les rêves, dans les symboles, et dans cette partie de nos actes qui nous est incompréhensible. On ne peut racheter ces passions que par la
compréhension intuitive, province féminine. C'est seulement après une telle compréhension que l'intelligence et la volonté peuvent être véritablement efficaces, car sinon elles sont aveugles et impuissantes contre les vagues de l'émotion.

Femme, écarte les armes sans valeur. Met de côté les malices et les poisons, la frigidité et la puérilité. Tire l'épée à double tranchant de la liberté et appelle un homme à t'affronter dans un combat loyal, un homme apte à être ton mari et un père pour votre couvée d'aigles. Invoque-le, juge le par l'épée et il t'aura méritée. Tous les deux vous serez les archétypes de la race neuve.

Quelque part dans le monde aujourd'hui il y a une femme pour qui l'épée fut forgée. Quelque part une femme a entendu les trompettes de l'ère nouvelle et qui y répondra. Elle répondra, cette femme nouvelle, à la haute clameur des trompettes, elle viendra comme une flamme périlleuse et un chant détourné, une voix dans les couloirs des jugements une bannière au devant des armées. Elle viendra sanglée de l'épée de Liberté. Devant elle trembleront prêtres et rois, devant elle les cités et les empires s'écrouleront, et elle sera appelée BABALON, la Femme Écarlate. Elle sera emplie de désir et d'orgueil, subtile et d'un tranchant mortel et invincible telle une lame nue. Les femmes lui répondront avec des cris de guerre, jetant à leurs pieds leurs chaînes, la réponse des hommes sera de relever le défi en renonçant à leurs manières insensées. Elle brillera comme la rougeoyante étoile du Soir dans le crépuscule criard de Gotterdammerung. À nouveau elle brillera comme l'étoile du Matin lorsque la nuit sera passée et qu'une nouvelle aube se révèle sur les jardins de Pan.
À toi, femme inconnue , l'épée de liberté est promise.

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